I thought I was becoming crazy. [FB Solo]

Comme chaque matin, elle supposait que c'était le matin. Cela faisait déjà un bon moment qu'elle n'avait plus vraiment conscience de l'écoulement du temps, enfermée dans une chambre blanche sans fenêtre dont les lumières ne s’éteignaient que lorsqu'on l'autorisait à prendre un peu de repos. Elle ouvrit les yeux en ramenant Ricardo, son chat en peluche, contre elle. Comme chaque matin, ils entraient dans sa chambre pour la préparer à une autre journée infâme.

Elle ne comptait plus les injections, les tests qui visaient à la mettre hors d'elle pour savoir si son pouvoir était encore actif, comment puisqu'elle ne devait pas tuer d'êtres humains ? Les animaux étaient une cible de choix. A force elle avait pris le réflexe de fermer les yeux parce qu'elle ne supportait plus de voir d'innocente bestioles s'effondrer pour ne plus jamais se relever. Pourquoi est-ce qu'il avait fallu qu'elle chope ça ? Est-ce qu'elle était malade ? Pauvre enfant, on lui avait expliqué tellement peu de choses, tout ce qu'elle savait, c'est que sans le vouloir, elle pouvait tuer. Elle avait déjà tué.

Si les personnes qui venaient s'occuper de lui donner des cours étaient bien plus sympathiques que celles qui lui faisait subir dix batteries de tests par jours, elle n'en restait pas moins effrayées, par ce qu'elle était. Sa simple existence suffisait à repousser les gens. Et il y avait de quoi, elle s'était aperçue une fois en pleine "crise" comme ils disaient. Elle avait vu sa peau, à la teinte violette, ces espèces de traits fluorescents qui semblaient représenter une horrible créature... Pas qui semblait, ils représentaient l'horrible créature qu'elle était devenue.

Et plus le temps avait passé plus son comportement changeait. Elle ne criait presque plus, elle pleurait en silence, elle n'essayait plus de parler. Elle ne savait plus à qui en vouloir. A ces scientifiques pour la torturer ainsi, parce qu'elle existe, à la vie, pour l'avoir faite exister ainsi ? Ou peut-être même à elle même, c'est peut-être de sa faute après tout si elle est devenue ainsi. Et plus le temps passait plus elle devenait silencieuse, les cris avaient laissé place à une apnée passagère, les pleurs avaient laissés la place à de simples larmes et quelques grimaces.

Elle parlait toujours à Ricardo avant de dormir, elle avait peur d'oublier comment on fait pour parler, à force de rester seule, elle ne veut pas oublier comment penser, comment ressentir. Et surtout, elle ne veut pas qu'on l'empêche de sortir une fois que tout sera terminé parce qu'elle ne peut pas se comporter comme quelqu'un de normal. Même si au fond, elle ne sait pas du tout ce que c'est quelqu'un de normal.

Sept ans déjà, qu'elle se réveille chaque "matin" pour apercevoir les mêmes murs blancs, les mêmes visages, pour subir la même journée encore et encore en attendant de pouvoir un jour peut-être pouvoir contempler la vraie lumière du vrai soleil. Peut-être qu'ils arriveraient finalement à détruire ses pouvoirs, c'est pas grave elle vivrait sans doute bien mieux sans avoir à se dire qu'elle pourrait tuer par inadvertance. Elle espérait. Comme chaque matin.