[Event Multimix] Un autre conte...

Quelle horreur… Je ne me souvenais pas que c’était si dur de garder un bon équilibre dans un corps de bébé. Lorsque je suis à quatre, ça va. Enfin l’équilibre reste bancal mais c’est toujours mieux que lorsque je tente de fouiller sous des meubles. Mes fouilles me mènent un peu partout dans la pièce, cherchant dans chaque recoin qui m’est accessible sous cette forme. Tout me paraît vraiment plus grand et plus difficile. Je n’aime pas cette sensation. Ca me donne l’impression d’avoir une falaise à franchir et de ne pas y parvenir, peu importe le moyen utilisé.

- Té..tine…

Ca m’énerve de ne pas pouvoir parler correctement ! Rendez-moi l’usage de la parole normale ! Un bébé qui apprend encore à parler, c’est naze ! Je ronchonne encore un peu dans mon coin tout en essayant de fouiller un tiroir qui est assez bas. Ca me permet au moins de « tenir » sur mes deux jambes.

Un contact soudain me coupe dans mon élan. Des petits bras autour d’un petit corps. C'est trop bizarre. Je sens en même temps mon vêtement devenir légèrement humide. Gros dégueulasse, il me bave dessus !

- Daveee…

C’est un mélange entre l’ennui lié à la situation et l’envie de retrouver réellement les bras de mon frère. Il me manque. Edelweiss aussi…

- Weissou…

C’est ce qui me permet de ne pas totalement craquer devant la bouille baveuse de mon frère. Pendant qu’il me colle telle une sangsue, je tente de me déplacer en crabe vers un second tiroir tout en prenant appui sur le meuble. Finalement c’est trop encombrant un frère sangsue. J’essaie de le décoller mais monsieur ne semble toujours pas décidé à me lâcher. Tant pis. Je vais le traîner avec ma force de fillette d’à peine un an. Allez ! Ho hisse, la saucisse ! Une saucisse lourde. Finalement il doit faire partie des saucissons. Les plus gros. Les meilleurs aussi mais là n’est pas la question.

Arrivée au second tiroir, je l’ouvre et fouille dedans. Puis je ne sais pas trop comment j’ai réussi cet exploit mais j’ai pris appui sur mon frère et...zou dans le tiroir. Celui-ci contient divers vêtements pour bébé. À en croire les modèles, je dirais que ce sont ceux de Dave. À moins que ce soit pareil pour les filles et les garçons ? Oh et puis on s’en fiche, je veux la tétine, moi !

Quand je dis que c’est une sangsue… J’en ai la preuve. Pas moyen de le faire lâcher sa prise jusqu’à ce que je puisse l’utiliser comme appui et monter dans le tiroir. Le problème en faisant ça, c’est que maintenant j’ai un frère triste. Je n’aime pas le voir triste. Je ne le supporte pas. Ca me fend beaucoup trop le coeur.

Non Dave, ne pleure pas ! Pleure pas, pleure pas, pleure pas ! Et merde il pleurniche. C’est en silence mais le résultat est là. Fait chier ! Je m’apprêtais à sortir du tiroir lorsque je le vois finalement se relever. Tine ? Il parle de la tétine ? Il sait où elle est ?!

- Tétine !

Oui Dave ! Montre-moi où elle se trouve ! J’essaie de ressortir du tiroir mais avec mon équilibre instable, je parviens surtout à m’écraser au sol lamentablement. Ca fait juste un gros sblarf pathétique en atterrissant. Je m’appuie à nouveau contre un meuble pour m’aider à me redresser et me tenir debout puis je regarde mon frère, les yeux plein d’espoir. S’il sait où est la tétine, il faut qu’il me le dise !

- Tétine ! Dave….tétine !

Au secours, je veux retrouver l’usage de la parole. Autre chose que des balbutiements et des mots maladroits ou simples à dire. Je n’aime pas cette sensation d’un esprit adulte dans le corps d’un bébé. C’est trop frustrant de ne pas se faire comprendre. J’ai l’habitude de ne pas être comprise – autre que par Dave et Edelweiss – mais ce n’est pas une raison pour en rajouter une couche avec le langage enfantin...

Il a vraiment l’air d’avoir compris ce que je veux. Ce n’est pas mon jumeau pour rien. Je lui serre doucement la main tandis qu’il m’entraîne vers une porte. Jackpot ! La tétine est bien présente. Le hic, c’est qu’elle est trop haute. Quel est le con qui l’a accrochée sur une porte ? Sûrement l’un de mes géniteurs. Ils ne savent vraiment rien gérer en terme d’enfant. Moi non plus cela dit mais je sais quand même que c’est bien si un gosse peut avoir accès à sa tétine quand il en a envie. Enfin c’est ce que je pense.

Une petite moue s’affiche un instant sur mon visage de bambin en fixant la tétine bien trop haute pour moi. Autre chose attire toutefois mon attention. Un petit garçon réclamant des câlins. Je sais qu’il m’aidera encore si je le lui demande mais je sais aussi qu’il ne lâchera pas l’affaire avec son câlin tant qu’il ne l’aura pas eu. Il a ed la chance que je l’aime même en sachant qu’il n’est qu’une illusion. Et qu’il mérite aussi une récompense.

Je prends donc mon frère dans les bras et le câline tendrement avant de me concentrer à nouveau sur ma mission. J’observe donc les alentours, cherchant un jouet qui pourrait servir de marche-pied. Mon frère a suffi tout à l’heure pour me faire rentrer dans un tiroir mais ce n’était pas aussi haut. Ca ne fonctionnera pas deux fois.

J’aperçois finalement une espèce de petit coffre à jouets. Un truc qui n’a pas l’air très lourd si on le bouge à deux et qui pourrait peut-être être juste assez haut pour atteindre la tétine. Je montre alors l’objet à Dave et lui prends la main pour me diriger maladroitement vers le coffre. Il n’est pas loin heureusement. Je le pousse donc avec son aide jusqu’à la porte. Une fois en place, je fais un bisou à Dave puis monte difficilement sur l’objet. Bah oui, c’est tout de suite plus compliqué de faire un véritable saut avec des jambes qui sont à peine assez musclées pour marcher. Pourtant je parviens à monter sur le coffre avec un peu d’effort. Je me mets ensuite debout dessus, prenant appui sur la porte et tends le bras en l’air, essayant d’attraper la tétine.

Allez. Encore un tout petit effort. J’y suis presque. Je suis à la limite de me casser la gueule à plusieurs reprises. Je parviens toutefois à attraper la tétine et là, c’est la catastrophe. Mon équilibre devient trop instable et bim, c’est la chute.

Je l’ai eue cette saleté de tétine ! Je l’ai eue ! Et le sol m’a eue aussi… Ce qui me surprend par contre, c’est que je n’ai pas si mal que ça. Je n’ai pas l’impression de m’être fracassée un os. Je sais que la hauteur n’était pas si grande mais un bébé qui tombe sur le dos, ça peut quand même faire des dégâts. Enfin je crois…

- Dave tu fais chier avec ta bouille triste…

Oh ! Je parle normalement ! J’ai ma voix normale aussi ! Ca doit être pour ça alors que je n’ai pas une plus grosse douleur à l’épaule. Mon corps est redevenu normal, plus résistant aussi. Au moins, j’avais raison. La tétine était la clé pour ressortir de l’illusion. D’ailleurs...pourquoi elle se dissout cette connasse ?!

Un mot. Encore ?! Entre le miroir brisé qui me fait le coup de l’avenir et la tétine réduite en paillettes qui me fait le coup du passé… Putain je suis dans le Noël de Picsou ou quoi ? Je connais mon présent, j’ai vu une illusion d’un futur censé être le mien, puis le passé.

- Egon tu te prends pour le fantôme du passé, présent et futur ?

Je me relève doucement puis ressors de la pièce. Maintenant qu’il m’a fait le coup des illusions sur ma vie ou mon potentiel futur, qu’est-ce qu’il va encore me faire subir ? J’imagine que j’aurai plus de réponse devant l’écran à nouveau. Je ne vois pas ce que la chambre d’enfant peut encore m’apprendre puisque j’ai eu droit à ma petite torture psychologique. Egon, t’as vraiment de la chance qu’Edelweiss t’apprécie et qu’elle te fait confiance. Encore plus de chance que j’aime beaucoup ma colocataire, quitte à te protéger si Edelweiss le souhaite.

Je me place à nouveau face à l’écran et l’observe attentivement. Avec un peu d’espoir, si un message s’affiche ça sera pour me permettre de sortir d’ici et de retrouver Edelweiss. De régler...non d’essayer de régler ces histoires avec Egon, retrouver notre directeur aussi ainsi que Malicia et éventuellement soigner ma cuisse avant que le tissu ne soit trop ensanglanté. Au pire je déchirerai un nouveau bout de mon t-shirt pour refaire un truc propre. Ca inquiétera moins ma colocataire si elle voit un truc pas trop rouge de sang.  Je crains déjà ce que l’autre peut lui faire, pas la peine que je fournisse à mon amie d’autres raisons d’avoir peur.

Le temps est long. Je commence à me demander si j’ai bien fait de revenir face à l’écran. Il n’a pas l’air de s’allumer cette fois. Je dois faire quoi alors pour sortir d’ici ?! Rien. Du moins pas tout de suite. Après quelques minutes, je vois l’écran se rallumer et afficher encore un texte. Comment sait-il que… Oh et puis merde, je laisse tomber. C'est un bordel sans nom depuis le début et Egon a l’air de connaître des choses sur nous sans même nous avoir rencontrés.

- Un amour fraternel et un amour comme le vit ma colocataire, c’est totalement différent j’te rappelle !

Et pourquoi je lui parle à cet écran, moi ? Ca doit être un simple réflexe. Celui qui se pointe quand on a l’espoir de se sentir moins seul de cette manière. Comme lorsqu’on parle à une peluche.

Un autre texte s’affiche ensuite à l’écran. Être seule durant plusieurs années à me faire torturer ? Plutôt crever. Je peux tenir seule durant des années puisque c’est la sensation que j’ai depuis toujours. Même si ce n’est pas physiquement, la solitude peut être présente chez une personne et la mienne n’arrive pas à être comblée. Elle s’atténue en présence de Dave et Edelweiss mais ne disparaît pas totalement. Par contre être torturée...non merci. C’est ça qu’a subi Egon ? Il a été torturé de la sorte lors de sa captivité ? Si c’est le cas, je comprends mieux pourquoi il veut se venger – même s’il le fait sur les mauvaises personnes – et j’en viens même à réellement vouloir l’aider. Plus uniquement parce que mon amie souhaite le voir. Bref maintenant je suis censée faire quoi ? Répondre à la question ? Poser la main sur l’empreinte qui brille depuis tout à l’heure ?

- J’tiens déjà depuis longtemps avec la solitude mais j’préfère encore crever que de supporter des illusions durant des années !

Je pose la main sur l’empreinte brillante sur l’écran dans l’espoir que ce soit mon moyen de sortir d’ici et de stooper enfin toutes ces illusions de malheur.

- Egon si tu m’entends, j’te jure que si Edelweiss est mal en point par ta faute, tu pourras te mettre mon aide où j’pense… J’veux bien être compréhensive sur ton comportement mais j’ai des limites.

Je ne sais même pas pourquoi je marmonne ces paroles. Je suis toute seule dans la pièce et il ne m’écoute peut-être même pas. Encore un simple réflexe, on va dire. L’espoir de sortir d’ici et de retrouver ma colocataire en bonne santé.

Un jour j’arrêterai d’être trop tactile et de poser mes mains n’importe où. Un jour. Pas aujourd’hui. Je ne sais pas si j’ai bien fait ou non mais en posant ma mimine sur l’écran, j’ai ressenti une étrange sensation. Comme si je me prenais de l’électricité dans le bras. Ma vision se brouille encore – j’irai peut-être faire un test de la vue si on s’en sort vivant de ce merdier, sait-on jamais – et lorsqu’elle redevient nette, ce n’est plus l’écran que je vois. C’est ma petite colocataire. Elle n’a pas l’air d’aller trop mal. Ca me rassure. Celle qui a pris ma place ne s’est donc pas attaquée à elle.

Ses paroles me font légèrement grimacer. Même si elle est contente d’avoir rencontré Naomi et moi-même, ça ne change pas qu’elle regrette sa venue à l’institution. Et si en plus je compte ce qu’elle nous a confié après sa tentative de suicide, ce n’est pas vraiment la chose la plus joyeuse à entendre. Encore moins rassurante. Elle essaie aussi de tranquilliser nos esprits...enfin surtout celui de sa petite-amie pour le coup, mais moi, ça m’inquiète. Qu’est-ce que c’est cette histoire de bracelets qui drainent l’énergie ?

Edelweiss, arrête. Mon cerveau n’arrive plus suivre. Il te fout dans la merde et toi tu veux encore lui parler ? Remarque...moi je veux carrément l’aider maintenant après tout ce qu’il m’a fait subir. Okay non, mon amie est bien plus logique que moi ! Elle n’a pas l’air d’avoir trop subi de blessures, elle semble bien se porter et elle veut juste lui parler. C’est normal encore. Moi j’ai vu un pseudo futur, je me suis blessée une cuisse pour ne pas craquer, j’ai revu une partie de mon passé, ça m’a mis mal psychologiquement et je ne veux pas parler à Egon. Je veux lui donner un coup de main ! Je compatis ! C’est pire !

Je continue d’observer ce qu’il se passe sans comprendre à travers quels yeux je peux voir. Pas l’intruse puisque je la vois. Pas Edelweiss non plus. Pas...attendez, elle est où la tarée qui kiffe envoyer les gens dans les murs ? Oh putain c’est quoi cette mèche blonde que je viens de voir ?! NON ! PAS ELLE ! N’IMPORTE QUI SAUF ELLE !

Un discours retentit dans la salle et là, je ne comprends vraiment plus rien de ce qu’il se passe. Depuis quand Edelweiss est cassante avec sa petite-amie ? Depuis quand elle apprécie Wendy ?! Attends Naomerde ! Plisse pas les yeux, banane ! Et pourquoi tu serres les poings en te dirigeant vers ma petite Weissou ?!

- Naomi, j’te jure que si tu touches à Weissou, j’te défonce !

Je ne peux vraiment rien faire pour l’en empêcher ? Je vois à travers ses yeux mais je ne peux pas essayer un genre de possession de corps ? L’empêcher de toucher à ma mascotte ? Allez, j’essaie. Je m’imagine très fort que cette gourde va s’arrêter et aller frapper n’importe qui d’autre plutôt que Weiss. Ou qu’elle va se stopper tout court et ne plus bouger de sa place. Aller Nao, sois une bonne petite marionnette et arrête-toi bordel !

Je rêve où elle m’a entendue ? Elle s’est arrêtée et a regardé l’intruse en croyant qu’elle lui a parlé ! Elle m’a entendue !

- Ouais ! J’ai dit que tu ne devais pas toucher à Weissou !

Rha ça ne fonctionne plus ! Mais ferme pas les yeux, idiote ! Elle n’écoute plus. Elle doit croire qu’elle est en pleine hallucination. Fait chier ! Elle prend ma colocataire par le col en plus ! Okay je vais la frapper.

Tu… ? Tu quoi ? Putain je ne vois plus rien ! Même l’écran s’est éteint ! Enfin presque. Il a juste laissé apparaître un mot à la mode « Noël de Scroodge ». Le présent est moisi ! Je veux savoir la suite ! Je veux savoir si je dois trucider la blondasse ou la laisser en vie avec seulement une tronche défigurée !

- Egon ! Bordel de merde, laisse-moi sortir d’ici et rejoindre Edelweiss ! J’vais pas pouvoir te donner un coup de main si je reste coincée ici !

Je ne sais même pas si une fois sortie, je pourrai l’aider mais une chose est sûre, coincée ici c’est nop ! Je ne sais pas ce qu’il se passe dans l’autre salle, ni pourquoi Naomi s’est soudainement mise à détester Edelweiss mais je sais ce que risque mon amie. J’en ai eu un aperçu à mes dépends, je lui en veux toujours pour ça. Et même si elle n’a plus ses pouvoirs actuellement, la blonde est capable de faire n’importe quoi. Qui agit avant de réfléchir là, hein ? Ce n’est clairement pas moi, c’est elle !