Poudre dodo ! [Martel & Len]

Depuis l'incident de la guêpe géante chez elle et de la transformation d'elle et de Scarlett (à qui on avait confisqué très vite sa clochette magique pour qu'il ne lui vienne pas à l'idée de "répandre la justice" en ville), les problèmes s'étaient accélérés. Une bonne partie de l'école subissait ses transformations, pas tout le monde heureusement, ce qui avait entraîné des complications très rapidement au niveau du travail ; les attaques bien plus nombreuses que nécessaires en ville l'avaient fait arriver en retard assez souvent, les cours annulés avaient laissé des élèves désœuvrés un peu partout et la perte de ses pouvoirs la rendaient beaucoup trop vulnérable à son goût.
Et le bruit violent qui retentit soudain à l'extérieur termina de la convaincre que cette blague avait assez duré.

Ça ne l'empêcha pas, instinctivement, de prendre le bracelet rose qu'elle avait rangé dans un des tiroirs de son bureau et de se précipiter à l'extérieur, croisant quelque élèves qui fixaient la fenêtre avec des yeux tellement exorbités qu'elle s'attendrait presque à les voir sortir. Elle jeta un œil à l'extérieur et dut reconnaître que leur surprise était valable : un genre de papillon géant était en train de s'envoler, se dirigeant vers la ville. Très, très mauvais ça. Si la ville commençait à en savoir un peu trop sur la magie, ça passait encore, mais si elle venait clairement de l'école, les choses allaient devenir compliquée. Martel se fraya un passage parmi un groupe d'élèves pour atteindre les escaliers puis les portes, avant de quitter la zone magique de l'établissement pour se diriger en ville.

Jusqu'où volerait cette créature infernale ? Les passants qui s'étaient retrouvés dans son sillage semblaient plongés dans un profond sommeil - un bon point, ils penseraient peut-être avoir rêvé - mais le monstre continuait d'avancer en, en même temps, de grossir. Martel crut apercevoir une autre personne dans le sillage du monstre, beaucoup plus près donc assez loin devant elle, quelqu'un qui avait visiblement trouvé un moyen de rester éveillé malgré les spores soporifiques qui lui tombaient dessus. Et quelqu'un qui semblait quand même assez brillant, vu d'ici. La jeune femme soupira.

- D'accord, j'ai compris.

Elle continua quand même de courir après avoir jeté un regard désabusé en direction du bracelet qui ornait son poignet. Elle ne l'avait pas emporté pour rien, le réflexe n'avait pas été là par hasard. L'idée de devoir passer à nouveau par cette transformation l'ennuyait d'avance, mais elle prit le temps de faire une pause à une légère distance du parc en voyant que la créature était passée en vol stationnaire.

- Protect the weak and crush the opressors !

La magie opéra bien vite, illuminant tout son corps pour faire apparaître jupe, débardeur et bottes, foncer la couleur de ses cheveux tout en les attachant et changer la couleur de ses yeux comme si un peintre fou lui traçait des traits roses dans le regard. Elle les ferma un instant tandis que le nœud et la pierre fuchsia qui allaient avec apparaissaient pour fermer son décolleté et que le collier orné d'une pierre ainsi que les boucles d'oreilles apparaissaient à leur tour. La transformation ne s'acheva qu'avec une pointe de maquillage dont elle ne comprenait toujours pas l'utilité - pas plus que celle du costume, à vrai dire - et la magie la laissa enfin reposer pied à terre au lieu de la faire léviter à quelques centimètres du sol. Soupirant à nouveau mais déterminée à arrêter le monstre avant qu'il ne provoque une catastrophe, Martel plaça ses mains devant elle comme si elle tenait un sceptre géant, qui ne se fit pas prier pour apparaître. Puis elle courut vers le parc.

En guise de monstre, un papillon humanoïde armé de quatre épées, une dans chaque main et, en guise de silhouette brillante qui le poursuivait, un jeune homme en costume qui était probablement passé par la même transformation qu'elle, mais semblait s'y être déjà beaucoup mieux habitué - et était accompagné d'une espèce de mini-bestiole visiblement inoffensive. Elle n'arrivait pas vraiment à le reconnaître - sans doute l'un des objectifs du costume - mais il avait l'air assez jeune pour être un élève. L'idée qu'il risque sa vie seule lui était insupportable, elle avait même envie de l'éloigner purement et simplement du combat, mais elle ne pouvait pas nier qu'elle aurait du mal à s'en sortir seule.

Cette semaine n'en finit pas. Depuis le premier avril, des monstres semblent attaquer l'école de façon totalement aléatoire et, surtout, beaucoup d'élèves semblent avoir décidé soudainement de porter des paillettes. Des paillettes. Entre ça et les dégâts causé par les attaques, entretenir cette école devient un véritable cauchemar. Il a même trouvé une quantité assez effarante de bave dans une des chambres des filles, et c'est le moment où il a renoncé à se poser des questions. Au final, c'est probablement la fatigue constante qui l'a empêché de remarquer avant ce matin la paire de gants posée sur l'accoudoir du canapé où il dort, laquelle, il en est à peu près certain, ne lui appartient pas. Ni à lui ni à Katarina. Depuis combien de temps est-elle ici ? C'est en Lena qu'il est aujourd'hui, et c'est donc Lena qui se frotte les yeux avant de prendre la paire de gants pour l'inspecter.
Elle ne reste pas focalisée dessus bien longtemps, cependant.

A l'instant où ses mains se posent sur les gants, elle sent que quelque chose n'est pas normal. Ses mains sont trop grandes, et le léger poids familier de sa poitrine a disparu. Elle a assez conscience de son corps pour comprendre en quelques secondes qu'elle est redevenue Lenaël involontairement et, si ça lui arrive de temps en temps, elle peut d'ordinaire reprendre son autre forme sans problème. Pas aujourd'hui. Quel que soit le maléfice qui la bloque, elle a beau se concentrer autant qu'elle peut, elle reste désespérément un homme.

» Impossible...

Sa voix d'homme sonne faux à ses oreilles, elle lui écorcherait presque le tympan. Ça ne va pas du tout, son pouvoir ne lui a jamais autant résisté, et elle ne se sent pas assez masculine pour vivre dans cette peau. Pas aujourd'hui. Elle grimace en regardant son reflet dans le miroir après s'être levée. Lenaël, aucun doute possible là-dessus, mais même le corps d'homme qui lui fait face n'arrive pas à la convaincre. Elle qui a tant l'habitude de mentir n'arrive pas à accorder son cerveau pour que la sensation qu'elle a d'elle-même corresponde à celle qu'auront les autres. Jouer le rôle d'un homme est bien plus simple quand on a l'état d'esprit. Mais elle n'a pas le choix. Elle ne peut pas décemment sécher le travail, quitte à prétendre remplacer sa soi-disant "sœur". Alors elle s'habille, ou plutôt il s'habille, enfilant sans même s'en apercevoir la paire de gants trouvée à son réveil. Elle a l'habitude des mensonges et des faux semblants, elle s'y fera vite. La première étape étant déjà de commencer à penser au masculin, mais elle verra ça plus tard.

Lena traverse donc la ville pour commencer son après-midi de travail, passant comme souvent par le parc de Notting Hill. Une décision qui déterminera son destin pour la journée, puisqu'elle se retrouve soudain face à un papillon géant. Elle recule précipitamment en évitant un coup qui aurait sûrement pu la tuer.

» Wow c'est quoi ça ?

Un regard autour d'elle lui permet de repérer la présence familière de Martel, en train de courir vers la créature, et s'apprête à la saluer amicalement avant de se souvenir qu'elle est, aux yeux de tous, Lenaël, un homme qui ne connaît que vaguement la jeune femme. Pestant intérieurement contre ce coup du sort, elle s'approche quand même de sa collègue, haussant un sourcil devant sa tenue insolite et le jeune homme tout aussi surprenant qui l'accompagne. Quelque chose ne tourne vraiment pas rond en ce moment. Elle s'apprête à parler quand une voix le détourne de ce qu'elle avait en tête.

» Psst. Eh, psst, par ici.

Lena baisse la tête pour apercevoir une sorte de grosse peluche rose en forme de wombat et avec un cœur sur le flanc. Qu'est-ce que c'est que cette chose, encore ? Et d'où ça sort ? Elle a l'esprit assez embrouillé comme ça.

» Répète après moi. "Let me be the hero you need".
» Quoi ?
» Vas-y !

Lena reste interdite un moment, fixant la créature, avant qu'un bruit provoqué par le papillon ne la sorte de son incompréhension. La phrase lui vient toute seule après la sursaut provoqué par la surprise, sans qu'elle ait le temps de réfléchir au pouquoi de l'existence de cette créature ni au sens que peuvent avoir ces mots.

» Let me be the hero you need !

Ses gants émettent de la lumière, qui se répand à tout son corps pour faire disparaître sa tenue actuelle et la remplacer par un mini short blanc à bordures rouges, un haut dans le même style orné d'un nœud papillon et des bottines, elle aussi avec des nœuds. Ajouter à ça un air juvénile dont elle n'a pas conscience et un petit bracelet ornée d'un cœur qui brillait intensément, et la transformation s'achève.

» Oh...

Elle comprend mieux l'histoire de paillettes, d'un coup. Et étrangement, maintenant qu'elle ressemble à ça, elle se sent de taille à affronter cette créature, même si elle ne sait pas trop par où commencer. Laisser faire son instinct ? pourquoi pas ? Elle appuie d'une main sur le bracelet en forme de cœur, poussée par une connaissance qui la dépasse, et celui-ci émet une lumière avant de faire apparaître un petit sceptre dans sa main.
Pas l'objet qu'elle aurait utilisé pour combattre un papillon géant, mais soit.

Le jeune garçon que Martel avait repéré avait semble-t-il déjà commencé à combattre la créature avant que la jeune femme n'arrive à son niveau. Elle grimaça en voyant qu'il présentait des blessures. Qui que soit le responsable de cette invasion de monstre, il était dangereux ; ce petit jeu allait finir par faire des blessés graves ou des morts, si ce n'était pas déjà le cas. Elle ne pouvait pas laisser faire ça. Après tout, n'était-ce pas l'étrange slogan qui lui permettait de se transformer ? Protéger les gens ? Autant s'y tenir.

Martel courut dans sa direction. Elle ne pouvait pas décemment le laisser combattre seul, même si elle était douloureusement consciente de sa vulnérabilité. Aucune régénération ne lui permettrait de retrouver un membre si elle se prenait un coup d'épée mal placé, ça la forçait à reprendre de vieux réflexes de prudence qu'elle n'avait pas eu depuis le début de son adolescence. Tout en s'élançant, elle fit apparaître son sceptre entre ses mains. Avant qu'elle n'ait le temps de dire quoi que ce soit, un nouveau coup d'épée la force à reculer, mais elle a la présence d'esprit e bondir presque aussitôt après pour s'interposer au cas où une autre attaque aurait visé l'adolescent. Hors de question qu'elle laisse des élèves être blessés. Elle se retrouva donc aux côté du jeune homme.

- Besoin d'aide ?

C'était plus une question rhétorique que véritable, étant donné qu'elle n'avait aucune intention de le laisser combattre seul, même s'il répondait "non". Personne ne risquerait sa vie sous sa protection. Ça ne pouvait pas être pire que d'affronter une guêpe géante dans la chambre de ses enfants, après tout. A deux, ils pouvaient contenir les quatre bras du monstre sans trop de problème, si chacun s'occupait d'un côté. A trois, même, constata-t-elle en entendant une nouvelle transformation à ses côtés. Une voix familière. un collègue ? Sûrement, mais pas un dont elle était très proche, alors, car elle était incapable de mettre un nom sur cette voix.

- Trois contre un ? On devrait pouvoir s'en sortir.

Plus que le monstre, c'est l'état de l'adolescent qui l'inquiétait. Il avait déjà l'air bien amoché, d'avoir tenté le combat tout seul, et elle avait peur que ça ne s'améliore pas avec le temps. Elle aurait bien du mal à l'emmener à l'hôpital et à expliquer les blessures sans exposer la magie... à supposer que l'endormissement général n'ait pas touché la moitié des médecins, chirurgiens ou infirmiers de la ville. Non, définitivement, sa priorité serait de garder le jeune homme en un seul morceau.

Plus elle y réfléchit, plus cette histoire lui plait. Elle commence à s'adapter au rôle de Lenaël, refocalisant son esprit sur une identité plutôt qu'une autre, et elle se rend vite compte que ce nouveau costume lui donne la possibilité de jouer encore un autre rôle : celui du héros. Pas le genre dont elle a l'habitude, très clairement, mais c'est en essayant qu'on apprend.
Elle prend un moment pour observer son nouveau costume, se familiariser avec les mouvements qu'il lui autorise. Elle sent une force certaine dans ses muscles qui n'était pas là avant ; son corps a toujours été faible, encore plus après les addictions et la cure qui en ont rongé une bonne partie, mais là, pour la première fois depuis des années, elle a l'impression d'être forte.

D'être fort. Oui, malgré la tenue extrêmement féminine dont elle est affublée, elle commence enfin à se sentir un peu plus en adéquation avec son corps. Peut-être parce qu'elle a fini par se convaincre que tout ceci n'est qu'un rôle. Alors jouons le rôle jusqu'au bout. Laissons Lena de côté pour devenir Lenaël, mais Lenaël le magical boy, visiblement, en route pour sauver les innocents.

C'est donc Lenaël qui rejoint les deux autres dans le parc. Il s'efforce de saluer Martel avec neutralité, son rôle de collègue croisé une ou deux fois entièrement retrouvé. Il ne peut qu'acquiescer à son commentaire. En effet, à trois contre un, dès qu'il saurait comment se servir de ce sceptre, le combat ne devrait pas être très compliqué. La créature a quatre bras, après tout, ils peuvent gérer le quatrième en s’occupant chacun de leur "adversaire" respectif. Il suffit de voir chaque bras comme un ennemi indépendant.

» Ton sceptre peut lancer des éclairs.
» Hein ?

Il baisse la tête vers la petite créature qui l'a suivi jusqu'ici. Lancer des éclairs ? Lenaël fronce les sourcils en examinant l'objet. D'accord... si ça fonctionne comme le reste, il trouvera probablement la phrase ou le geste nécessaire au moment où il en aura besoin.

Par un réflexe qu'il ne se connaissait pas, Lenaël esquive soudain un coup d'épée donnée dans sa direction, un bond en arrière suivi d'une glissade qui le laissent un instant déséquilibré. Il n'a rien contre le fait d'avoir de nouveaux pouvoirs, mais il aimerait bien pouvoir quand même contrôler les actions de son corps. Même s'il doit reconnaître que celle-ci vient de lui sauver la vie.
À quel point la magie les influence-t-elle ?

Martel remarqua la présence d'une curieuse créature aux côtés de chacun des deux jeunes hommes. Étaient-ce des animaux de compagnie ? Surprenant, d'autant plus qu'ils pouvaient visiblement parler. C'était forcément autre chose. Scarlett aurait peut-être pu lui dire, vu que toute cette situation ressemblait aux dessins animés qu'elles regardait, mais, pour elle, c'était juste un étrange petit animal. Elle doutait de leur utilité au combat mais peut-être que leur rôle était plus psychologique ? Elle ignorait l'identité du garçon aux cheveux blanc mais il était visiblement un élève de S'Indarë. Après tout, la probabilité qu'il ait des difficultés à ce niveau n'était pas négligeable.

Enfin, ce n'était pas le moment de réfléchir à ça : ils avaient un papillon géant à mettre à terre, et le monstre ne semblait pas décidé à leur laisser le temps de réfléchir. Martel esquiva une attaque d'un mouvement souple en cherchant l'opportunité d'utiliser son sceptre – et, au passage, un mécanisme d'activation plus fiable que de le tendre et de prier. Elle eut à peine le temps de pointer son arme vers le monstre et de la voir s'illuminer que, déjà, le monstre chargeait à nouveau. Un instant, elle paniqua. Pouvait-elle annuler son attaque le temps d'esquiver ? Ça semblait difficilement faisable. Elle devrait encaisser le coup. Elle serra les dents dans l'attente de l'attaque, sachant qu'elle ne pourrait pas se régénérer comme à son habitude, mais celle-ci ne vint pas. Martel ne s'aperçut qu'elle avait fermé les yeux que lorsqu'elle les rouvrit pour constater que la créature avait été bloquer par un mur de lumière, visiblement créé par le garçon qu'elle avait suivi jusqu'ici.
Pratique, ça. Un avantage non-négligeable.

La lumière du sceptre de Martel gagna en intensité et un rayon d'énergie surgit avant que le papillon n'ait le temps de reculer complètement. Il fut frappé à l'aile et poussa un cri indéniablement monstrueux en reculant, un trou fumant dans la peau colorée. La jeune femme esquissa un sourire. Bien, ils pouvaient le blesser sans trop de difficulté, apparemment.

- Si vous avez un plan quel qu’il soit, je suis à votre écoute.
- Il faudrait se débarrasser d'au moins un ou deux de ses bras. Le rendre plus facile à atteindre. Ça serait un bon début.

En matière de stratégie d'élimination de monstre géant, la technique était souvent de viser les pattes. Et s'il y avait bien une connaissance qu'elle ne s'attendait pas à avoir dans sa vie, c'était celle-là. Comme quoi la gamine au dragon lui avait apporté quelque chose ; dommage que l'arbalète ne soit pas là pour finir le travail, cette fois.

Lenaël se remet doucement de son mouvement d'esquive imprévu, faisant rouler ses épaules afin de s'assurer que son corps est toujours sous son contrôle. Tout a l'air normal. Il aurait donc juste obtenu de nouveaux réflexes ? Un bon point, et il est content de le savoir. Maintenant, cette histoire d'éclairs...

Il amorce un mouvement d'esquive en voyant le papillon se précipiter vers eux, mais il n'a pas besoin de la collision avec le dôme pour interrompre son geste : au moment où le garçon à leurs côtés plante son arme dans le sol, l'instinct de Lenaël lui souffle qu'ils sont hors de danger. Il lâche un discret soupir de soulagement, malgré tout, en voyant la créature se heurter à un bouclier ; sa confiance en ce nouvel instinct est encore trop limité pour qu'il n'ait pas, l'espace d'un instant, eu peur de se faire trancher en deux.

Le garçon qui vient, à ses yeux, de leur sauver la vie demande ensuite s'ils ont un plan, ce à quoi Martel répond en proposant de couper les pattes de la créature – un plan étonnamment barbare pour ce qu'il sait d'elle mais... moins de sabres ? Difficile de dire non à ça. Lenaël hoche la tête pour approuver.

» Je peux lancer des éclairs. Je ne sais pas à quel point ça pourra être utile.

Brûler les ailes du papillon ? Pourquoi pas. C'est toujours mieux que rien. Il n'aurait pas trop apprécié de ne pas les aider dans ce combat. Son pouvoir, selon sa puissance, pourra au moins ralentir, sinon véritablement affaiblir voire détruire leur adversaire. Il peut s'avérer un atout non-négligeable. Reste à trouver comment s'en servir.

Lenaël ferme les yeux. Visiblement, la créature à ses côtés n'en sait pas plus. Ca aurait été pratique qu'elle lui donc un peu plus d'informations à ce sujet, dommage. Bon. Il essaye de remettre en ordre ce qu'il sait sur ses nouveaux pouvoirs. Un phrase. Ou, vu que Martel a attaqué sans un mot, peut-être juste un mouvement, un geste précis qui déclencherait une salve d'éclairs. Si seulement il pouvait réfléchir plus vite et plus efficacement, de préférence avant que le monstre ne les attaque à nouveau.

» Tu as d'autres capacités, en dehors de ce bouclier ? demande-t-il pour continuer l'élaboration d'un plan.

Le papillon, peu enclin à les laisser réfléchir longtemps, se lance déjà en avant pour un nouvel assaut ; la blessure à son aile le rend cependant lent et maladroit. Lenaël serre les poings sur son arme. L'arrêter est une priorité. Et peut-être que son pouvoir se manifestera sous forme de réflexe.

Un plan semblait se mettre en place. Le jeune garçon aux cheveux blancs était le seul parmi eux à disposer d'une arme physique, semblait-il, donc la tâche de couper quoi que ce soit lui reviendrait sûrement, même si le pouvoir de Martel pouvait faire de sacrés trous. Il semblait aussi avoir bien plus de capacités qu'eux. Rayons d'énergie d'un côté, éclair de l'autre, et plusieurs pouvoirs au centre. Le papillon ne ferait pas long feu.

Alors que le monstre approchait, le garçon frappa soudain le sol de son sceptre et un cadran apparut au sol. Et Martel se sentit... différente. Le monde lui semblait soudainement beaucoup plus lent, et le monstre qui se précipitait sur elle, beaucoup plus maladroit. Quoiqu'ait fait l'adolescent, c'était indéniablement un énorme avantage en leur faveur. Elle capta sans difficulté le mouvement rapide qu'il fit ensuite pour esquiver et frapper, et deux des quatre bras de leur adversaire tombèrent lourdement au sol. Elle aussi frappa, laissa un autre trou fumant dans l'un des ailes de leur adversaire, ce qui le fit reculer brutalement. Il resta en vol stationnaire et instable un  moment.

Assez pour que Martel s'inquiète pour le jeune homme, qui semblait soudain se sentir mal. La main serré contre son cœur, il s'effondra un genou à terre, et il avait l'air de lutter pour respirer. Elle s'approcha de lui et posa sa main inquiète sur son épaule au moment où il prononçait une autre formule, qui la fit se sentir soudainement plus faible. Annulation de la capacité, quelle qu'elle soit, qu'il venait d'utiliser ? Sûrement.

- Eh, tout va bien ? Ne force pas trop...

Vu l'état de la ville, emmener quelqu'un à l'hôpital semblait compromis, probablement impossible. Elle préférait encore que l'adolescent s'écarte du combat si ça pouvait lui éviter de s'effondrer, mal en point. Moins il y avait de blessés, mieux ce serait. Avec le coup qu'il venait de frapper, ils pouvaient bien achever le papillon à deux.
Décidée à le protéger, martel se plaça entre lui et la créature, les mains serrées sur son sceptre. S'il faisait mine de charger vers eux, elle frapperait sans hésiter, quitte à utiliser toute sa puissance.
Personne ne blessait un élève devant elle sans conséquences.
Pas même un monstre géant.

Quand le papillon sembla se remettre de sa blessure, bien plus furieux, elle tendit son sceptre dans sa direction et ferma les yeux. Il fallait un grand coup. Un coup qui serait fatal, pour que le jeune homme n'ait plus à se battre et puisse en profiter pour se reposer. Elle sentit l'énergie remonter dans son arme, se charger, grésiller presque sous ses doigts. Le tout était de ne pas rater sa cible. Mais elle comptait sur Lenaël et ses pouvoirs pour l'aider. Frappé par la foudre, le monstre ne pourrait pas l'éviter... s'il n'y passait pas directement sous les éclairs.

Lenaël ouvre des yeux surpris à la réponse du garçon. Comment connaît-il aussi bien ses capacités ? Et surtout, combien en a-t-il ? Ce "à ma connaissance" sous-entend qu'il en a peut-être d'autres. Est-il donc le qui vient de découvrir ce pouvoir qu'on lui a échangé contre son ancienne capacité ? Martel  a, après tout, aussi l'air de savoir utiliser sa magie. Encore une fois, il a un train de retard. N'a-t-il pas toujours été moins bien que les autres, après tout ?
Le jeune homme prend une inspiration pour laisser ces considérations de côté. Ce n'est pas le moment de réveiller d'anciens démons. Non, la priorité est de trouver comment manœuvrer ce sceptre et utiliser ces nouveaux pouvoirs. Il aurait bien fermé les yeux, mais le danger est trop immédiat, et il ignore si ses réflexes fonctionnent sans voir l'ennemi. Ce n'est pas le moment de tester l'existence ou non d'un sixième sens.

Comme pour l'approuver, le papillon avance dans leur direction, s'élançant peu de temps avant que le garçon plante son sceptre dans le sol en murmurant une invocation. Est-ce donc comme ça que ça fonctionne ? Agir à l'instinct ? Car ces mots ne semblent pas avoir été répétés auparavant. La sensation qui suit cette invocation est presque familière. Légèreté, perception d'un environnement plus lent, sensation de rapidité. Lenaël déglutit. Il a l'impression de se revoir sous adrénaline. Un pouvoir utile, sans aucun doute, mais il doit serrer les poings sur son sceptre pour empêcher ses mains de trembler. Ce n'est pas le moment.
Il évite un coup porté dans leur direction par un réflexe tout aussi inattendu que le précédent, ce qui le conforte dans son idée qu'il doit faire taire la voix lancinante dans sa tête. Ne pas laisser d'anciennes addictions remonter à la surface simplement à cause de sensations familières.  Lenaël regarde les bras qui viennent de tomber au sol, le papillon qui recule sans s'enfuir. Hm. À sa place, il aurait probablement fui à tire d'ailes, mais qui sait ce qui motive ce genre de créature.


L'impression de légèreté disparaît brutalement, comme soufflée par un vent magique invisible, et Lenaël vacille. Le vide. C'est... déconcertant, mais ça aussi, il connaît. Beaucoup plus que la sensation précédente. Alors, tandis que sa collègue se dirige vers le garçon pour s'assurer qu'il va bien, lui se tourne vers le papillon géant. Dans le vide et le silence de cette brusque chute d'adrénaline, les mots n'ont jamais semblé aussi clairs.

» Thunder strike.

Ce n'est même pas un cri, juste une affirmation calme et claire. Un trait de foudre brutal s'extirpe de son bâton, frappant la créature au visage. Un cri monstrueux lui répond, mais Lenaël reste stoïque et calme. Pas de sourire, pas de grimace non plus. Le vide dans sa tête est trop grand pour qu'une émotion en prenne la place, pour le moment. Il frappe une fois supplémentaire, une éclair plus grand et plus large, qui se diffuse comme une foudre conductrice, courant sur le corps et les ailes du monstres, le figeant en plein vol avant qu'il ne s'effondre au sol, secoué de convulsions. Lenaël fronce les sourcils. Peut-il vraiment être tué ? Jusque-là, sa résistance semble assez grande. Il a après tout continué de se battre avec deux bras en moins et un trou dans l'aile. Dans le doute, mieux vaut frapper une troisième fois. La troisième ligne électrique fuse en même temps qu'une attaque de Martel, visiblement chargée depuis un moment car elle semble plus puissantes que celles lancées jusque là. Frappé par les deux attaques simultanées, le monstre pousse un dernier cri avant de disparaître dans un éclat de lumière, ne laissant derrière lui qu'un nuage de poussière.

Presque instantanément, Lenaël sent la magie qui l'a transformé s'inverser, et son corps et ses vêtements reprendre la place qui leur est due. Il se tourne vers ses deux compagnons de combat. Le garçon a l'air affaibli. À quel point le sort qui les a rendus plus rapide a-t-il puisé dans ses réserves ? Il vaut peut-être mieux qu'il se repose, trouver un moyen de le soigner... et espérer que les gens finissent par se réveiller.