A travers le portail [Melody]

C'est grisant. Un peu comme le feu des projecteurs et les flash des appareils photos. C'est si réel aussi. Cette chaleur, cette douceur. J'ai réellement l'impression d'embraser la peau de ma colocataire à chaque caresse. Cette dernière n'attend pas plus longtemps non plus pour me rendre la pareille. Ses doigts glissent sur mes courbes tandis que ses lèvres se pressent tantôt sur les miennes avant de lancer à l'assaut de chaque point sensible de mon cou. Des points sensibles que je découvre au gré de ses expérimentations et de mes soupirs d'aise. Je lui laisse le dessus tandis que j'abandonne toute retenue et que je dévoile, avec peut-être un peu trop de hâte, son ventre et ses hanches pour les parcourir du bout des doigts, délicatement, un peu comme on peut caresser une oeuvre d'art avec l'infime crainte de la briser et l'unique désir de s'en imprégner. Non je ne veux pas que ce rêve s'estompe. Je veux qu'il me change. Je veux ne jamais me réveiller. Je veux juste qu'elle m'aime comme personne ne m'a aimé avant. Au diable les convenances, au diable la réalité.

Je suis suspendue dans cet instant d'éternité, ce songe si réaliste, cet îlot de quiétude sans trop savoir comment agir. Je n'avais jamais vécu un moment d'intimité et d'enivrement. Je me laisse donc aller à ses gestes tout en y répondant de mon mieux. Ses doigts effleurent ma peau sans s'encombrer d'assertissement. En as t-elle besoin? Non. Elle n'est qu'une fabulation, une partie de moi. Même si ce n'était pas le cas, je suis prête à tout lui céder. Je glisse de nouveau mes doigts sur ses côtes avant de franchir de nouveau une limite : mes doigts remontent jusqu'à ce que ma paume vienne se lover autour de l'un de ses seins. Je baisse le regard pour observer cette courbe si gracieuse avant de le redresser et de ficher mon regard dans le sien.

-"Naomi.. Je suis à toi.. Je.. Tu peux.." fis-je rougissante.

Je veux me laisser dévorer par ce rêve réaliste, je veux ressentir à nouveau, je veux qu'elle affole mon cœur et mon corps à l'unisson comme personne avant elle. Je veux céder une partie de moi à ce regard émeraude et ces doigts délicats.

Les liens invisibles de la raison qui semblaient retenir ses gestes ont cessé de l'entraver comme vient en témoigner ses doigts qui vagabondent sur mes cuisses et ma poitrine. Je retiens un léger gémissement de surprise en sentant l'un de mes points faibles mis au jour puis je baisse légèrement la tête, les joues rosies par le désir et la gêne. A quoi bon avoir honte? Ce n'est qu'un rêve. Je laisse donc de côté ces émotions inutiles en état pour rendre à ma partenaire l'étendue de son amour. Mes lèvres viennent dévorer son cou aussi maladroitement que fougueusement tandis que mes doigts font disparaître son haut sans demander leur reste. Je balance ce tissu encombrant au sol avant de l'attirer contre ma poitrine pour l'encourager alors que mes ongles effleurent son dos, laissant de légères stries sur ce dernier. Après quelques seconds d'abandon à cette agréable traitement, j'attire ses lèvres aux miennes pour lui offrir un baiser langoureux, mes bras venant encercler son cou pour lui couper toute retraite. Je ne cesse l'étreinte que pour ficher mon regard dans le sien et lui murmurer quelques mots qui viennent d'enflammer mon cœur et mon corps.

-"Je t'aime Naomi"

La réalité de mes mots me heurte alors, un peu comme on peut heurter un mur invisible, sans vraiment en prendre conscience. J'ai dis ces mots. Je n'ai pas fait que les prononcer. J'ai pensé ces mots. Cet état de fait est un peu comme une révélation. Une révélation brumeuse au cœur d'un rêve. Une révélation sans aucun sens. Une révélation que ses lèvres viennent aussitôt dérobée pour n'en laisser aucune trace. Je me laisse complètement aller à ce baiser, mes paupières venant à se clore tandis que je caresse inconsciemment son dos. Je sens ses doigts s'accrocher au dernier rempart qui me préserve de la nudité et une pointe de gêne vient saisir mon cœur. J'ai toujours eu peur de cet instant. Peur de ne pas être à la hauteur. Peur de ne rien ressentir. Serais-je suffisamment... Non. Ces questions se dérobent devant l'ampleur du feu d'artifice qui repeint le ciel mon cœur de milles fleurs de couleurs. Je recule doucement les lèvres des siennes avant de hocher de la tête. Ce n'est qu'un rêve et même si ça n'en était pas un...

Après les doutes, l'attente se fait plus longue et difficile à vivre. C'est un peu comme si j'attendais ce moment depuis toujours, que j'attendais d'être comprise et aimée de la sorte depuis des siècles mais rien ne vient. Ses doigts caressent ma peau, attisant un peu plus mon désir à chaque parcelle de ma peau qu'elle parcourt sans pour autant sauter le pas. Ai-je autant envie que ça de sauter le pas. En un sens non. Je serais capable de rester ainsi à fondre à son contact comme une glace au soleil, capable de rester à frissonner au moindre contact de ses doigts sur ma cuisse, capable de prendre feu voire de me brûler à force de fixer ce regard que je sais ardent de désir. Finalement, l'attente touche à sa fin lorsque ses caresses se font plus audacieuses. Je laisse échapper entre mes lèvres un petit gémissement de surprise que je couvre aussi de ma main. Ne pas faire trop de bruits. Ne pas briser cet instant. Ne pas réveiller Tina. L'interdit à ses charmes et j'y plonge coupable. Je passe mes bras autour de son cou tout en me blottissant contre elle avec un petit sourire avant de l'embrasser pleinement, ma langue venant taquiner par instants la sienne. Sa chaleur suffit à me faire tourner la tête comme à me convaincre qu'elle est réelle. Je ne veux plus sombrer ailleurs que dans ses bras.

Le temps n'a plus de prise sur moi. C'est l'unique pensée qui vient occasionnellement troubler cet instant alors que les caresses, les baisers et les autres étreintes s’égrènent comme les secondes dans  un sablier. J'ai beau espéré que ses lèvres sur les miennes, son corps tremblotant contre le mien, sa poitrine contre la mienne et son cœur que je devine battre à tout rompre soient une part de la réalité, je dois me résoudre à la triste vérité. C'est un rêve et chaque rêve a une fin: c'est elle que je redoute plus que d'être découverte par mes colocataires en train de faire des rêves peu avouables - disons le nous : surtout à Naomi. "Coucou j'ai rêvé qu'on faisait l'amour ça te dit de le faire pour de vrai?". Je ne sairais dire combien de temps je me suis enivrée de son corps etde son odeur, je ne saurais décrire ce que j'ai ressenti mais je sais qu'une fois le calme restauré, je me love dans ses bras, la tête contre son cœur. Rêve ou pas : je ne voudrais pas être ailleurs. Mieux j'aimerais me fondre dans ce songe et cesser d'être réelle mais les rayons mutins de l'aurore commence à poindre à travers les volets et la chape de plomb de Morphée commence déjà à s'abattre sur mes paupières. C'était si réel.. C'est si réel.. Pourquoi faut-il que ce rêve semble si réel..