La force des sentiments [Weiss et Melo]

Les mots d'Edelweiss interrompent ma crise de larmes pour laisser place à de la colère comme de la tristesse. De simples excuses? A t-elle conscience de ce qu'elle vient de provoquer en moi? Des peurs refoulées qu'elle a ramené à la surface des eaux troubles de mon esprit?Est-ce qu'elle a conscience du bien précieux qu'elle est à mes yeux? Est-ce qu'elle a idée des conséquences pour m'avoir fait succomber à ce petit air triste que je lis parfois dans ses yeux, ce sérieux sans pareil, cette innocence que je lui envie presque.. A elle simplement.. Est-ce qu'elle sait que je..je l'aime..? Je m'apprête à laisser l'ire de mon cœur s’étendre et.. Non.. Je prends une grande inspiration, cherchant à reprendre le contrôle de mes actes,retrouver cette prestance auquelle je ne me suis jamais dérobée, et je chasse les larmes du dos de la main, comme je chasse mes regrets et mes tourments du train de ma pensée. Lentement, doucement, le calme reprend ses droits dans mon esprit tandis qu'un léger sourire s'étire sur mes lèvres, un sourire de soulagement, le plus beau de tout les cadeaux. Elle est toujours là. Rien ne vaut ce soulagement.

-"Pardon.. j'ai juste eu si peur.. je veille sur toi maintenant d'accord?.." fis-je en essayant de la rassurer sur mon état.

Elle est toujours là. Rien ne vaut ce soulagement.

Après un long instant, je libérais Edelweiss de mon étreinte. Je regardais la demoiselle lorsqu'elle s'exprima à nouveau. Je ne pouvais répondre à ses questions. Je n'en avais aucune idée alors pour la première fois je vins à lui mentir.

-"Tout va bien.." fis-je en caressant son front délicatement.

Plus jeune, j'avais eu un chiot pour un anniversaire. J'adorais ce chiot. Noisette. Je vivais pour la première fois le fait de ne plus vivre seule, de pouvoir être autre chose qu'une princesse parfaite aux yeux de Naomi, de mes parents, de chacun. Je pouvais laisser mes faiblesses au jour avec ce petit animal sans craindre aucun jugement. Je touchais pour la première fois à un sentiment proche de celui que j'aurais voulu voir dans les yeux de mes proches mais.. le bonheur est toujours éphémère. Je n'eus que quelques mois de ce répit avant que mon père n'eusse à m'accueillir au retour de l'école avec un sourire triste, pour m'annoncer le pire. Une seconde d’inattention, une voiture. Une petite vie brisée. Un véritable cliché. J'avais aimé ce petit chiot. Je crois même que j'avais véritablement porté de l'attention à ce petit être. J'avais eu l'impression de voir mon cœur réduit en poussière avec mes espoirs. Je venais de revivre la même chose. Je n'avais pas pleuré, déjà retranchée derrière ma prison d'indifférence. Aujourd'hui j'en étais incapable. Comment avais-je pu ne pas le voir... Même lui mentir est une pénitence..

Vous vous souvenez de l'histoire de Noisette? Le bonheur tout ça? Voilà le rappel à la réalité. Entendre le nom de ce crétin est un véritable coup, un coup de poignard qui pour la seconde fois de mon existence passe outre la barrière de mes prétentions. Que devais-je espérer? Rien. L'amour est un jeu pour les enfants. Non même les enfants ne sont pas aussi cruels. C'est un jeu dont je ne connais pas les règles, un jeu dont je n'ai jamais voulu être une participante, un jeu qui fait mal, tellement mal. J'essuie mes larmes et j'affiche un sourire de façade, le même sourire que celui que j'avais montré à Naomi lorsque j'avais appris son agression. Comment pourrais-je en faire autrement si ce n'est serrer ce poing qu'elle ne peut voir? Retenir des larmes qui n'ont plus rien de l'inquiétude? Encaisser sans sourciller comme si rien n'avait de sens? Vivre avec cet échec de plus pendant les longs siècles qu'il me reste? Je lui réponds sans rien laisser paraître.

-"Léandre va bien.. Je lui ai dis de se reposer et tu devrais faire de même.. Je reste là.. Il sera là à ton réveil.."

Même son nom me râpe la langue mais la véritable question: c'est serais-je encore là à son réveil ou bien mon cœur aura t-il volé totalement en éclats, éteignant la flamme de ma vie..

C'est amusant parfois comme la vie aime jouer avec une âme innocente comme un chat avec une pelote de laine. Je restais là, stoïque, alors que mon cœur se désagrégeait un peu plus à chaque seconde avant de s'envoler comme des cendres au vent. Pourquoi sa détresse poignarde encore plus le reliquat de mon cœur? Je devrais m'en ficher comme de ma première culotte.. après tout seul ce connard compte.. je ne suis qu'une parasite qui vient perturber votre si belle destinée avec ses ambitions égoïstes..des ambitions tout simplement impossible..Je ne peux pas être heureuse. Je ne m'appartiens plus.. Y'a t-il encore une "moi".. Non, elle disparaît un peu plus chaque seconde.. "Elle". Non "je"... Un événement imprévue interrompt mes pensées : je sens la main de Weiss enserrer la mienne et quelques mots me parviennent.

- Je.. Je ne veux pas.. mourir..

Une nouvelle pique. Reste bienveillante. Reste le roc qui fend les flots sans jamais s'éroder. Reste Melody Lawford. Je serre alors délicatement les doigts de ma bien-aimée entre les miens, haïssant et chérissant ce contact en même temps avant de lui murmurer d'une voix rassurante.

-"Tu ne mourras pas.. Je suis là.. Personne ne te fera du mal.. Je te protège.."

Et je t'aurais toujours protégé si j'avais pu. Quitte à mourir à ta place. Serais-ce la meilleure option? Quitter la pièce pour laisser Roméo et Juliette s'aimer loin de moi? Sûrement..

Un repos éternel..Comment pouvais-je penser à ça? Je n'avais jamais cédé au désespoir mais tout ça me paraissait lointain et inutile devant l'évidence. Qu'avais-je à lui offrir? Je n'étais qu'une façade sans rien à offrir, pas une once de bonheur, pas même ma confiance. Comment pouvais-je lutter contre ce mec...? J'étais une fille, un peu perdue, sans avenir à cause de ces écailles qui entachent ma peau alors que, aussi difficile que ce soit à reconnaître, Léandre avait tout à lui offrir. Ils étaient bien plus complices que nous ne l'étions. Weiss semblait tout simplement plus heureuse auprès de cet abruti fini et même dans un instant comme celui-ci, je n'étais qu'une roue de secours, un remplacement, une main à serrer en lieu et place de la sienne... J'aurais dû le tuer de mes mains.. Le frapper au moins.. Mieux le rayer du temps.. Ne plus jamais faire paraître ce visage blasé devant moi.. devant elle.. Mes muscles abandonnent leurs efforts : je sais bien que j'en suis incapable de peur de voir une larme entachée ses joues.. Celle de la femme que j'aime.. Je crois même que je comprends la rage de Naomi envers Nia, si cette dernière ne s'est pas fourvoyée...

-"C'est normal voyons.."

Weiss je ne suis rien pour toi mais..

-"Tu es tellement pour moi.." murmurais-je trop bas pour qu'elle ne l'entende.

L'amour.. Même en sachant la raison de ma bienveillance, je ne parvenais pas à comprendre ce besoin irrépressible d'être auprès d'elle malgré tout les affronts que je venais de subir. C'était mon devoir. Je veillerais sur elle toute la nuit. Elle ne serait pas toute seule, je ne lâcherais pas sa main, personne ne viendrait lui faire de mal. Elle ne mourra pas. L'idée même m'est insupportable.. Je ne veux pas la perdre.. Je n'eus cependant pas à continuer ce fil de pensée que la respiration de la demoiselle vint à attirer mon attention. Elle s'était calmé. Il n'avait fallut que peu de temps à la petite demoiselle pour sombrer dans les affres du sommeil. Je me penchais doucement sur elle pour la couvrir un peu plus. Il ne manquerait plus qu'elle ne prenne froid. C'est en tirant le drap pour la recouvrir que mon regard cramoisi vint à se poser sur ses lèvres. Une idée saugrenue vint à parcourir. Deux petites tentations qui ne cessaient de me faire de l’œil. Je rougissais à l'idée d'accomplir ce fantasme stupide. Weiss ne me pardonnerait pas... Weiss ne voudrait pas.. Je ne me rendais compte qu'à ce moment que la distance entre nous s'était réduite à quelques centimètres, comme si ses lèvres exerçaient sur les miennes un magnétisme sans nom. Je l'aimerais toujours.. C'est l'unique pensée qui me traverse alors que je subtilise une part d'elle,les larmes aux yeux..

J'avais osé. Oser l'embrasser. Oser lui offrir mon premier baiser véritable mais tout ça ne resterait qu'un souvenir dont je serais la seule spectatrice..

Des heures étaient passées sans que je ne ferme l’œil, sans que je vienne à m'allonger, sans que je ne parte, sans même que je ne bouge d'un iota. Bien sûr j'étais épuisée, moi qui n'est pas l'habitude de veiller autant, surtout après une telle secousse émotionnelle. Bien sûr, mon ventre criait famine et ma bouche était sèche mais je me refusais simplement à me dérober à mon devoir. Bien sûr l'infirmière avait essayé de me renvoyer à mes quartiers mais toutes ses tentatives avaient eu la même issue. Je hochais la tête par la négative à chaque fois et je reprenais ma contemplation de Weiss comme si le fait de la regarder allait l'empêcher de m'échapper, comme si le fait de tenir sa main l'empêchait de glisser vers des abysses où il me serait impossible de la suivre. Finalement, la pauvre infirmière avait fini par abandonner, déposant simplement une couverture près de moi, un thé et quelques biscuits. Une couverture que j'eus tôt fait de déposer sur Weiss. Je touchais mes lèvres pour essayer de me remémorer le goût subtil de ce moment parfait lorsque Weiss refit signe de vie en une plainte. Je me penchais un peu plus vers elle avant de l'interroger, l'inquiétude perçant dans ma voix malgré ma façade.

-"Weiss?.."

Je reste un instant qui semble durer des jours entiers, penchée sur elle, observant le moindre détail de ce réveil insupportable. La fatigue doit déformer mes yeux et mon visage. L'inquiétude a dû se charger de réduire à néant mes efforts capillaires. Je ne suis pas belle en cet instant, je le sais, mais ça importe peu pour une fois. Je me fiche d'être parfaite, d'être celle qu'ils attendent, d'être la mannequin sexy ou la fille pleine d'assurance. Je suis une femme. Une femme qui regarde l'être aimé souffrir et ce visage, je veux bien lui offrir. Rien qu'à elle. Un cadeau précieux dont elle ne comprendra pas la valeur dans sa peine comme lorsqu'elle ira mieux. Un signe. Subtile. Délicat. Je sais qu'elle va mieux, qu'elle est consciente. Je pose doucement ma main sur son front pour m'assurer que la fièvre est tombé mais j'ai tôt fait de comprendre que les choses ne sont pas aussi simples. J'écarte une mèche de ses beaux cheveux fins collé à son front brûlant.

-"Tout va bien... Je laisserais rien ni personne te faire du mal.. promis.. On s'amusera encore toutes les deux.. Comme avant.. Tiens le coup d'accord?"

Je me demande si elle sait que je veille sur elle depuis des heures sans faillir. Je me demande ce qu'elle se dit. Je me demande si le goût amer de ce "Comme avant" va subsister...