Préserver un monde voué à s'éteindre. [SOLO]

La guerre des dragons avait secoué tout le monde et aujourd’hui comme les jours qui étaient passé l’ambiance dans les locaux était encore partagée entre tristesse, tensions et colère. La tristesse de ceux qui avaient perdus des proches, des collègues et ceux qui étaient en colère parce qu’ils se sont sentis abandonnés. La seule reconnaissance à laquelle ils avaient eu droit était celle des mots. Pas de cérémonies, de médailles ou quoi que ce soit. Pour les vivants, comme pour les morts. Tous avaient soufferts de combats acharnés et beaucoup trop en souffraient encore. Alma dans son bureau continuait de s’acharner sur des dossiers pour elle même oublier qu’elle avait beaucoup perdu pendant cette guerre et les pensées qui émanait de ses collègues n’arrangeait en rien son humeur car comme d’habitude au risque de faillir, elle s’était fermée pour ne pas faiblir.

“Je savais qu’elle n’avait pas de coeur.”
“Il n’y a que sa petite personne qui compte.”
“Tout ce qu’elle veut, c’est la tête de la brigade.”
“Si elle en est là, c’est seulement parce qu’elle a eu la chance d’avoir une race balèze.”
“Pas la peine de se demander pourquoi son mari est passé à l’ennemi.”

Quand bien même l’envie de tous les mettre en pièce lui traversait sans cesse l’esprit elle n’en faisait rien. Elle tâchait seulement de les ignorer, et de faire son travail de commandante en second.

Jusqu’au jour où l'abcès perça. Après une véhémente dispute entre deux membres de la brigade, toujours au sujet de la guerre, Alma les avaient stoppé et c’est là que l’un d’entre eux avait finit par déballer son sac.

“Vous en avez rien à foutre ! Pour vous c’était juste un moyen de vous mettre en avant !”

Elle n’avait pas bronché et s’était contenté de le toiser en silence.

“On a tous vu que vous êtes comme avant, même la mort de votre mari ça a pas l’air de vous emmerder tant que ça…”

Elle tiqua avant de réprimer un grondement sourd qui commençait à monter de sa gorge à la manière d’un animal sauvage. Elle ne pouvait pas leur en vouloir. Pour certain la guerre avait été un réel traumatisme.

“Vous ne ressentez rien ! Vous n’avez pas de coeur !”

Elle esquissa un pas en avant qui fit frémir la petite assemblée qui était présente dans les locaux s’ils se demandèrent tous si elle allait le réduire en miette, elle n’en fit rien, simplement, elle lui donna une accolade.

“Ne me fait pas rire, vous avez vu l’état dans lequel vous êtes tous ? On dirait un tas de gros bébés tout juste bons à chouiner et à se lamenter. Mais ce n’est pas grave. Ressortir indemne d’une guerre, c’est impossible. D’autant plus quand personne ne reconnaît l’immense sacrifice que chacun d’entre vous à dû faire. Ça fait mal. Ça laisse des cicatrices. Moi, je suis immortelle, j’ai le temps de guérir, alors je peux bien mettre ça de côté le temps que vous alliez mieux. Il faut bien quelqu'un de capable pour veiller sur une bande d’enfants comme vous… Faites ce que vous pouvez, je passerais derrière vous.”

Sans un mot de plus, elle retourna s’enfermer dans son bureau, est-ce qu’ils avaient compris, elle espérait.

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Elle n’avait pas pu faire autrement. Cela faisait un moment déjà qu’elle savait. Elle avait pris l’habitude de toujours lire ses pensées quand il était dans les parages et c’est comme ça qu’elle eu fini par l’apprendre. Mais elle n’était pas allé vers lui, pas cette fois, elle attendrait qu’il vienne le lui annoncer. Sa décision était prise et il ne changerait pas d’avis. Après tout, Marvin était un homme aussi borné que gentil. Encore parfois elle se demandait comment il avait pu aussi longtemps tenir les rennes de l’ordre magique. Puis elle se répondait d’elle même sans mal. Les pouvoirs de cet homme sont immenses. S’il avait pu l’enfermer pendant presque un millénaire qui sait ce qu’il était réellement capable de faire.

Aussi ce fut lui qui vint à sa rencontre, comme à son habitude, il entra dans le bureau de sa fille adoptive, sans frapper.

“Pour la énième fois, tu pourrais frapper.”

Il répondit armé de son habituel sourire un peu trop doux.

“Pour la énième fois, pourquoi je devrais frapper alors que tu me sent venir avant même que je ne me lève de mon siège.”
“Parce que c’est malpoli.”

Il ricane.

“C’est vrai que tu peux te permettre de donner des leçons de politesse toi. Allez viens, on va faire un tour, j’ai à te parler.”
“Quand j’en aurais fini avec le travail, tu veux ?”
“Maintenant, Alma, c’est important.”
“Je sais. Mais je n’ai pas le temps.”

Il soupire aussi amusé que dépité.

“Puisque tu y tiens, c’est un ordre Alma, on va faire un tour.”

Elle releva finalement la tête de ses dossiers pour le regarder et s’assurer qu’il était sérieux. Voyant qu’il l’était, elle soupira en se redressant et en attrapant sa veste.

“Bien, mais fais court.”

Il lui tint la porte le temps qu’elle sorte du bureau puis il se dirigea lui même vers la sortie du commissariat. Il marchèrent d’abord en silence. Pour une fois, elle fit l’effort de ne pas lire ses pensées comme elle avait l’habitude de constamment le faire, elle attendrait qu’il parle de lui même. Leurs pas les menèrent jusqu’à la bâtisse qui était autrefois l’orphelinat dans lequel il avait déposé une Alma bébé, il y a de ça des années.

“Voilà, c’est ici que tout à commencé, alors je pensais que ce serait plus approprié.”
“Arrête de tourner autour du pot, je ne supporte pas ça.”
“Puisque tu y tiens. J’ai fait mon temps ici. Je m’en vais.”

Quand bien même, elle se pensait prête à l’entendre, la nouvelle lui fit tout de même un pincement au coeur.

“Tu t’en vas ? Tu vas laisser la brigade en branle comme ça ?”
“Je ne la laisse pas en branle.”
“Ça y ressemble pourtant.”
“Je te la laisse à toi.”
“Tu parles d’un cadeau. Tu voulais pas accomplir ton idéal de justice ?”
“J’en suis incapable. En revanche je sais qu’entre tes mains, mon idéal deviendra réalité.”

Est-ce qu’il était sérieux ou est-ce qu’il essayait de la flatter, elle ne le savait pas vraiment. Mais à en voir son visage sur lequel se peignait une certaine tristesse, il n’avait plus l’air d’avoir envie de plaisanter.

“Comment tu peux être sûr que je ne vais pas recommencer à tout démolir quand tu seras parti ?”
“Parce que tu as appris la valeur de la vie Alma, celle des émotions et des sentiments. Et tu as appris à ne plus les laisser te submerger.”
“La faute à qui ?”
“Je plaide coupable volontiers.”

Un faible sourire se dessina sur ses lèvres alors qu’il baissait les yeux sur ses bottes.

“Je peux t’assurer que je n’aurais pu rêver meilleure fille. Mis à part ton côté colérique.”

Si elle avait toujours nié le considérer comme son père et ce depuis son adoption, elle ne pouvait cependant pas nier qu’il en avait fait énormément pour elle. Sûrement plus que n’importe quel père. Et ce même si son but premier avait été en vérité d’empêcher Fenrir de prendre la voie de la destruction. Sans crier gare elle s’avança pour le prendre dans ses bras. Si jamais elle ne lui dirait qu’elle voyait peut-être un peu un père en lui, elle pouvait peut-être le lui montrer, un petit peu.

“On se reverra ?”
“Je ne saurais le dire…”
“De toute façon, tu ne m’oubliera pas.”
“Qui le pourrait ?”
“La ferme.”

Il lui tapota le dos en ricanant, profitant de cette dernière accolade. Et dieux sait qu’au cours de leurs longues vies, elle n’avaient pas été nombreuse.

“Mon bureau est déjà débarrassé, les papiers sont faits et en règles. Félicitations, commandante.”

Elle le sera un peu plus contre elle, commençant peut-être à redouter le moment où il allait finalement disparaître. Redoutant peut-être un peu de se retrouver seule. Elle venait de perdre son mari et maintenant, son père lui annonçait son départ.

D’un geste paternel, il lui caressa le haut de la tête.

“Je sais que ce monde est éphémère, qu’il est rempli d’injustice et de doutes. Mais fais confiance aux autres et continue de le préserver de toutes tes forces.”
“Je te le promets.”
“C’est ce que je voulais entendre.”
“Je sais.”
“Tu pourrais frapper avant d’entrer.”
“Jamais.”

Après quelques minutes il s’éloignèrent l’un de l’autre, souriants tous les deux, espérant peut-être pouvoir se recroiser au cours de l’éternité à venir. Mais qui sait ce qui peut se passer en une éternité. C’est vraiment long, une éternité. Et c’est un inhabituel grand sourire aux lèvres qu’elle le regarda s’évanouir, comme s’il n’avait jamais été là auparavant, avec pour seule trace de son passage dans ce monde, des souvenirs, des émotions et la promesse d’un idéal.

“Préserver un monde voué à s’éteindre... “