(FB) Je dois aller bien. [Solo]

Solo

Je suis fatiguée. Fatiguée mais je ne le montre pas. Grâce à l’énergie solaire des bestioles, je garde un teint plein de vitalité. Si on me connaissait pas, on pourrait croire que je fais des nuits supers reposantes. C’est bien, comme ça je ne l’inquiète pas. Mais en réalité j’ai du mal à dormir. Je ferme juste les yeux et ne bouge plus. Je fais la morte. J’ai envie qu’on m’oublie. Je ne veux pas qu’elle le remarque. Parfois je n’arrive pas à m’endormir avant le lever du soleil. Parfois je suis trop fatiguée pour réussir à tenir la soirée sans aller me coucher avant que ma nuit soit charcutée sur toute sa longueur. Et quand je me réveille je n’ai pas envie de me lever. Les cours ne me motivent pas. Les week-end non plus. Mais je sors de mon lit à chaque fois. Quand Lova a du mal à se réveiller, je la secoue gentiment en l’accusant d’être une petite marmotte et en rigolant. Puis elle me demande comment je me sens ou comment je vais et je la rassure. Je fais semblant. Je dis les mots qu’elle a besoin d’entendre pour qu’elle ne s’inquiète pas.  
Je le vois dans son regard, elle est mal à l’aise. Parfois j’ai l’impression qu’elle a peur de moi. Dès que quelque chose m’énerve, je vois son expression qui change alors je fais en sorte de ne plus me mettre en colère. Ou du moins je me contiens. J’inspire. J’expire. Je ferme les yeux une seconde et empêche mes émotions négatives de sortir. Et dès que Lova n’est plus là j’évacue. Je frappe dans quelque chose ou je m’énerve à voix haute. J’ai pas l’habitude de réprimer mes énervements mais bon… on va dire que ça m’oblige à me calmer et mieux gérer mon impulsivité.

C’est normal qu’elle ait peur de moi. Ou qu’elle se sente mal à l’aise. Je lui avais promis de ne pas lui faire de mal, de la protéger. Je lui avais promis de ne plus la laisser se battre seule pour nous deux. Et toutes ces promesses, je les ai rompu. J’aurai dû… Je n’aurai pas dû… Je ne sais pas. J’aimerai juste revenir en arrière pour ne pas toucher à cet objet. Pourquoi je ne lui ai pas parlé plus tôt ? Pourquoi j’ai tout gardé pour moi alors que je sentais ce désir de destruction monter encore et encore jusqu’à grignoter la moindre de mes pensées ? Est-ce que c’est cet instinct qui m’en empêchait ? Est-ce que j’avais juste peur de sa réaction ? Non… Même sans ça. Je ne dis pas quand ça va mal. Je pense que ça va passer et je préfère ne pas l’inquiéter. Je le fais déjà avec les séquelles que je ressens depuis les anges ou mon second enlèvement. Mais le pire dans tout ça, c’est que c’est encore l’excuse que je me donne maintenant. Et si je provoquais encore une catastrophe en gardant le silence ? Et si je la blessai plus ? Je ne veux pas lui faire du mal et en même temps… Je ne sais juste pas quoi lui dire. J’ai juste l’impression d’être bloquée. Incapable de mettre des mots sur ce que je ressens dès que je m’imagine aborder le sujet. Et je me sens encore plus coupable d’avoir pu exprimer un semblant de mes sentiments à Ashley durant le séjour à l’hôpital. Peut-être que j’étais trop à fleur de peau à ce moment. Peut-être que c’était plus facile lorsque l’éventement était tout récent. Mais maintenant… J’y arrive juste pas.

Je serre les dents et je me recroqueville sous la douche. Je pensais que le jet d’eau glacé m’aiderait à éteindre mes pensées. Pourtant… J’ai l’impression de bouillonner.

Je crois que j’ai juste besoin d’un peu d’espace. Être un peu seule pour remettre mes idées en place. Mais je me mets à sa place… Elle a dit que j’avais disparu pendant quatre jours. C’est normal qu’elle veuille rester avec moi, s’assurer que je ne me fasse pas attraper par les ténèbres encore une fois. Si ça avait été l’inverse, j’aurai eu besoin de rester près d’elle le plus souvent possible. Quand j’y repense, après que les anges l’aient capturé, j’ai attendu quelques minutes pour agir. J’ai attendu quelques heures pour la retrouver. Elle… Elle a dû chercher dans le vide pendant plusieurs jours sans savoir si j’étais vivante ou pas. Et quand elle m’a enfin retrouver je…

En fait j’arrive pas à savoir si elle préfère être avec moi ou que je parte quelques temps. Peut-être un mélange contradictoire des deux… Alors tout ce que je peux faire pour l’instant c’est de me comporter normalement. J’ai besoin d’aller bien pour elle. Pour lui laisser le temps de digérer l’événement et se remettre. Je lis son insécurité, son mal être. J’ai besoin d’être le rock que j’ai toujours été pour elle. Mais c’est tellement difficile. Dès que je pose mon regard sur elle, je revois la couleur violette qui couvrait ses cheveux. Je revois les éclaires. Je revois son regard de haine. Et surtout, je revois chaque endroit que j’ai frappé dans l’intention de lui briser les os.
Ma gorge se serre. Mes poumons me brûlent. Mais au moins, ce qui est bien avec l’eau de la douche qui coule sur mon visage c’est que je suis incapable de dire si je pleure ou pas. Et j’ai l’impression de ne pas aller aussi mal que ça. J’ai l’impression…
Si je me persuade que ça va, j’irai bien, non ?

Je replie mes genoux contre ma poitrine puis pose mon menton dessus. Je laisse mes yeux se perdre dans le vide. Je vois l’eau qui coule sur le sol froid de la cabine pour se faire aspirer en tourbillon par la canalisation. Je ne bouge plus. J’attends un peu. Je n’arrive pas à savoir combien de temps je suis coincée dans mes pensées. Je ne ressens même pas le froid de l’eau. J’ai juste l’impression que tout est gris autour de moi. Tout sauf…
Je baisse à peine les yeux sur ma main. Je regarde la bague dorée à mon doigt, longtemps. Beaucoup trop longtemps. J’inspire avant de la retirer doucement pour la mettre dans le creux de ma main. Est-ce que je mérite de la porter ? Est-ce que j’ai le droit de l’avoir à mon doigt comme si de rien n’était ? Je sais que Lova se mettra en colère si je la retire. Je sais aussi qu’elle se doutera de quelque chose. Mais je ne peux pas m’empêcher de m’en sentir indigne. Ce soir là, au dessus des nuages avec pour seul témoin le soleil déclinant du soir, je lui ai demandé de m’accompagner pour un rêve. Je voulais vraiment lui en faire vivre un tous les jours, le continuer aussi longtemps que possible. J’ai toujours voulu prendre soin d’elle et lui donner de l’amour. Pourtant, tout ce que j’ai réussi à faire est de briser ça. Je voulais lui faire mal. Je voulais la voir tomber. Je l’ai regardé avec haine et mépris. Comment j’ai pu... ? Comment j’ai pu ?

Putain !

Dans un mouvement de colère, je lève le bras, prête à balancer mon anneau au dessus de la porte. Je reste un instant comme ça, la main tremblante. Et puis… je finis par l’abaisser en même temps que ma tête. Je n’arrive pas à finir le mouvement. Je n’arrive pas à lancer ma bague au loin. Alors je me contente de la regarder en la faisant légèrement tourner entre mes doigts. Puis je la glisse à son emplacement initial.

En expirant, je repose ma tête et mon dos contre le mur. Ma main vient cacher mes yeux. Ils me piquent. Je suis en train de pleurer c’est ça ? Mais je ne veux pas qu’on m’entende. Alors je retiens les sanglots dans ma gorge. Ça fait mal… J’en ai marre d’aller mal. Je n’ai même pas eu le courage d’aller voir Ruby depuis qu’elle m’a vu au service de l’obscurité. J’ai beaucoup trop honte. Mon élément est censé être le soleil et la lumière. Je suis censée lui appartenir et tirer ma force de sa chaleur. On m’a plusieurs fois dit que j’étais « inspirante ». Que j’aidais les gens à devenir des meilleurs versions d’eux-même. Que j’étais une héroïne qui sauvait les inconnus ou tirait ses proches de l’obscurité. Alors... pourquoi ? Pourquoi c’est tombé sur moi ? Pourquoi les ténèbres m’ont choisit moi ? C’est comme si, du début à la fin, j’avais trahi tout ce que je suis au plus profond de moi. Tout ce que les gens voyaient en moi. Et si je suis si facilement arrachée à la lumière par son contraire… en quoi je suis forte ? J’aurai dû résister, être du côté de Lova et servir le bien. C’est pas logique. Rien n’est logique. C’est pas moi ça ! Ou bien il y a quelque chose en moi qui a attiré cette énergie de mort… ? Quelque chose qui lui a permis de me rallier si facilement à sa cause… ? Et plus j’y pense, plus toutes mes certitudes s’effondrent comme du sable. Et petit à petit, c’est comme si je perdais de vu qui j’étais. Ou bien… celle que je croyais être. Pourquoi est-ce que ça m’arrive maintenant ? J’essayais tous les jours de devenir meilleure, de guérir mes traumatismes et mes failles. Lova m’avait sauvé de la pièce sombre où m’avaient enfermé les laquais de Jormungand. Alors… pourquoi je suis retourné à l’obscurité ?

Je suis fatiguée…  

Solo

Iris m’a demandé ce qui n’allait pas. Elle m’a demandé d’arrêter mon cinéma avec elle, qu’elle avait bien remarqué que j’évitais consciencieusement Ruby et Rosa. Que même elle, je n’allais pas la voir. Que je ne lui parlais plus des soirées jeux vidéos avec mes potes. Qu’elle me voyait beaucoup trop souvent au terrain de foot comme si je l’utilisais comme échappatoire. Et surtout, qu’elle me voyait allait « bien » avec Lova et toutes les personnes qui venaient me parler ou à chaque fois que j’étais en publique.

Je suis restée muette. J’avais une chance de m’expliquer, de dire un peu ce que j’ai sur le cœur depuis quelques jours mais je n’ai pas réussi. Elle m’a exposé la chose tellement clairement que je ne pouvais pas vraiment m’y soustraire. Et pourtant… Je n’ai pas su quoi dire. D’une certaine façon, je voulais alléger un peu tous les sentiments qui rongent mon esprit et mes poumons mais j’étais incapable de parler. J’ai entrouverts la bouche et aucun mot n’a réussi à sortir. Ma gorge s’est serrée et tout s’est bloqué. Je n’arrivais même pas à pleurer.
Quand elle a vu mon état, elle m’a demandé si Lova était au courant. J’ai secoué la tête en silence. Elle m’a prit la main et son ton s’est radoucit. Puis elle m’a dit que j’avais le droit d’aller mal, que c’était normal avec tout ce que je vivais et que je n’étais pas obligé de parler. Mais elle m’a aussi conseillé d’essayer d’en discuter avec Lova. Et puis elle m’a prise dans ses bras pour me témoigner son soutien.

Je sais pas combien de temps je suis restais avec elle. Je sais juste que mes pensées se sont encore plus perdues. Je veux pas inquiéter Lova. Je ne veux pas la mêler à mes états d’âmes alors qu’elle doit gérer les siens… Et en même temps j’ai peur de la blesser si je garde tout pour moi… Et maintenant qu’Iris me conseille d’aller la voir, je me sens totalement tiraillée. C’est horrible, j’ai l’impression d’être secouée dans tout les sens, que mon corps se glace et brûle en même temps, qu’il se fait jeter à travers la pièce. J’ai juste envie de m’enfermer dans un coin et attendre que ça passe. J’ai mal au cœur. Je ne sais pas ce que je dois faire… Mais je n’ai pas la force de rester plus longtemps avec Iris. J’ai besoin d’être seule et réfléchir. Ou juste essayer d’éteindre mes pensées. Je ne sais pas mais je veux juste être un peu seule. Alors je suis partie. J’ai marché à l’aveuglette dans les rues de Londres avant de m’arrêter face à un bâtiment. Une église. La cachette de Thomas… Il m’avait dit que je pouvais venir quand je voulais si ça n’allait pas, hein ? Alors je fais un pas à l’intérieur. Je me faufile discrètement jusqu’au couloir qu’on avait emprunté pour passer la porte dérobée. Et je rejoins la pièce mal éclairée, les meubles poussiéreux et la statue au regard de marbre.  Je m’assois en face d’elle mais n’arrive pas à véritablement l’observer. Je baisse la tête. Je regarde le sol gris et mal entretenu.

Je ne veux pas empirer les choses… On commençait enfin à se reconstruire en tant que couple. Les anges ont fait tellement de dégâts… mentaux comme physique. J’ouvre doucement ma main gauche devant mes yeux et observe mes doigts bouger. Mais je ne les sens presque pas. Depuis combien de temps ce bras là a perdu ses sensations ? Depuis combien de temps la seule chose qu’il est capable de ressentir est de la douleur lorsqu’un contact est un peu trop fort ou violent pour lui ? Depuis combien de temps je n’ai pas pu ressentir les caresses de Lova dessus ? Est-ce qu’il redeviendra normal un jour ? Et… est-ce que ça aussi je dois en parler ? Non… Rhoswen a fait beaucoup trop de mal à ma chérie. J’ai vu son état lorsque je suis… partie puis revenue quand elle était succube. Si je lui dis ce qu’il m’arrive, ça veut dire révéler que cette salope m’a coupé le bras et je sais que ça la détruirait. Donc je ne peux pas en parler… Mais pour le reste… ?

Qu’est-ce que je dois faire ?  

Solo

Je souffle. Courage Kaylee. Tu peux le faire. Tu peux le faire. J’expire encore. J’ai l’impression de trembler légèrement. Mais je me lance quand même. Ma voix est hésitante et mon regard un peu fuyant.

- Lova je… En fait il faut que j’te parle… Non. Ça marche pas.

Je soupir en baissant la tête, resserrant mes mains sur les bords du lavabo. Puis je relève mon visage pour m’observer dans la glace. J’ai l’impression d’être ridicule. Je sais pas comment aborder la chose… Et cette phrase là est super nulle putain ! Elle va croire que je dois lui dire un truc super grave. Enfin si, c’est le cas.. ou non… Je sais pas !

- Salut p’tite bouille ! Au fait, j’dois te dire un truc !

Je secoue la tête. Nul, nul, nul ! On dirait que j’vais juste lui proposer un ciné. J’émets un grognement de frustration alors que j’arrive pas à rassembler mes pensées correctement. C’est pourtant pas si compliqué de parler d’un truc pareil avec ma fiancée ! C’est Lova, je sais que je peux tout lui dire !
Je pousse un profond soupir pour me regarder encore dans la glace. J’ai l’impression d’être stupide… Et d’avoir une expression lamentable. Je souris un peu. Non. J’essaye un nouveau type de sourire. Ça fait pas naturel… Je m’énerve…

La porte de la chambre s’ouvre et je sursaute en me retournant. Y a pas Jordan. C’est le moment, non ? J’expire un bon coup puis sors la tête de la petite salle d’eau. Quand je vois que c’est Lova, je sens mon cœur se mettre à battre à mille à l’heure. Mais je me contente de lui sourire comme d’habitude.

- Hey !

Je sais qu’elle va me demander si ça va, elle le fait tout le temps en ce moment. Je sais aussi que c’est la perche que je dois prendre. J’hésite un peu. Et puis une bouffée de panique me prend même si je ne le montre pas. Dans ma tête, des mots défilent.
Lova je… Je vais pas bien. J’arrive pas à me dire que je te mérite alors que je t’ai vraiment fait du mal. J’aurai dû te protéger…
Mais alors que j’entends ces mots dans mon esprit, ceux qui sortent de ma bouche sont différents. Je dis juste des banalités, que ouais ça va mais que j’avais un peu chaud du coup j’étais allée me passer de l’eau sur le visage. Puis je lui demande ce qu’elle a fait de sa journée et j’ai envie de me frapper intérieurement. Pourquoi c’est si difficile… ?


J’ai l’impression de tourner en rond… Chaque fois que l’occasion se présente, je n’arrive pas à dire ce que j’ai dans la tête. Je suis si nulle que ça ? C’est ma chérie. Ma fiancée. Elle a le droit de savoir ce que j’ai sur le cœur. C’est même la première personne qui devrait savoir ce qui se passe dans mon esprit…
Je souffle et m’assois sur un le banc derrière moi. Y a pas beaucoup de monde dans la cour ce soir. Je soupire et baisse la tête pour regarder mes pieds. Un petit frisson glisse dans mon dos. Il fait plus frais qu’hier. Enfin… La nuit est tombée, c’est normal. D’ailleurs je ne sais pas quelle heure il est. Le couvre-feu est peut-être proche ? Je me demande si Lova va me chercher… Quoique, j’ai remarqué son air détendu quand je sors de la chambre. Je suis pas bête, elle a l’air plus tranquille quand je m’en vais. Elle doit se dire qu’elle n’est pas obligée de me surveiller, sûrement.

…

J’observe mes mains se crisper légèrement. Mon pieds bouge à peine sur le sol et provoque un petit bruit de gravillon en traînant mon talon. Ma tête est vide. Comme si mes pensées s’étaient bloquées d’un coup. Je réfléchis trop en ce moment. Mon cerveau doit plus en pouvoir…

Puis j’entends des pas. Je ne bouge pas, continuant de fixer le sol. Le son se rapproche pourtant. Je reconnaîtrais cette démarche entre mille. Mais je n’arrive pas à faire le moindre mouvement jusqu’à ce que des chaussures entrent dans mon champ de vision.
Lentement, je relève la tête vers son visage. Je ne dis rien mais je vois à son expression qu’elle a compris que quelque chose n’allait pas. Peut-être qu’elle s’en doute depuis quelques temps ? Non, je suis sûre d’avoir fait attention, d’avoir camouflé, d’avoir parfaitement joué la comédie. C’est juste à cause de ma position, maintenant. Juste quelques minutes de faiblesse… Enfin, une seconde aurait suffit pour elle. Je sais qu’elle me connaît par cœur.
C’est le moment ? Je sens mon rythme cardiaque s’accélérer d’un coup. Je commence à avoir chaud. Et je peine à murmurer.

- Lova je...  

Ma gorge se noue à ces deux premiers mots. Et je reste là, à la regarder avec les lèvres entrouvertes sans pour autant réussir à parler. Encore une fois, tout se bloque. J’ai la sensation de ne pas pouvoir déglutir tant ma gorge est serrée.
Je la vois qui attend, qui me laisse le temps. Mais j’ai l’impression que les secondes deviennent des minutes sans que je ne puisse rien dire. Comme si, peu importe le temps que je prends, je ne parviendrai pas à lui parler.
Ma tête se baisse alors que mes mains se resserrent sur le bord du banc. Ça me met en colère. Et moins j’y arrive, plus cette colère grandi.

Presque soudainement, je me lève pour la prendre dans mes bras et la serrer contre moi. Fort. Comme à une bouée. Je ferme les yeux, cache mon visage dans le creux de son cou.

- J’y arrive pas…

Rien que cette toute petite phrase semble me demander un effort incommensurable. J’ai mal dans les poumons. Ma gorge me brûle. J’ai l’impression que ma tête va exploser.

- J’ai trop de chose dans la tête mais.. dès que je veux en parler, j’y arrive pas…

Comment tu fais, toi ? Dès que tu vas mal, j’ai l’impression que tu m’en parles. Dès que quelque chose t’empêche de dormir, tu arrives à mettre des mots sur tes mal-êtres. Et on trouve des solutions ensemble… Alors pourquoi quand j’essaye, je n’en suis pas capable ?
Je resserre un peu mes bras autour de son cou comme si ce geste m’aiderait à trouver du courage, de l’inspiration, n’importe quoi. Mais tout ce que j’arrive à faire c’est grincer des dents.

- Tu veux bien… m’attendre ?

Je suis pas prête, visiblement… C’est comme si, pour le moment, j’avais juste envie de faire semblant. Non, j’en ai besoin. Faire comme si tout allait bien. Faire comme si tous les événements d’hiver ne s’étaient pas produit. Tant que je n’arriverai pas à me sortir ces ténèbres de la tête, je ne serai pas capable de lui parler...