Des cours sup s'imposent ! [PV : Ever]

Le temps passe mine de rien assez vite quand elle est avec lui. Enfin, pour l'instant. Parce qu'elle doute qu'il passe aussi vite pendant un cours qu'à la mer ou à discuter tranquillement dans les couloirs. Elle l'observe, s'attarde un peu sur son sourire. Combien de temps avant qu'il renonce comme les autres ? Elle sait qu'elle ne pourra pas voir la réponse à sa question sur son visage. Parce que ce n'est pas vraiment lui qui en décidera. Alors reformulons. Combien de temps le fera-t-on persister ?

Laissant ces pensées clairement déprimantes de côté, Ever reprend le fil de la conversation en l'interrogeant sur les raisons de sa propre présence ici. Même si elle devine sans trop de mal que c'est lié à la musique, sa réaction lui tire un léger haussement de sourcil. Oh, ce n'est pas la seule raison ? Il le lui confirme d'ailleurs dès qu'il ouvre la bouche et elle penche légèrement la tête sur le côté.

» En partie ?

Qu'est-ce qu'il veut dire par là ? Une part d'elle est curieuse, elle regrette presque de ne pas pouvoir lire les informations sur les autres dans son carnet. Mais ça ne marche pas comme ça, malheureusement. Et sa réponse coupe très clairement la possible curiosité qu'elle aurait pu vouloir exprimer. "Peut-être un jour", ça veut dire qu'il n'a pas l'intention de lui en parler maintenant, et elle n'est pas assez sans gêne pour insister. Mais c'est amusant, en y réfléchissant. La Black Sheep qui annonce sans problème la raison de sa présence et le Blue Bird qui hésite. Une inversion des clichés associés à l'animal épinglé sur leur veste.

Un coup d’œil rapide sur son téléphone quand il le sort de sa poche lui confirme ce qu'elle pensait un peu plus tôt : le temps passe vite. C'est déjà l'heure pour lui de retourner en cours. Elle glisse ses mains dans ses poches. Bon, qu'est-ce qu'elle va bien pouvoir faire, maintenant ? Elle a envie de nager, mais la piscine de l'école n'est pas franchement à son niveau, et il y a sûrement trop de monde en ville pour qu'elle se permette de juste plonger dans la Tamise.

» Je vais me poser dans un coin pour dessiner. J'aimerais bien nager mais bon, cette ville manque d'océan.

Elle sourit. D'une certaine façon, ça lui rappelle le jour où ils se sont "rencontrés" – si on exclut leur aventure en magical girls. Si elle le pouvait, elle passerait son temps dans la mer. Pour le bien de ses résultats scolaires, du coup, c'est sûrement mieux qu'elle ne puisse pas.

» Je peux venir avec toi jusqu'à ta salle de cours, si tu veux.

Ça leur permettra de discuter encore un peu sur le chemin, et jusqu'à ce que son prof arrive, donc pourquoi pas ?

Nager a tendance à lui manquer. Elle faisait déjà halluciner beaucoup de gens quand elle se baignait dans une mer froide mais maintenant qu'elle ne ressent plus trop la morsure du froid, en tout cas pas quand elle se baigne, elle savoure la possibilité de pouvoir le faire quand elle veut, en toute saison. Enfin, elle en aurait savouré la possibilité s'il y avait eu un océan à proximité, donc. Les piscines sont loin, très loin de l'égaler. Mais bref. Étant donné qu'à part ça et dessiner, elle n'a pas de projet immédiat, autant l'accompagner. Ça leur donnera l'occasion de discuter un peu plus. Elle l'aime bien, mine de rien. Parce que c'est le seul qui parle avec elle sans la critiquer ? Non, pas vraiment. Mais les circonstances de leurs rencontres ont aidé. Elle oublie plus facilement ce qu'ils sont, quand elle est avec lui. Ou plutôt ce qu'ils ne sont pas.

Sa remarque lui tire un haussement de sourcil puis elle sourit, amusé, un éclat ironique dans le regard.

» Si t'as prévu de me traîner dans ta salle de classe, je vais peut-être rester là.

Apprécier les cours, qu'est-ce qu'il faut pas entendre. Non, plus elle se trouve loin d'un prof, d'un bureau et d'un tableau, mieux elle se porte. Si ça ne tenait qu'à elle, elle serait déjà retournée en Irlande pour se perdre dans les vagues, nager, et oublier cette histoire d'éducation. Mais on la force à aller au lycée, et puis ses parents sont assez cools avec elle pour qu'elle leur fasse ce plaisir.

Comme elle se doute ben qu'il n'a aucune intention de l'embarquer en cours avec lui, Ever se lève à son tour pour se placer à ses côtés, et marcher avec lui de la cour au bâtiment. En marchant, elle perçoit quelques regards surpris. Forcément, les gens ont tellement l'habitude de la voir les prendre de haut ou les ignorer qu'ils ont oublié qu'il lui arrive aussi d'avoir des amis.
Des amis... Est-ce qu'elle a vraiment fini par se faire un ami dans cette école ?

Sa propre réflexion la perturbe tellement qu'il lui faut plus de temps que d'habitude pour réaliser qu'il lui a parlé, et pour que la question se fraye un chemin dans son esprit. Ce qu'elle... euh... Ah, ce qu'elle aime dessiner. Oui. Alors.

» Un peu de tout, ça dépend de mon humeur. En ce moment...

Elle s'arrête un instant pour fouiller dans son sac et en sortir un carnet, qu'elle ouvre environ au milieu, avant de lui montrer un dessin. Un croquis de décor de forêt avec au milieu, seule partie vraiment travaillée pour le moment, un lac où le givre avance lentement vers le centre. Les brouillons des parties gelées ont déjà la marque des ombres et des reflets, et plusieurs lignes de glace se rejoignent entre les plaques déjà formées. Du côté gauche de la surface glacée, on peut apercevoir quelques lignes à peine griffonnée, dans une forme sinueuse semblable à un aurore boréale.

» Je dessine ça. La base est pas encore finie, mais l'idée est là.

Ever sourit. Elle est loin, l'époque où elle taguait les murs du collège, ou sa plus grande forme d'art était un graffiti sans ombre ni lumière posé sur la première surface venue. L'espace d'un instant, elle se demande ce qui se passerait si elle dessinait ce genre de paysage en activant son pouvoir. Créerait-elle un monde, où ferait-elle simplement apparaître une forêt et un lac au milieu de l'endroit où elle se trouve ? Elle n'a probablement pas encore le niveau pour répondre à cette question.

En regardant son dessin tandis qu'elle le montre, Ever songe à tout ce qu'elle pourrait y ajouter. Où mettre telle couleur, rajouter un trait, un effet de lumière ou d'ombre. Ça lui fait souvent ça, lorsqu'elle pose ses yeux sur une de ses créations – ou sur celle de quelqu'un d'autre, en fait – mais elle a la sensation que c'est un peu différent, là. Sans doute l'effet de l'inspiration donnée par les muses, après tout elle en a une en face d'elle. Elle sourit, tapote sa tempe du bout de l'index.

» Tout est là-dedans.

Au fond, elle sait que non, et que l'idée ne vient pas vraiment d'elle, mais elle préfère s'en persuader. Ses deux passions dans la vie sont la natation et le dessin ; dans l'un comme dans l'autre, elle préfère oublier la moindre trace d'influence extérieure. Donc, tout est dans son imagination. De toute façon, elle n'a jamais vu un lac pareil et elle doute que ça existe, mais elle n'a pas assez parcouru le monde – ou suivi les cours de géographie – pour en être certaine.

À force de discuter, ils finissent par atteindre la salle de cours. C'est probablement le moment de se dire au revoir, du moins pour cette fois. Mais à partir de maintenant, il est déterminé à lui donner des cours... enfin jusqu'à ce qu'il abandonne. Elle ne croit pas spécialement à ses capacités en maths, après tout. Combien de temps avant qu'il finisse par lâcher l'affaire, par abandonner ? Eh bien, c'est un test comme un autre à faire.

» Bon, cher professeur, je crois qu'il est temps pour toi d'étudier, dit-elle avec une fausse révérence et un sourire espiègle. Après tout, tu vas avoir la pire élève de l'école, t'as intérêt à tout savoir.

Échec scolaire et triche à l'appui. Et puis, il a vu son bulletin de notes, il sait très bien de quoi elle parle. Elle le salue une dernière fois d'une signe de la main avant de s'éloigner dans le couloir. Autant apprécier la situation tant qu'elle dure.