Relâchement de pression

Le bain est vraiment agréable. Pas seulement grâce à la chaleur. La simple présence de mon amie rend le moment déjà plus délectable. Puis le fait qu'elle se sente suffisamment en confiance pour se confier, ça fait plaisir. Elle qui a tendance à tout garder pour elle, c'est bien si elle en laisse un peu sortir. Je suis un peu mal placée pour conseiller ce genre de chose puisque je ne fais guère mieux. C'est l'intention qui compte, merde. Puis lorsqu'elle m'avoue m'aimer, je lui fais gentiment comprendre que c'est réciproque. Du moins en tant qu'amie. En tant que plus si affinité, je ne saurais dire.

Au final je lui laisse le choix entre profiter encore un peu du bain ou aller faire autre chose. Une activité tranquille ou même dormir. À voir son état, j'imagine plutôt dormir. Elle somnole déjà dans mes bras, je ne pense pas qu'elle aura la force de faire un jeu ou de discuter. Sa réponse étant en allemand, je n'ai rien pigé de ce qu'elle a voulu dire. Je me fie donc à son état de fatigue pour deviner la suite.

Je l'aide donc à sortir du bain et vide l'eau de la baignoire pendant que ma colocataire s'enroule dans une serviette. Je l'aide ensuite à se sécher – et surtout à tenir un minimum sur ses jambes même si mon équilibre n'est pas fameux non plus – puis direction ma chambre. On est rapidement couchées et...même endormie en fait. Edelweiss ressemblait déjà à un légume tant elle était amorphe alors ce n'est pas surprenant qu'elle s'endorme vite. Dans mon cas, la pile électrique s'est juste transformée en veilleuse qui sert son doudou dans ses bras, qui fait un bisou qui ressemble plutôt à un suçon au final et le marchand de sable a fait le reste.

Durant la nuit, je me réveille et me lève afin de pouvoir répondre à l'appel de Dame Nature. Etonnant que j'aie pu encore avoir ce réflexe vu l'état où je m'étais couchée... À mon retour, je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé. Trop fatiguée ? Encore sous l'effet de l'alcool ? Aucune idée. Pour cette raison mystérieuse, je me suis juste agenouillée à côté du lit, pris la main de ma colocataire et me suis rendormie ainsi. Comme si je veillais sur une malade ou une blessée.

Mon réveil a été dur. Déjà, il s'est fait vers le milieu de la matinée. Ou la fin, je ne sais pas trop, faut pas trop m'en demander. Normalement je me réveille plus tôt mais l'alcool n'a pas dû aider. Puis j'avais mal au crâne. Et la tête dans le cul. Vous voyez le genre de réveil où on n'a l'air de rien à part peut-être d'un zombie sorti de discothèque ? Et bien c'est un peu ça... Je me frotte doucement les yeux en essayant de capter où je suis, à quel moment de la journée et surtout, pourquoi je suis à moitié assise sur le sol. Puis je regarde Edelweiss qui est déjà réveillée.

- T'es réveillée depuis longtemps ?

Après un petit temps de réflexion – faut laisser le temps au cerveau de se mettre en route – je tilte sur un point. Peut-être que ça fait déjà plusieurs heures et qu'elle 'sest ennuyée. Je ne l'espère pas. En peu de temps, je redeviens presque hyperactive. Je me relève, m'agenouille sur le lit cette fois et observe attentivement mon amie.

- Tu t'es pas ennuyée j'espère ! Pardon j'dors pas aussi longtemps d'habitude en plus. Tu vas bien ? Pas trop mal dormi ? Tu veux peut-être manger un truc ? C'est peut-être un peu tard pour le petit-déjeuner en fait...mais on peut faire un brunch si tu veux.

Une énergie qui est vite présente lorsqu'il s'agit de me faire du souci pour Edelweiss. Et pour Dave évidemment. J'ai toujours l'impression qu'un con tape du marteau dans ma tête mais j'ignore royalement ce détail. Tout ce qui m'importe actuellement, c'est le bien-être de mon amie. Et si l'on ne peut vraiment pas prendre un simple petit-déjeuner, le brunch sera parfait. Ca fera petit-déjeuner et dîner dans le même temps. Puis un autre détail me vient à l'esprit après quelques minutes de bordel mental.

- Au fait...tu te souviens ce qu'on a fait hier soir ?

Personnellement non. Tout est beaucoup trop flou. Je ne suis sûre de rien. Je me rappelle avoir voulu montrer le jardin à ma colocataire puis après...bonne question. Apparemment l'une de nous – ou même les deux – a pris une douche ou un bain si j'en crois les serviettes au sol. Et pour la suite, j'ai un très vague souvenir de ce qu'il s'est passé. C'est vraiment flou mais dans la bribe de souvenir que j'ai, c'est apparemment moi qui me suis chargée de mettre le pyjama à Weiss ainsi que le mien. Puis le trou noir. Ca doit être à ce moment-là qu'on s'est endormies. Par contre un détail me turlupine depuis tout à l'heure. Je pose alors doucement un doigt sur son cou, à l'endroit même où elle a un petit bleu.

- C'est bizarre, t'es légèrement bleu là. Tu t'es tapée hier soir ?

Le réveil a été dur. Très dur. C'est rare que j'aie autant de mal à me secouer les puces le matin. Et puis j'ai eu droit à un de ces mal de crâne carabiné. Comme si j'avais eu une vision. C'est plus ou moins la même douleur qui est ressentie. Ce qui n'arrange pas les choses, j'ai l'impression d'avoir mangé un trucs gluant. C'est tout bizarre dans la bouche. Comme quand on ressort du dentiste après avoir eu la mâchoire anesthésiée. Moi qui n'apprécie pas trop les réveils où je ressemble à un zombie, j'ai gagné je jackpot ce matin. Néanmoins tous ces effets semblent disparaître l'espace de quelques instants comme par enchantement lorsque je vois que ma colocataire est déjà réveillée. D'un zombie encore shooté, je passe à une espèce de demeurée hyperactive après avoir mangé une tonne de sucre. Et tout ça juste pour la bombarder de questions alors qu'elle vient peut-être tout juste d'ouvrir les yeux. Le bien-être d'Edelweiss passe avant mes maux de tête. Et même avant tout le reste en fait.

Sa réaction a été plutôt lente. Je ne crois pas qu'elle ait compris tout ce que je lui ai dit. Ce ne serait pas étonnant vu la vitesse où j'ai parlé. Ou alors elle s'étonne de me voir si réactive après notre soirée arrosée. Vrai que toute personne normale resterait tranquille avec des céphalées au lieu de s'exciter comme une imbécile... Ma colocataire s'assied finalement sans un mot jusqu'à ce qu'elle me demande de fermer les yeux. En général quand elle me demande ça, c'est pour me soigner. J'admets que je me sentirais mieux sans mon mal de tête mais en même temps, je sais qu'elle risque d'en subir les contrecoups. Ca m'embête de lui refiler mes douleurs. Enfin elle ne va pas très bien en ce moment donc je vais obéir sans rechigner pour cette fois. Je ferme alors les yeux et la laisse faire. Mon mal de crâne s'en va grâce aux soins de mon amie.

- Effectivement c'est mieux. Merci.

Heureusement elle n'est pas réveillée depuis longtemps. Ca me rassure. Ca m'aurait embêtée qu'elle soit réveillée depuis des heures et qu'elle soit restée dans le lit par ma faute. Je note tout de même que l'idée du brunch la tente. Vu l'heure qu'il doit être, c'est le plus simple à faire. Puis ça nous permettra de prendre le temps de réellement nous réveiller, de prendre notre repas sans avoir à se dire « flûte dans moins de deux heures y a encore un repas », etc... Et puis il y a largement de quoi faire un brunch, on est en vacances donc autant en profiter. Néanmoins avant d'aller en préparer un, une question me taraude un peu l'esprit. Qu'avons-nous fait durant la soirée ? Après notre visite du jardin, tout est flou. Je peux deviner qu'on a pris une douche ou un bain. Chacune son tour ou ensemble, aucune idée. En temps normal ce serait chacune son tour mais...avec l'alcool qu'on a bu, je me pose la question. Sa réaction ne me laisse que peu de doute sur ce qu'elle pense. Elle n'a pas vraiment plus de souvenir que moi. On forme une fine équipe de poissons rouges.

Un autre détail attire mon attention. Sa marque bleutée. C'est étrange parce que hier elle n'avait rien. Elle se serait tapée durant la soirée ? Ou même durant la nuit ? Je la laisse aller voir dans un miroir, l'observant curieusement. Apparemment c'est un suçon. Un truc à la con qui lui fout le doute quant à la sincérité de mes paroles. Pourtant je n'ai pas pour habitude de lui mentir. Je ne sais même pas le faire de toute façon.

- Oui j'suis certaine. Tout est très flou en fait. J'me souviens de la fontaine, qu'on ait commencé à boire de l'alcool mais après c'est le néant. J'devine juste qu'on a pris une douche ou un bain toutes les deux quand je regarde les serviettes mais je ne sais même pas si on l'a fait chacune notre tour ou directement ensemble.

Quoique je crois qu'on s'est embrassée mais je ne suis même pas sûre si c'était volontaire ou si on s'est juste loupée comme deux merdes à cause de notre état. Je me lève gentiment lorsque mon amie revient vers le lit. Elle semble chercher quelque chose dessus. Elle aurait perdu quelque chose ? Elle chercherait des traces d'une éventuelle partie de jambes en l'air ? À entendre la suite, ça semble être ça. Je m'approche d'elle et m'assieds à ses côtés avant de lui prendre une main.

- Je suis sûre que non. Mes souvenirs sont flous mais il y a une chose dont je suis certaine, c'est que même ivre tu n'aurais pas accepté de faire des cochonneries. Et moi non plus.

Pas sans son consentement. Ivre mais pas totalement irresponsable. Je ne l'aurais jamais touchée sans son accord. Encore plus en sachant qu'elle a un petit-ami.

- Quoiqu'on ait pu faire durant la soirée, je suis sûre que ce n'était que par maladresse. Après tout on était ivres, ce ne serait pas étonnant. Et puis même s'il y a eu un baiser, ce n'était pas réellement voulu donc on ne peut pas compter ça comme tromper.

Par contre le suçon je ne sais pas trop comment l'expliquer. Maladresse sans doute mais qu'est-ce qui aurait pu être désiré à la base pour que ça se soit transformé en une marque ? Une morsure taquine qui a été loupée ? Peut-être même que c'était réellement censé être un suçon mais fait par innocence. Par exemple en voulant simplement taquiner Edelweiss. J'espère quand même que ça ne la mettra pas dans la merde avec son copain.

- Au fait... Est-ce qu'il te rend vraiment heureuse ce type ?

Il a intérêt que oui parce que sinon il mérite qu'on lui fasse une tête au carré. Néanmoins la question reste très sérieuse. Edelweiss ne va pas très bien en ce moment, je n'ai pas envie que sa vie de couple fasse partie de ses tracas. Elle en a déjà bien assez avec les événements qui se sont produits à S'Indarë. Et puis même sans ces divers événements, c'est normal que je me fasse du souci pour elle. Elle est avec Dave ce que j'ai de plus précieux.