Comme tout les jeudis, Léandre commençait par un cours de Physique avant d’avoir une heure de pause suivit de trois heures de spécialités et d’être libéré pour le reste de la journée. Mais aujourd’hui était plus spéciale que les autres jeudis. Ils avaient reçu leur bulletin semestriel. Fort de constater que sa moyenne générale avait augmenté depuis l’an dernier. Mais il ne devait pas cela à ses notes mais plutôt au fait de ne plus avoir de cours de technologie et d’informatique où il était tout simplement misérable. Il s’en sortait très bien, même si la remarque était toujours la même ; manque de participation et légèrement dissiper au début de l’année. En même temps, avoir une partenaire distante à cette époque et une peine de cœur ne l’aidait pas vraiment à se concentrer en cours. Mais en voyant son bulletin il pouvait se dire qu’il n’en sortait bien et qu’il pouvait passer de bonnes fêtes le cœur léger.
Le cours de Physique semblait moins bourratif cette semaine, certainement parce que les vacances approchaient et que même le professeur n’avait pas la foi de les maintenir d’une main de fer avant les fêtes de Noël. Dehors, même le soleil tardait à se lever dans le froid mais les premiers flocons ne venaient toujours pas, peut-être que Londres était une ville sans neige ? C’était bien triste.
La cloche sonna et la classe se dissipa. Le jeune homme méditait sur ce qu’il allait faire de son heure creuse alors qu’il descendait les escaliers pour quitter l’étage des 3e/4e années avec une petite partie de sa classe qui avait également une heure à tuer. Dans le corridor menant à l’escalier vers le rez-de-chaussée, le regard d’émeraude et de saphir du jeune homme se tourna vers le coté où il remarqua une silhouette familière. Petite, menue, avec des cheveux semblables au rougissement d’un soleil au crépuscule. Léandre esquissa un sourire pour lui-même avant de quitter son chemin prévu pour aller vers la demoiselle, faisait un signe à Chuemon qu’il ne continuait pas sa route avec lui vers l’extérieur.
Léandre s’approcha de la demoiselle qui lui tournait le dos avant qu’une boulette de papier ne vint lui percuter en plein visage. Surpris, Léandre n’eut même pas le temps de dire quoique se soit, eut seulement un mouvement de recul mais pas assez vif pour que le papier froissé ne l’évite. Lorsque la boule rencontra le sol, le jeune homme lâcha à l’intention de sa cadette qui lui tournait encore le dos :
_Je te pensais plus écologique que ça.
Léandre se pencha, ramassa le papier et semblait reconnaitre ce qui semblait être … un bulletin ? Curieux, le jeune homme défroissa la feuille pour constater qu’il avait raison. Son regard parcouru la feuille avant que ses yeux ne s’ouvrent en grand, à la limite de la syncope. Il ne put empêcher sa bouche d'inspirer de l'air alors qu'il avait loupé au moins deux battements de coeur.
Etait-ce …. Possible ? Des notes pareilles ?!
Les maths … Comment on pouvait avoir cette note en maths … non …. Pas possible … Biologie … Mais les maths surtout … Léandre allait réellement faire une crise cardiaque …
Non, vraiment, ça existait ? Elle n’avait la moyenne que dans deux tiers de son bulletin et les commentaires n’étaient pas vraiment agréables ; élève dissipée, n’écoute pas, manque d’implication et d’application, tricheuse.
Ever Inkraven.
Même si c’était difficile à croire que cela puisse être possible, Léandre devait bien admettre qu’il avait en face de lui une parfaite petite tête à claque. Même s’il ne pensait pas faire cela, Léandre offrit à Ever le regard du jugement, mais non pas les sourcils froncés et le mine en colère, non, plutôt un grand étonnement à la limite de la stupeur. Il connaissait une jeune fille, certes têtue et préfère s’amuser qu’autre chose, mais il ne pensait pas découvrir qu’elle était une vilaine tricheuse qui semblait apprécier les heures de colles.
Le finlandais se reprit, retrouvant un visage totalement neutre avant de s’avancer vers sa camarade et retourna la feuille pour qu’Ever fasse face à ses propres notes avant de demander :
_C’est une mauvaise passe ou ce sont tes notes habituelles ?
ft Ever Inkraven & Léandre Laverny le jeudi 20 décembre 2018
Un semestre entier de cours qui se termine, mais une grosse ombre au tableau : un peu plus tôt dans l'année, dans le courant d'octobre, sa combine de triche principale s'est fait éventer. Ça veut dire surveillance accrue à tous les contrôles, et ça veut surtout dire que ses notes ont repris leur cours normal, à savoir une chute libre vers le zéro pointé. C'est d'autant plus frustrant qu'elle a réussi, l'an dernier, à remonter ses notes suffisamment pour passer en deuxième année sans trop de soucis, même si on l'a forcé à s'inscrire en cours d'été - inscription pour échec scolaire oblige. Mais tous ces efforts ont été réduits à néant le jour où les "soupçons de triche" mentionnés sur ses bulletins de l'an dernier ont fini par être justifiés. Et c'est comme ça qu'elle se retrouve avec quatre avertissements, des heures de colle et un bulletin catastrophique distribué, en plus, en première heure. Parce que gâcher les vacances d'hiver n'est pas suffisant, il faut aussi gâcher les journées qui les précèdent.
Autant dire qu'elle n'est pas d'humeur profondément joyeuse et pacifiste quand elle sort de la stupide réunion de début de journée qui l'empêche de se lever à 10h le jeudi matin. Elle l'avait vu venir en voyant tomber mauvaise note après mauvaise note à chaque contrôle, mais les résultats sur son bulletin de note lui donnent la nausée. Elle n'a aucune envie de passer une année de trop dans cette stupide école. Dans n'importe quelle école ! Quatre ans de lycée, c'est déjà trop, beaucoup trop, alors cinq ? Juste parce qu'ils doivent apprendre par cœur tout un tas de choses qui leur seront inutiles dans la vie ? Jamais. Même pas en rêve. A peine sortie de la salle, elle s'assoit à côté de la porte, contre le mur du couloir, sans le moindre regard pour ses camarades qui sortent pour aller à elle ne sait quel cours. Elle, elle a deux heures de pause, et elle n'a aucune envie d'aller où que ce soit. Je ne veux pas redoubler. J'en ai déjà marre du lycée, hors de question que je me tape trois ans au lieu de deux. Il lui faut une nouvelle méthode de triche. Plus discrète, plus efficace, une qui lui assure la moyenne au deuxième semestre et un passage en troisième année...
C'est à ça qu'elle passe l'heure : regarder ses notes en grognant, chercher une manière de les améliorer malgré la surveillance accrue autour d'elle. Mais finalement, rien ne vient. Elle est de trop mauvaise humeur pour trouver quelque chose. il faut qu'elle cherche sur internet, il doit bien y avoir des techniques que les profs ne connaissent pas pour réparer cette stupide négligence qui l'a fait prendre ! Rageusement, elle se relève en froissant son bulletin. Hors de question qu'elle montre ça à ses parents. Pour quoi faire ? De toute manière, si elle ne le fait pas, elle écopera au mieux d'une heure de colle supplémentaire, la belle affaire ! Elle commence à s'y habituer. De toute façon ce n'est pas comme si elle y pouvait quoi que ce soit.
Ever lance la boulette de papier qu'est devenue son bulletin derrière elle sans réfléchir. Au pire quelqu'un le trouvera et le jettera, ça lui fera des vacances et elle pourra prétendre qu'elle l'a perdu. Mais elle sursaute en entendant une voix. Se crispe légèrement en la reconnaissant. Elle se retourne brusquement.
» Ne...
Trop tard. Il tient déjà la feuille dépliée dans ses mains et Ever grimace en se mordant la lèvre. Elle aurait dû la jeter dans une poubelle, là où personne n'aurait pu la voir. mais pourquoi de tous ceux qui auraient pu tomber là-dessus, il faut que ce soit l'un des seuls qu'elle apprécie un tant soit peu dans cette école ? Ça n'aurait pas pu être quelqu'un qui lui aurait lancé deux-trois piques sur son intelligence avant de partir, comme cette fille, là, Weiss ? Ça lui aurait permis de décharger sa mauvaise humeur.
Au regard qu'il pose sur elle, l'adolescente détourne les yeux en croisant les bras, une expression fermée et boudeuse sur le visage. Elle ne les repose vers lui que quand il lui parle à nouveau, pour tomber nez à nez avec des notes qui la font serrer des dents à nouveau.
» C'est mes notes quand on m'empêche de réussir à ma manière.
A savoir : en trichant. Elle n'a pas envie de se justifier. De toute façon, ça ne sera qu'un mauvais souvenir quand elle aura trouvé une méthode que même les profs ne soupçonneront pas. Là elle pourra voir des notes magistrales et ils lui ficheront la paix, elle pourra finir ses deux prochaines années tranquillement sans avoir à craindre de refaire un an de trop entre ces murs.
_C’est une mauvaise passe ou ce sont tes notes habituelles ?
Ever avait les bras croisés et l’expression boudeuse. C’était un peu normal vu qu’il venait de souligner quelque chose dont elle ne pouvait pas réellement se vanter. Mais grandir c’était aussi prendre ses responsabilités, alors le jeune homme les lui mettaient sous les yeux. Il voulait qu’elle prenne conscience qu’elle n’arriverait jamais à passer avec des chiffres pareils et redoubler n’était amusant pour personne sur Terre.
_ C'est mes notes quand on m'empêche de réussir à ma manière.
Au moins, ça avait le mérite d’être claire. Elle avouait donc que ses manières étaient peu droites, dirons-nous. Faute avouée à moitié pardonner ? Pas pour ses professeurs en tout cas, vu les commentaires sur son comportement.
_De ce que je lis, « ta manière » n’a pas l’air efficace.
Léandre ne voulait pas enfoncer le clou mais c’était sorti tout seul. Il n’était pas un adepte de triche. Tricher était une attribution d’un mérite auquel on n’avait pas le droit. Admettons Ever avait triché à un concours et avait réussit, elle aurait prit la place d’un autre qui la méritait bien plus qu’elle. Non, ce n’était pas bien et malgré tout, le jeune homme savait qu’Ever n’était pas une mauvaise fille, elle était juste un peu … paumée scolairement. Mais rien ni personne n’était irrécupérable et il était prêt à aider sa cadette pour lui prouver qu’elle n’avait pas besoin de tricher pour s’en sortir, et surtout, qu’elle sente l’estime de soi de réussir quelque chose sans avoir besoin de tricher.
_Et si pour le second semestre, on le faisait à ma manière ?
Les mains sur les hanches Léandre se pencha sur la petite Ever avec un sourire taquin, forçant son regard vairon dans celui crépuscule de la demoiselle. Oh oui il allait l’aider cette petite. Soit elle allait le détester, soit elle allait l’adorer, mais dans les deux cas, elle allait remonter sa moyenne, il en ferait un défis, un pari même.
_Cours particulier tout les soirs jusqu’à se que tes notes remontes.
Le jeune homme ne put retenir un léger rire en se redressant pour laisser sa cadette respirer. Il regarda une nouvelle fois la feuille froissée entre ses mains. C’était vraiment une catastrophe mais il avait bon espoir, ce n’était pas irrattrapable. Ever s’était montrée perspicace, habile et maline durant leur mésaventure sous le théâtre, elle était donc assez intelligente pour ne pas avoir … ces … « notes ». Il était même persuadé qu’elle avait les capacités d’être une bonne élève si elle s’en donnait les moyens. Toujours les yeux fixés sur la feuille, comme s’il devait la lire mille fois tant le jeune homme n’en croyait pas ses yeux, Léandre exprima à sa jeune camarade mal barré :
_Vois le bon coté des choses. Au lieu de passer ton temps libre en colle, tu le passeras pour faire en sorte de ne pas avoir cours de rattrapages et profiter pleinement de tes vacances.
Léandre leva finalement la tête de ce bout de papier froissée par la haine et esquissa un sourire rassurant au coin de son visage. Il n’allait pas lui forcer la main mais il savait qu’il pourrait faire un bon professeur et si Ever y mettait du sien, elle pourrait remédier à ce bulletin catastrophique pour passer ses vacances d’été ailleurs que dans des manuels. Deal ?
ft Ever Inkraven & Léandre Laverny le jeudi 20 décembre 2018
Ever fronce les sourcils avec une expression vexée. Au contraire, sa manière était très efficace, avant qu'on la lui retire. C'est comme donner un crayon à un peintre et espérer qu'il fabrique une toile de maître : on ne fait rien de bon sans le matériel approprié.
» Elle marchait assez bien pour me faire passer en deuxième année, marmonne-t-elle. Fallait pas m'en priver...
Si personne n'avait eu l'idée de la surveiller, elle aurait réussi ce semestre aussi bien que sa première année mais non, il a fallu qu'un prof fasse du zèle et essaye de la surprendre en train de tricher. C'est injuste. Accuse-t-on les génies de tricher parce qu'ils retiennent tout en une seconde et ont une antisèche instantanée au fond de leur crâne ? Non. Pourtant, leur réussite est tout aussi facile et tout aussi injuste que la sienne.
» A ta manière ?
C'est quoi, sa manière, réviser ? Une perte de temps. Pourtant, il ne tarde pas à confirmer que c'est ce à quoi il pense et Ever esquisse une grimace. Est-ce qu'il a vraiment l'intention de lui imposer des cours ? Et si elle n'a pas envie ? Et si elle préfère échouer ou trouver une nouvelle façon de tricher ? Elle n'a de toute façon pas le niveau dans la quasi-totalité des matières, et elle ne l'aura jamais.
» Tu perds ton temps, elles ne remonteront pas.
C'est pour son bien : elle veut lui éviter des heures de galère et de s'arracher les cheveux sur son incapacité totale à rentrer dans le moule du système scolaire. Il fixe sa feuille avec un visage tellement atterré qu'il vaut probablement mieux lui épargner la lourde tâche d'être son professeur. Et pourtant, elle ne parle qu'à voix basse, comme si elle n'était pas véritablement d'accord avec ce qu'elle dit.
» Et toi, au lieu de passer ton temps libre à jouer de la musique, tu le passeras à essayer de faire rentrer des choses dans mon crâne sans qu'elles ressortent aussitôt ?
Elle marmonne plus qu'elle ne parle, loin de son ton de voix fort et énergique habituel, mais elle ne peut s'empêcher d'être cynique. Réussir à lui faire retenir des cours est encore plus impossible que le le voir, lui, à une grande fête, discuter avec tout le monde en étant totalement à l'aise. Autant dire que son idée de lui donner des cours tient du suicidaire. D'autant plus, même si elle ne le mentionne pas, que son entrée ici pour échec scolaire la condamne quoi qu'il arrive à suivre des cours d'été. Avec ce premier bulletin, il y a encore moins de chances qu'elle y échappe si elle travaille, elle voit déjà venir les "bon travail, il faut continuer sur cette voie pendant l'été". Pourtant, elle s'entend lui répondre avec un soupir.
» Si tu y tiens...
Pas qu'elle espère vraiment s'améliorer ou échapper aux heures de colle – triche ou pas, mauvaises notes ou pas, elle en aura quand même – mais au mieux, ça lui fera un point de plus sur sa moyenne, et au pire ça suffira à convaincre ses profs que même en travaillant, elle est un cas désespéré et qu'il vaut mieux lui trouver une alternative à l'école. L'un dans l'autre, elle n'a pas grand chose à perdre. Éventuellement, il réalisera qu'il perd son temps et il renoncera, mais ça lui semble aussi improbable que de voir un jour la moyenne en maths sur son bulletin.
Ever n’avait pas l’air très bien. Elle semblait être passé par plusieurs phases ; l’étonnement, la colère et maintenant la résignation. Léandre observa sa camarade, se demandant s’il n’était pas allé trop loin dans la taquinerie. Il s’imposait à elle, ce qui n’était déjà pas très sympathique, mais avait rajouté une petite couche avec ces remarques qui se voulaient léger, mais qui pouvaient paraitre au contraire très lourdes. Il devait certainement faire attention à l’avenir, même si la présence d’Ever le détendait, ils ne se connaissaient pas assez bien pour faire ce genre de blagues et de remarques. Il serait dommage que leur relation se dégrade parce qu’il était incapable de communiquer convenablement.
_Si tu y tiens...
Léandre resta un instant silencieux avant d’avoir un léger sourire aux coins des lèvres. Il voyait bien qu’elle avait accepté à contre cœur mais avait compris que c’était certainement sa seule et dernière chance. Le jeune homme vint poser sa main sur le sommet de la tête rousse de la demoiselle pour lui tapoter gentiment, presque de manière protectrice. Ce n’était pas difficile de faire ce geste vu qu’Ever ne devait pas dépasser le mètre soixante et que lui faisait un mètre quatre-vingts cinq.
_Ne fais pas cette tête, tu verras qu’une heure passe vite, même si c’est tous les jours. Et ça te permettra d’avoir une petite revanche sur tous ceux qui ont pu te critiquer par rapport à tes notes.
Il était sans nul doute qu’Ever avait dû en entendre parler. Les adolescents étaient vraiment horribles entre eux, si la personne avait des facilités scolaires on le traitait d’intello de manière péjorative, si il n’avait pas de bon résultat c’était un cancre. Seulement, avoir de mauvaises notes permettait également aux adultes de se moquer ouvertement ou subtilement d’un élève. Même si Léandre faisait partie de la catégorie des intellos, Tobias, son frère, faisait partie de l’autre catégorie et le finlandais avait bien vu quel genre de remarque on pouvait sortir à ces personnes, comme si des notes faisaient l’entièreté d’un élève. Ever avait bien d’autres capacités qui, malheureusement, n’étaient pas mis en valeur.
_Je te laisserais le week-end, à part si tu as des DM ou des contrôles à réviser. Ça me parait être une bonne chose.
Léandre laissa son sac glisser le long de son épaule pour le porter devant lui et l’ouvrit. Il glissa sa main à l’intérieur pour prendre son téléphone portable et en vu de la marque, on pouvait bien voir que cette machine a un certain âge mais malgré tout il semblait en très bonne état, comme si Léandre ne l’utilisait pas souvent. Et il ne l’utilisait pas souvent. Il n’avait que sa famille et très peu d’amis à contacter, il était loin d’être attaché à son téléphone. S’il se cassait demain, ça ne ferait ni chaud ni froid à la muse. Le finlandais tendit son appareil déverrouillé à sa cadette, une voix légèrement plus douce qu’à l’accoutumé, comme pour s’excuser pour tout à l’heure, car oui, il s'en voulait un peu quand même :
_Envoie toi un message avec le numéro de ta chambre, comme ça je saurais où te trouver et tu auras mon numéro au cas où. On peut essayer au moins, tu ne crois pas ?
ft Ever Inkraven & Léandre Laverny le jeudi 20 décembre 2018
N'importe quel autre jour, avec n'importe qui d'autre, ce geste de familiarité qu'est la petite pression sur sa tête l'aurait fait grogner. Mais elle n'en a pas l'envie ni l'énergie. Son tempérament habituel a plus ou moins été soufflé par la mauvaise nouvelle... et un peu par sa résignation à accepter un coup de main, sans se mentir.
» Me critiquer ? Personne ne fait ça.
Sa moue à mi-chemin entre l'ennui et l'agacement est remplacée par de l'étonnement, puis par un petit haussement d'épaules. Des critiques sur ses notes ? Les seuls qui avaient pu oser avaient eu affaire à elle et avaient vite renoncé. Et ils n'étaient pas nombreux d'ailleurs. Dans sa période humaine, elle les effrayait déjà juste par son comportement de petit terreur. Même si - qu'on le croit ou non - elle s'est un peu assagie, au moins côté violence, ses nouvelles capacités lui ont fourni une aura supplémentaire pour empêcher les gens de vouloir ne serait-ce que la taquiner. Et en vérité, à bien y réfléchir, elle s'en ficherait même s'ils l'avaient fait. De mémoire, les seuls commentaires sur ses notes qu'elle a entendu sont ceux de Léandre et ceux de ses profs mais... l'avis de PNJs lui importe peu. Quant à Léandre... elle n'a pas de raison de chercher une revanche sur lui, vu qu'il vient de lui proposer de l'aide. Les mains dans ses poches, elle le regarde, toujours tentée de refuser.
» Tous les soirs sauf le week-end...
A-t-elle mieux à faire ? Non, surtout : va-t-elle tous les vivre pleinement ? Ou en d'autres termes, seront-ils écrits dans son carnet ou passés sous silence ? Elle a plus ou moins compris qu'une partie de sa vie se passe sous ellipse ou en "automatique", qu'elle n'a d'écrites que certaines situations marquantes ou jugées importantes. Elle ignore juste si les cours en feront partie. Sûrement, ou au moins certains.
» D'accord.
Elle ne l'a pas soupiré, mais presque. De toute façon, vu les notes atroces qu'elle se mange, ses options sont limitées. D'un geste presque mécanique, elle prend le téléphone, relève les yeux vers lui le temps d'écouter ce qu'il a à lui dire, puis elle envoie un message simple. "Chambre 102". Voilà, elle n'a pas besoin de faire plus éloquent, si ?
» On peut essayer. Même si le résultat est sûrement écrit d'avance.
Et il n'y a pas mieux placée qu'elle pour savoir ça. Tout est écrit d'avance, ou tout le sera sous peu.
_Envoie toi un message avec le numéro de ta chambre, comme ça je saurais où te trouver et tu auras mon numéro au cas où. On peut essayer au moins, tu ne crois pas ?
Ever s’exécuta sans se faire prier, beaucoup plus docilement que Léandre ne le croyait. Il s’attendait à des grommellements ou qu’elle rouspète, mais rien. Le jeune homme ne savait pas s’il devait être déçu ou satisfait. Il devait avouer que la demoiselle avait un coté mignon lorsqu’elle faisait la moue. Léandre esquissa un sourire en verrouillant son téléphone et le lâchant dans son sac. Il referma ce dernier pour le remettre sur son épaule en écoutant son interlocutrice :
_On peut essayer. Même si le résultat est sûrement écrit d'avance.
Elle était bien pessimiste. Mais Léandre ne pouvait pas juger, il n’était pas forcement optimiste non plus. C’était vrai, certaines choses ne pouvaient pas être modifiés, comme des paroles blessantes, des proches partis trop tôt, le passé ne se changeait pas. Mais là ils parlaient de l’avenir. Si le Destin existait, comme le pensait l’irlandaise, alors il voulait que Léandre vienne sur sa route pour l’aider. Combien avait-il de probabilité d’avoir tourné la tête pour apercevoir Ever dans le couloir ? De se prendre cette boulette de papier en pleine figure ? De l’avoir ouverte au lieu de la jeter directement ? De ne pas voir Ever comme une ennemie contrairement au reste du monde ? Les probabilités étaient maigres, voir quasi inexistantes, cependant, elles étaient là. Alors, au-delà de la raison, si le Destin voulait écrire quelque chose d’avance, c’était bien une amélioration de ce bulletin et non pas le contraire. Il ne restait plus qu’à y mettent du leur, pour Ever.
_Je ne crois pas.
Les lèvres de Léandre se levèrent doucement à ses propres réflexions. Il ne savait pas s’il devait croire en un dieu quelconque ou au Destin, mais si la magie existait, pourquoi ne pourrait-il pas croire qu’une entité supérieur s’amusait à dessiner ou écrire l’avenir des gens ? Léandre regarda une dernière fois le bulletin d’Ever avant de lui tendre son papier pour qu’elle le reprenne, maintenant son sourire alors que son regard vairon avait une lueur de sincérité.
_Je ne te connais pas beaucoup mais je pense que tu as les capacités pour changer ce qui te semble être écrit.
Puis, Léandre tira légèrement sur sa manche pour regarder sa montre. Il ne s’était passé qu’un quart d’heure depuis qu’il avait quitté sa salle de classe. Il lui restait donc pas mal de temps avant son prochain cours. Temps qu’il pourrait passer dans la salle de musique, mais pendant qu’il avait sa future élève sous le bras, pourquoi ne pas tenter de la connaitre d’avantage ? Ça ne lui ressemblait pas vraiment ce comportement bien trop avenant, mais Ever lui inspirait de la sympathie. Encore une fois, Léandre ne savait pas si c’était sa bouille adorable, le fait qu’elle lui avait sauvé la vie deux fois, ou bien son rire lorsqu’elle s’était présentée à la plage. Peut-être que cela allait se passer comme avec Bethany, qu’ils allaient se disputer jusqu’à se regarder de travers, comme Daniel et seulement rester très cordiale entre eux, ou bien Ever serait de ces rares personnes à le supporter et voir plus loin que ce qu’il montrait ? Léandre n’avait pas son alarme de méfiance avec l’irlandaise mais il prenait le risque, elle semblait en valoir la peine.
_J’ai un peu moins d’une heure à tuer. Ça te dirait de les perdre avec moi ?
Peut-être, oui, était-ce le début de quelque chose ?
ft Ever Inkraven & Léandre Laverny le jeudi 20 décembre 2018
Je ne crois pas, dit-il. Une voix au fond d'elle la pousse presque à le contredire. Il ne sait pas ce qu'elle sait. Mais ça ne sert à rien. Personne ne la croira jamais, si elle affirme ce genre de choses, et même si on la croit, personne n'a envie d'imaginer qu'il n'est qu'une création fictive, des mots écrits noir sur blanc sur un écran. De toute manière, la seule preuve qu'elle a pour avancer la certitude que la magie a planté dans son crâne, c'est un carnet qui contient beaucoup trop d'elle, de ses pensées et de sa façon d'être, pour qu'elle le montre à qui que ce soit. Non, jamais elle ne le dira à personne. Jamais elle ne parlera de cette vie qui s'écrit parfois sous ses yeux entre les pages d'un carnet ensorcelé. De cette vie qui s'arrêtera si quelqu'un, un jour, en décide ainsi. Si on l'oublie, si on l'efface. Alors elle ne répond pas. Il ne croit pas... elle l'envie presque.
Sa seule réaction est un petit sourire un peu triste, quand il affirme qu'elle a les capacités de changer ce qui est écrit. Peut-être, un peu. Elle peut répondre, elle peut barrer, elle peut protester. Mais en fin de compte, son monde s'écrit quand même autour d'elle, et son influence est si minime qu'elle ne sait même plus ce qui vient d'elle et ce qui vient de la main qui la dirige. C'est sûrement ça que vivent les croyants. Sauf qu'eux, c'est de l'existence de leur dieu qu'ils peuvent douter quand ils vont mal, pas de la leur.
» Il y a des limites à ce qu'on peut changer.
Mais peut-être que le but de tout ça est qu'elle ait de meilleures notes. Peut-être que ces cours particuliers ne sont pas qu'un prétexte pour écrire une journée de plus dans son existence. Elle attendra de voir. Elle attendra le jour où le bulletin de note apparaîtra sous ses yeux, et elle saura à quoi rime tout ça.
Chassée de ses pensées, Ever relève la tête, l'observe un instant avec une lueur interrogative dans le regard. Vraiment ? Passer son heure de libre avec elle ? Après ce qu'il vient de voir, avec ce qu'il sait d'elle ? Bien sûr il vient de lui proposer des cours, ça sous-entend qu'il ne la déteste pas et qu'l la supporte assez pour ça, mais là c'est... différent. Passer son temps libre avec elle, ça sous-entend presque qu'il apprécie sa compagnie. Elle repense aux mots qu'elle a prononcé pour la fille de la buanderie. "Je ne finirais pas seule, je finirais avec des gens comme moi." Son regard se pose véritablement sur lui l'espace d'un instant. Un garçon distant, qui n'apprécie pas foncièrement le contact de ses semblables et qui préfère vivre dans sa passion plutôt que d'essayer d'être sociable parce que c'est "bien vu". Comme elle, oui.
Avec un petit sourire comme elle sait si bien les faire, elle hoche la tête. Elle a aussi une heure à tuer. Et si ce n'avait pas été le cas eh bien, elle l'aurait prise. Ça n'aurait pas été la première fois qu'elle séchait les cours. Mais on est jeudi. le jeudi, elle commence à 10h, elle a même plus de temps libre que lui. Autant en profiter, ce n'est pas tous les jours qu'elle peut passer du temps avec quelqu'un qui lui ressemble.
Ever acquiesça doucement. Léandre esquissa un sourire. Elle était mignonne. Alors, le jeune homme l’invita à marcher d’un geste simple de la main. Pour donner le mouvement, Léandre marcha doucement, se dirigeant lentement vers la cours. Il faisait des plus petits pas que d’habitude pour que sa cadette n’ait pas à trotter. Le bon air était toujours plus bénéfique qu’entre enfermé entre quatre murs et serait plus agréable pour parler.
Léandre se demandait rapidement ce qu’il pourrait poser comme questions à Ever, ce qu’il aimerait savoir d’elle sans pour autant s’engouffrer dans son intimité. Parce que, s’il devait lui faire cours, hormis ses résultats scolaires dont on ne parlera pas, il fallait qu’il sache un peu comment procéder avec elle ; la carotte ou le bâton ? Egalement, il savait qu’elle était une hybride calamar. Enfin, c’était ce qu’il avait pu constater avec ses tentacules qui ressemblaient à ceux des calamars, à moins qu’elle ne soit croisée avec une pieuvre ou un poulpe mais vu que les ventouses n’étaient présentent qu’aux extrémités de ses deux « grosses nattes », il ne pencherait pas du tout pour la deuxième option. Mais hormis sa race, Léandre ne connaissait pas du tout les pouvoirs de la demoiselle. Et il serait important de le savoir, parce que si elle pouvait le bruler vif en un battement de cil, il essayera de ne pas trop l’énerver lorsqu’elle enverra voler ses cahiers de cours à travers la chambre. Téméraire mais pas suicidaire comme homme. Egalement, il ne poserait pas de questions trop personnel, puis qu’il n’aimerait pas forcement qu’on les lui pose. Ils s’étaient déjà pas mal parlé d’eux la dernière fois, comme le fait que Léandre était un inadapté sociale, ou bien qu’Ever était une amoureuse de l’eau en plus d’être une passionné de dessin. Le jeune homme avait l’impression qu’ils s’étaient dis beaucoup de chose ce jour là sans pour autant en dire beaucoup. Cela remontait à presque six mois mais le finlandais s’en souvenait très bien, surtout du rire communicatif de l’irlandaise. Oui, son rire lui avait beaucoup plus, et même apaisé.
_Du coup, mademoiselle Inkraven, je me demandais quels étaient vos pouvoirs ? Mis à part de nager plus vite qu’un poisson.
Léandre eut un léger rire entre les dents, à peine audible, en repensant à ce jour à la plage et le fait de s’être retrouver au milieu de la mer entre la France et l’Angleterre. Il espérait n’avoir que des bons souvenirs avec Ever même s’il savait que c’était impossible, on ne pouvait pas avoir que des bons souvenirs avec une personne, surtout si on devient son professeur de soutient.
_Tu peux me poser des questions aussi si tu es curieuse. Je t’en dois quelques unes.
ft Ever Inkraven & Léandre Laverny le jeudi 20 décembre 2018
Et la voilà qui le suit à l'extérieur, son sac nonchalamment posé sur une épaule, l'autre bretelle pendouillant dans le vide. Calquant son pas sur le sien, plus rapide que sa petite taille ne peut le laisser penser, elle se demande vaguement de quoi ils vont bien pouvoir parler. Ils ne se connaissent pas tant que ça, mais elle sait qu'il n'est pas bavard, ou en tout cas pas très sociable. Il lui a dit lui-même, ce jour-là, au milieu de la Manche, après leur traversée des vagues. Qu'il avait accepté pour fuir le contact des membres de son club.
Finalement, elle marche en silence, une main sur la sangle de son sac, sur son épaule, et l'autre dans la poche de sa veste d'uniforme. Il est censé lui donner des cours, l'idée a encore du mal à s'imprégner dans son esprit. De toutes les personnes avec qui elle aurait pu imaginer s'entendre, un bon élève, en tout cas assez bon pour l'aider, était bien la dernière de la liste. Finalement c'est lui qui ouvre la bouche en premier, pour lui poser une question qui lui tire un sourire. Son pouvoir, hein ? Elle pourrait lui dire, mais ça ne serait pas amusant. Moins intéressant que...
» Attends, je vais te montrer.
Ever fait passer son sac devant elle juste le temps de sortir un pinceau de la petite poche avant, qu'elle passe ensuite au bout de son tentacule. Elle pose la pointe sur sa main, réfléchissant à peine quelques secondes avant de tracer les contours d'un instrument de musique. Il fait partie de ce club, il le dirige même, c'est qu'il doit apprécier ça, non ? Parce qu'elle n'a pas envie de faire compliqué pour ne pas le faire attendre trop longtemps, elle dessine la forme d'une harpe, trace quelques cordes, ajoute des petits indicateurs de reflets pour essayer de déterminer la matière qu'aura sa création. Un croquis rapide en moins de cinq minutes. Le pinceau entre les dents pour quelques instants, elle ferme ses mains en boule, avant de les rouvrir sur une harpe miniature, qui tient dans sa paume, brillante comme de cristal malgré sa couleur grise un peu terne. Elle prend juste le temps de ranger son pinceau avant d'afficher un de ses petits sourires fiers.
» Voilà. C'est ça, mon pouvoir, annonce-t-elle en lui tendant sa création, pour qu'il la prenne.
Une démonstration vaut mieux qu'un long discours, et elle ne loupe jamais une occasion de dessiner. Ni une, surtout une non-dangereuse, d'utiliser sa magie. Créer des choses à partir d'un peu d'encre, c'est beaucoup trop grisant pour qu'elle s'en prive.
» Des questions ? Hm. Dis-moi donc quel est le tiens. Et ce que tu es, aussi. Tu en sais plus de ce côté-là.
Elle accompagne ses mots en prenant ses tentacules entre ses doigts pour les agiter doucement. Elle porte sa race sur son visage. Lui, un peu moins. Les cheveux blancs et les yeux vairons n'indiquent pas grand chose, à supposer que ça ne soit pas juste de naissance.
» Un avantage injuste, tu vois.
Dernière édition par Ever V. Inkraven le Jeu 9 Mai - 13:31, édité 1 fois
_Tu peux me poser des questions aussi si tu es curieuse. Je t’en dois quelques unes.
Ever se mit à sourire. Un sourire assez coquin, comme fier de ce qu’elle allait faire, un sourire amusé, expressif. Les yeux de Léandre la regardaient, perdant peu à peu le sien. Non pas que le sourire d’Ever lui déplaisait, mais n’étant pas vraiment un garçon expressif, ses émotions ne duraient jamais longtemps sur son visage laiteux. Cependant, ce n’était pas parce qu’il ne souriait plus qu’il n’aimait pas ce qu’il voyait. Ever avait un agréable sourire.
_Attends, je vais te montrer.
La jeune lycéenne sortit un pinceau de son sac qu’elle trempa dans … son tentacule ? Léandre haussa un sourcil, assez intrigué. Vraiment très intrigué même. C’était un geste étonnant. Léandre ne savait pas s’il devrait trouver ça fascinant ou dégoutant. Ça ne revenait pas à introduire quelque chose dans un orifice ? N’arrivant pas à se prononcer sur ses propres sentiments, le jeune homme décida de passer outre, se disant qu’Ever voyait plutôt ses tentacules comme des cheveux qu’autre chose. Ça voulait dire que les tentacules d’Ever, reliés à sa tête, étaient gorgés d’encre … Mais … Comment était constitué biologiquement l’irlandaise ? … Bon, ça devait être magique. Il ne fallait pas chercher la logique là-dedans.
Léandre cligna doucement des yeux pour chasser ses pensées tout en regardant ce que faisait sa jeune camarade. Elle peignait sur la paume de sa main. Son train était fin et délicat, ce qui était un élégant contraste avec sa personnalisé. Ou peut-être était ce des attributs que possédait Ever quelque part au fond d’elle, qui sait ? Les yeux de Léandre regardaient la harpe dans le creux de sa main. Quoique vu le nombre de cordes, il serait plus sage d’appeler cette instrument une lyre, et c’était bien normal que la rouquine ne puisse pas dessiner une harpe vu l’étroitesse de la paume de sa main. La muse appréciait le croquis. Lui-même savait dessiner à présent mais seulement parce qu’il avait changé de race, autrement, ses talents dans la matière égalait les enfants de six ans, de ce fait, il avait le goût d’apprécier cette capacité chez les autres. Ever joignit ses mains un instant sous le regard curieux du plus grand. Puis, lorsqu’elle les rouvrit, se trouvait dans sa paume la création de son pinceau mais … matérialisée.
_ Voilà. C'est ça, mon pouvoir
Ever tendit l’objet mis en 3D à Léandre qui l’agrippa avec délicatesse, comme si le fait de le toucher allait faire disparaitre la lyre miniature. Léandre tourna et retourna l’objet qui ressemblait à une sculpture. Son air devint de plus en plus perplexe par le froncement de ses sourcils. Mais, sans l’avouer, Léandre était en totale admiration devant ce qu’il venait de voir. Il en avait vu des choses en cours d’adaptation raciale et maitrise des pouvoirs, mais les capacités d’Ever dépassaient bien tout ce qu’il avait pu voir puisque son pouvoir pouvait être très dangereux, mais également magnifique. Elle avait le pouvoir de créer des choses rien qu’en les dessinant.
_Des questions ? Hm. Dis-moi donc quel est le tiens. Et ce que tu es, aussi. Tu en sais plus de ce côté-là.
Des questions, Léandre en avait pleins, comme le fait de savoir si elle pouvait créer des choses animés et donc donner la vie quelque part. Mais, alors qu’Ever terminait sa phrase, Léandre se souvint doucement de la période des magical et de l’alter égo d’Ever. Si celle-ci était à l’origine de la création des monstres, alors, le finlandais avait sa réponse. Cela voulait aussi dire qu’Ever pourrait recréer Gõu, la petite mascotte qui l’avait suivit à ce moment là … Même si Léandre brulait d’envie de lui demander, il savait que c’était bien trop malsain, ça serait ramener un mort à la vie. Un mort qui ne se souviendrait certainement pas de tous ce qu’ils ont vécu ensemble. Et cette pensée montrait bien au jeune homme qu’il était incapable de tourner la page vis-à-vis des êtres qui ont marqué sa route, l’entrainant dans un mutisme face à la question de sa camarade.
Seulement, en tournant les yeux vers Ever qui agite ses tentacules, il oublia un peu ses sentiments amers, appréciant l’enthousiasme de sa cadette.
_Un avantage injuste, tu vois.
Léandre acquiesce doucement. En effet, il était impossible de deviner la race du jeune homme, sauf peut-être pour Maëlys qui était une muse d’origine ou bien peut-être une autre muse l’aurait reconnu instinctivement ?
_Ton pouvoir est vraiment extraordinaire, affirma Léandre en refermant sa paume sur l’objet miniature, et donc si tu veux faire disparaitre une création, tu as simplement besoin d’effacer le dessin d’origine, ou c’est plus complexe que ça ? Et me concertant, mon pouvoir et ma race sont beaucoup moins impressionnants.
Le regard du jeune homme retourna droit devant lui et il recommença à marcher vers l’extérieur. Léandre repensait aux magicals. A ce moment, il avait des pouvoirs vraiment impressionnant, entre faire accélérer le mouvement de ses alliés ou bien créer un bouclier gant, il se sentait vraiment fort, capable de protéger les gens qui comptaient à ses yeux. Habité d’un courage presque dérisoire, de confiance en lui et soutenu par sa petite mascotte, il s’était presque senti pousser des ailes. Mais maintenant que tout était revenu à la normal, il savait bien que son courage et sa force seul n’arrêtait pas 50% des personnes de cette école, même Ever serait capable de l’écraser en invoquant une bestiole. Quitte à avoir des pouvoirs, pourquoi ne lui a-t-on pas offert des pouvoirs qui le rendaient fort ? La bonne nouvelle dans cela était qu’il n’était pas dangereux et que le seul « accident » qu’il pouvait causer était s’insuffler des sentiments négatif aux autres. Mais il n’avait pas pour projet de plonger l’école dans une dépression collective ou bien une peur inconnue enfermant tout le monde dans leur chambre pour quelques jours.
_Je suis une muse. Je suis censé être un être qui inspire les artistes. Peut-être ressens-tu quelques choses en me regardant, je ne sais pas vraiment comment cela fonctionne.
D’ailleurs, le jeune homme son physique avait changé en arrivant, certainement qu’il était bien trop banal pour inspirer qui que ce soit. Pourtant, le finlandais préférait son physique d’origine. Lorsqu’il se regardait à présent, il avait les allures d’une illustration, d’un beau tableau, d’une statue de marbre de par sa peau blanche. Ses yeux dépareillés donnaient envie de l’observer, de comprendre le mystère de ses pupilles. Egalement, sa nouvelle couleur de cheveux ressemblait à des filés d’argents, pouvait rappeler le soleil se réfugiant sur les écumes de la mer ou de l’océan, calme et soyeux, trainant au gré du vent. Certes, oui, son nouveau physique avait plus de mystère et de charme que le pauvre humain qu’il était autrefois. Même si Léandre avait finit par accepter sa nouvelle condition depuis la fin de cette période de magical, il savait que s’il avait la possibilité de redevenir humain en quittant l’école, il ne dirait pas non.
Les pas des deux adolescents les emmenèrent finalement à l’extérieur où le finlandais entraina Ever un peu plus loin contre le mur où il laissa son sac tomber sur le sol avant de s’accroupir contre les briques. L’air de décembre n’était pas bien chaud, mais ils n’allaient pas rester longtemps à cet endroit. Le regard de Léandre était perdu dans la cours, essayant de trouver comment expliquer ses pouvoirs puisqu’il ne pouvait pas les montrer à Ever. Il pourrait faire une démonstration sur elle, mais ce n’était pas dans ses principes d’obliger les gens à avoir des émotions si cela ne les aidait pas. Evidemment qu’il l’avait déjà fait, mais seulement pour rendre son entourage heureux ou paisible dans les moments difficiles.
_Je peux introduire des sentiments chez les êtres vivants en jouant de la musique.
Enfin « jouer de la musique » … Léandre avait appris également qu’il pouvait le faire en chantant mais il apprenait doucement à se servir de cette capacité, s’entrainant toujours et difficilement sur les animaux. Il se disait que dans la vie de tout les jours, son pouvoir ne serait pas vraiment un problème, surtout qu’il n’avait cas retirer son catalyseur pour ne plus posséder ce pouvoir et devenir un « simple » virtuose. Mais il ne savait pas jusqu’où allait sa capacité, sur combien de personne il pouvait avoir une emprise, dans un rayon de combien de mètre, a quelle intensité, combien de temps. Ses professeurs notaient des progrès, lui n’en voyait pas. Léandre tourna la tête vers sa camarade, un fin sourire se dessina sur le coin de ses lèvres avant qu’il n’ouvre la main et tira sur deux cordes de l’instrument, laissant évacuer un son mélodieux. Encore une capacité qu’il avait endossé ; il était incapable de faire une seule fausse note même s’il le voulait, tous les instruments sous sa main n’émanerait que des mélodies presque divines. Puis, Léandre referma sa main sur la lyre et laissa l’autre pendre dans le vide.
_Rassure toi, je ne vais pas l’utiliser sur toi, je me doute que ce n’est pas agréable d’avoir des émotions manipulées. Mais tu ne trouves pas ça ironique ... que ça soit un gars qui ait du mal avec les sentiments qui puissent manipuler ceux des autres ?
ft Ever Inkraven & Léandre Laverny le jeudi 20 décembre 2018
Ever observe sa création entre les mains de Léandre avec un petit sourire, le genre d'air satisfait et un peu rêveur qu'on ne voit que sur le visage d'un artiste qui vient de terminer son œuvre. Il l'observe comme s'il cherchait à comprendre par quel miracle il pouvait tenir cet objet entre ses doigts. C'est l'effet qu'elle a assez souvent, quand elle montre son pouvoir pour la première fois. Soit ça, soit un "wah trop cool", soit un cri terrifié parce qu'elle a dessiné quelque chose qu'elle aurait dû garder pour elle. Un peu plus rare, le troisième, elle essaye de faire gaffe quand même. Pendant qu'il regarde le petit instrument de musique, elle lui retourne sa question. Connaître son pouvoir, et savoir ce qu'il est, vu qu'elle n'a pas eu besoin de répondre à ça, de son côté. Les tentacules ont tendance à fournir une réponse assez rapide.
Elle sourit comme une gamine à qui on offre un bonbon quand il affirme que son pouvoir est extraordinaire. Elle a beau savoir ce qui vient avec, savoir qu'elle ne le contrôle pas, savoir que ce n'est pas elle qui en a décidé, ni même le hasard, ni même la magie, le compliment l'atteint quand même. Puis elle secoue la tête et montre sa main, vide de toute trace d'encre comme si elle n'y avait jamais rien décidé.
» Je ne peux pas les faire disparaître. À moins de les détruire comme on le ferait d'un objet normal.
Et c'est pour ça que l'administration de l'école dispose désormais d'une arbalète de cinquante centimètres (peut-être même deux ou trois, elle ne sait pas ce qui est arrivé à celles de la cité souterraine) qui a servi à tuer un dragon tout aussi réel. D'ailleurs, elle se demande bien comment ils ont évacué l'animal : elle a été envoyée dans le bureau du directeur avant de savoir ce qu'ils allaient en faire et, le lendemain, le couloir était vide. D'ailleurs l'agent de ménage a dû avoir pas mal de boulot pour nettoyer les traces de leur passage. Entre ça et la buanderie, elle en aurait presque de la peine pour lui. Presque. C'est sûrement un pnj, après tout.
» Une muse...
C'est la deuxième qu'elle rencontre, en plus de sa colocataire. Enfin, techniquement, Léandre est le premier. Amusant, pour une artiste, que les seules personnes avec qui elle semblent bien s'entendre soient des créateurs d'inspirations. Est-ce une coïncidence ou une volonté ? Ils ont l'un comme l'autre des caractéristiques qu'elle aurait détesté chez d'autres personnes mais que, étrangement, ils compensent d'une manière ou d'une autre. Perplexe, elle regarde la petite harpe qu'elle a créée. Est-ce que l'idée lui est venue d'elle-même ? Est-ce une question d'inspiration extérieure ? Elle sait qu'elle a choisi un instrument de musique parce qu'il fait partie du club. Mais l'aspect cristallin, presque de pierre précieuse, n'est pas l'une des premières choses auxquelles elle aurait pensé. Elle n'a jamais été douée pour les choses fragiles.
Absorbée dans ses réflexions, elle le suit à l'extérieur, l'air de l'hiver s'infiltrant un peu à travers sa veste et sa robe d'uniforme. Elle sent moins le froid dans l'eau mais l'air continue de la frapper, comme si sa protection thermique avait besoin de liquide pour fonctionner. Maintenant que ses cours sont terminés, elle a le droit de s'habiller comme elle veut, non ? Elle retire sa veste après avoir sorti un sweat de son sac, qu'elle enfile au-dessus de sa robe. Voilà, beaucoup mieux. À l'abri du froid et avec une tenue qui lui correspond plus, elle se sent bien plus elle-même. Avec désinvolture, elle s'assoit à côté de lui, pose son sac à côté d'elle. Ensuite Léandre reprend la parole, et elle hausse un sourcil.
Un pouvoir assez difficile à utiliser. Sans compter la volonté de manipuler les autres, qui peut poser problème à certaines personnes – et de ce qu'elle sait de lui, il en fait partie – encore faut-il que le créateur de celui qui se trouve en face soit d'accord. L'avantage de celui d'Ever, c'est qu'elle n'influence pas les autres, ça lui laisse assez de liberté pour s'amuser à loisir. Elle ferme les yeux aux notes de musique qui s'élèvent dans l'air. Quand elle a créé cette petite harpe, elle ne s'attendait pas à ce qu'on puisse vraiment en tirer des sons. Mais pour une muse, c'était sens doute normal de pouvoir jouer quelque chose sur n'importe quel instrument, aussi petit et fragile soit-il. Quand il parle un nouveau, ses lèvres s'étirent dans un rictus mi-amer, mi-nostalgique. Avoir ses émotions manipulées... s'il savait... S'il savait que quelqu'un tirait les ficelles de sa vie, comment le vivrait-il ? Parfois, elle a envie de le dire aux gens, mais elle sait qu'on ne la croira pas. Qu'on se dira juste qu'elle est folle, qu'elle a une vision bien à elle de la vie, peut-être. Mais pas que quelqu'un écrit et manipule le moindre de ses faits et gestes, et ceux des autres.
» L'ironie est quelque chose que cette école manie bien. Elle m'a donné des tentacules au lieu d'une queue de sirène, comme si c'était plus amusant comme ça.
Elle a dit "cette école", pour ne pas dire la vérité. Pour ne pas dire qui joue vraiment de cette ironie, de personnage en personnage.
» Je sais ce que ça fait, d'avoir ses émotions manipulées, tu sais. C'est un peu... constant.
Pourquoi a-t-elle dit ça ? Elle n'a pas la moindre idée de ce qu'elle répondra s'il lui demande plus d'explications, s'il cherche à comprendre ce qu'elle veut dire par là. Entre ça et son histoire de vie écrite d'avance, elle commence à trop parler. À quel stade se dira-t-il qu'elle est trop bizarre pour valoir la peine qu'on lui adresse la parole ?
_Rassure toi, je ne vais pas l’utiliser sur toi, je me doute que ce n’est pas agréable d’avoir des émotions manipulées. Mais tu ne trouves pas ça ironique ... que ça soit un gars qui ait du mal avec les sentiments qui puissent manipuler ceux des autres ?
Ever était maintenant à ses cotés, assise simplement, un sweat couvrant le haut de son corps, la protégeant de la fraicheur de l’hiver. La robe rendait la demoiselle mignonne mais le sweat était plus le reflet de sa personnalité. Léandre doutait qu’il y ait de la dentelle et des petites robes d’été dans la penderie de la jeune adolescente. Mais sur la dernière phrase du jeune homme, la rouquine semblait songeuse, comme si elle avait un poids sur les épaules qu’elle portait sans pouvoir sourciller. Un fardeau à elle. Ce n’était pas grave, chacun avait ses secrets, Ever avait le droit d’avoir les siens, le finlandais espérait seulement que ce secret, aussi lourd soit-il, ne rendait pas l’irlandaise malheureuse.
_L'ironie est quelque chose que cette école manie bien. Elle m'a donné des tentacules au lieu d'une queue de sirène, comme si c'était plus amusant comme ça.
Léandre continua à jouer doucement de la lyre avec son index. C’était un son des plus charmants, comparables à celui d’une harpe, bien qu’il y avait très peu de notes différentes qui pouvaient sortir de ces cordes comparés à son cousin plus moderne. Les yeux d’émeraude et de saphir de la muse ne se détachaient pas de sa camarade. Léandre ne pouvait pas vraiment se plaindre de son physique comparé à Ever, bien qu’il aurait préféré rester humain. Sa pâleur, bien qu’elle ait un charme singulier, accentuait sa froideur, comme une statue de marbre, comme une peinture insaisissable, et ce n’est pas ce qu’il souhait en venant ici. Ever, elle aussi, ce n’était certainement pas ce qu’elle a voulu …
_Je sais ce que ça fait, d'avoir ses émotions manipulées, tu sais. C'est un peu... constant.
Léandre resta muet et cessa de jouer de la musique sur les derniers mots de sa camarade. « Constant » ? Le jeune homme ne comprenait pas ce qu’essayait de lui dire la jeune femme. Mais cela semblait vraiment la préoccuper. Il se demandait ce qu’il pouvait lui dire pour la rassurer un peu, mais il n’était pas vraiment ce genre d’homme … C’était certainement un peu tôt pour dire à Ever qu’elle pouvait s’ouvrir à lui si elle le désirait. Bien qu’il se sentait proche de la rouquine, il ne s’était pas vraiment côtoyer. Il serait dommage de casser une corde à vouloir régler l’instrument trop vite.
Le regard vairon de Léandre dériva doucement devant lui, se perdant dans le vide de ses songes et ses réflexions. Il décida alors de faire impasse sur les derniers mots de sa camarade. Si elle voulait lui parler, alors elle le ferait d’elle-même, il ne serait pas celui qui poserait ce genre de questions malgré sa curiosité car il sentait que ça touchait bien trop sa cadette.
_Amusant je ne sais pas, mais elles te vont bien. Je ne suis pas sûr que ça aille à tout le monde. Elle te rende plus unique alors qu’une queue de sirène serait plus « basique ».
Léandre laissa passer une brise qui traversait doucement son visage, soulevant délicatement les mèches de ses cheveux et le col de sa chemise. Une autre brise passa, légèrement plus forte, faisant tinter son catalyseur à son cou. Instinctivement, il agrippa l’objet et le fit passer à l’intérieur de son vêtement. Le contact de l’argent froid contre sa peau lui donna un léger frisson sur le torse qu’il réprima par un soupire. Cela lui permit de rassembler doucement ses idées.
_Dis moi Ever, pourquoi tu es venue dans cette école ?
Léandre prit un instant de silence en pensant à lui-même. Puis à Edelweiss, à Chuemon, à certaines personnes qu’il a pu rencontrer dans cette école. Il avait l’impression que chacun avait une histoire. Chacun avait été poussé consciemment ou inconsciemment dans cette école. Léandre laissa légèrement sa tête retomber en arrière pour regarder le ciel blanchâtre de décembre. Il aimait bien cette couleur, le blanc … Légèrement souriant, ses yeux mystérieux perdus dans l’immensité du ciel, il finit par demander plus concrètement :
_ J’ai appris qu’on n’atterrissait pas à S’Indarë par hasard. Alors, quel chemin t’a amené ici ?
ft Ever Inkraven & Léandre Laverny le jeudi 20 décembre 2018
Elle se plaint de ses tentacules un peu pour la forme. Elle sait que ça rebute certaines personnes mais, dans le fond, elle s'en fiche un peu. Après réflexion, elle préfère ça que de se retrouver en bikini avec une queue de sirène et de folâtrer au-dessus des vagues comme un dauphin. Les calamars peuvent aller plus profondément sous l'eau, ils peuvent résister à plus de pression, et elle n'aurait pas son super masque si elle était devenue une sirène. Et puis, oui, ça la rend unique. Le mot la fait sourire. S'il savait à quel point elle est unique, il prendrait sûrement peur. Personne n'a envie de savoir qu'il n'est pas réel. Ni d'y croire. Personne.
Son regard orange s'attarde un instant sur l'objet métallique qui brille à son cou avant qu'il ne le range dans son col. Un collier ? Elle n'a pas eu le temps de l'observer. Dommage, elle a toujours aimé regarder ce genre de création, voir comment ils sont conçus. Son esprit d'artiste qui frappe régulièrement. Elle se demande si quelqu'un le lui a offert, d'où il vient. Tous les objets ont une histoire, après tout, surtout les bijoux et les décorations. Comme la lyre qu'elle lui a offerte. Elle se demande qu'elle histoire il racontera, si quelqu'un le questionne un jour sur sa provenance.
» Pourquoi ?
"Parce que sinon je n'existerais pas", songe une partie de son esprit, mais elle ne prononcera jamais ces mots. Inutile de continuer d'insister là-dessus, ces derniers mots donnaient déjà trop d'éléments bizarres sur elle sans qu'elle en rajoute avec ça. Au lieu de ça, son regard se pose sur le sac de cours ù il a rangé son bulletin de note, et celui, froissé, au fond du sien. La raison officielle de sa présence ici, c'est…
» Techniquement, je suis là pour échec scolaire. Il paraît que mes anciennes écoles ont renoncé. Donc tu es plus courageux qu'eux.
Ou plutôt, contrairement à eux, il n'a pas encore passé plusieurs années à essayer de la faire travailler sérieusement. Une mission presque impossible… ou impossible tout court. C'est ça qui lui vaut le petit logo en forme de mouton épinglé sur le gilet de son uniforme. Lui, il a un oiseau. D'un côté, ça ne la surprend pas. S'il est assez doué en musique pour créer un club et devenir une muse, rien d'étonnant à ce qu'il soit en Blue Bird. Elle aurait sans doute pu y être, elle aussi, si elle avait eu le moindre intérêt pour l'école.
» Enfin, on appelle pas S'Indarë "l'école de la dernière chance" pour rien.
Ever reste silencieuse une seconde, perdue dans ses pensées. Bien sûr que personne n'est là par hasard, mais elle ne peut pas lui dire qu'elle connaît la raison exacte pour laquelle ils se sont tous retrouvés dans cette école. Dans ce monde créé de toutes pièces pour eux.
» Toi, c'est pour la musique que tu es là, c'est ça ?
Un simple "et toi, pourquoi tu es là ?" aurait été trop banal. Et puis, c'est plus intéressant d'essayer de deviner, même si elle doute qu'il lui dise non.
_ J’ai appris qu’on n’atterrissait pas à S’Indarë par hasard. Alors, quel chemin t’a amené ici ?
_Pourquoi ? …
La muse aurait-elle touchée une corde sensible ? Répondre à une question par une autre question revenait à aller sur la défensive. Ever n’était peut-être pas à l’aise d’avouer ses actions, même si le mouton sur son uniforme trahissait à moitié la raison de sa présence. Mais il voulait l’entendre de la bouche de sa camarade. Il lui laissait le choix de le laisser entrer dans sa vie si elle le désirait.
_Techniquement, je suis là pour échec scolaire. Il paraît que mes anciennes écoles ont renoncé. Donc tu es plus courageux qu'eux.
Léandre eut un sourire sur le coté. Donc le coté voyou était vraiment de la décoration. Elle aurait pu être une repris de justice mais en fait elle était juste là pour ses mauvaises notes. Ever était une sorte de fausse racaille, c’était amusant. Mais de toute évidence elle avait le temps de grandir et évoluer, rien n’était perdu pour elle, et encore moins ses notes.
_Enfin, on appelle pas S'Indarë "l'école de la dernière chance" pour rien.
Léandre acquiesça doucement à cette réponse. Cela dépendait pour qui, mais il était vrai que la moitié, voir plus, des élèves venaient ici pour ne pas finir en prison, à l’hôpital ou à trainer dans les halls. On pourrait croire que c’est facile pour un Blue Bird de parler ; Léandre avait tout pour réussir, en plus des notes il savait qu’il n’avait pas un physique désagréable, il avait une famille derrière lui, la chance d’avoir pu apprendre trois langues dès sa jeunesse, et beaucoup d’autre éléments qui lui ouvraient les portes de la vie avec plus de facilité que certaine personne. Mais même si c’était le cas, ça n’empêchait pas la muse de compatir pour les personnes qu’il rencontrait, eux et leurs histoires, même s’il ne le montrait pas. Et c’était mieux comme ça. Il préférait qu’on le prenne pour un insensible plutôt que porter tout les maux du monde et se faire écraser par ses sentiments.
_Toi, c'est pour la musique que tu es là, c'est ça ?
Léandre posa une main sur sa nuque et se la massa, grattant légèrement sur son cristal, assez pour sentir un léger creux entre la pierre et sa peau, mais aussi assez pour ne pas avoir mal. Il se demandait souvent jusqu’où pouvait aller ce caillou sous sa peau.
_En partie.
Le jeune homme se demandait s’il allait exposer l’autre partie à Ever. C’était surement un peu tôt pour lui de parler de ces choses là, il y avait des sujets de conversation plus légère que sa vie d’avant. Surtout pour la vérité, Ever n’allait peut-être pas comprendre ce qu’il a pu ressentir. Justifier sa venue à S’Indarë est une succession d’événement depuis ses 13 ans, il fallait remonter loin et bien trop profondément dans sa vie pour répondre à cette simple question.
Léandre finit par avoir un sourire taquin avant de dire :
_Je te le dirais peut-être un jour.
Puis, le jeune homme se redressa légèrement pour prendre son téléphone et regarder l’heure. Le temps passait vraiment vite en compagnie de cette demoiselle. Il ne voulait pas mettre cours à la discussion comme ça, mais il aurait bien tout le temps du monde pour parler et se familiariser. En rangeant son téléphone, Léandre se tourna vers Ever et lui demanda simplement, l’air totalement calme, moins froid qu’à son habitude face à l’irlandaise :
_Je vais devoir partir dans une dizaine de minutes. Je peux t’accompagner quelque part avant d’aller en cours ou tu préfères rester ici ?