Parlez ou taisez-vous à jamais ! [ Flashback PV Martel ]

C'était sa troisième année de lycée, sa deuxième année à S'Indarë. L'année précédente avait été consacrée à sa guérison ; sortir de sa dépression, découvrir un semblant de joie de vivre, perdre du poids. Surtout ça. Elle ne s'était jamais sentie aussi elle-même, aussi belle que devant le reflet que lui renvoyait le miroir. Elle posa la main sur la glace en souriant. L'été avait été sa dernière ligne droite. Pour la première fois de sa vie, elle avait pu porter un maillot de bain et regarder son reflet en souriant. Martel ferma les yeux. Prit une inspiration.
Septembre 1997. C'était le début de sa nouvelle vie. Une vie sans ses frères, une vie sans ses parents, une vie sans ses problèmes, une vie où elle pouvait enfin aspirer à être au niveau des autres.

La jeune fille quitta la pièce en passant une main dans ses cheveux. Avant de pouvoir atteindre le niveau des autres, il fallait qu'elle bosse. L'idée la faisait soupirer d'avance, mais elle se dirigea malgré tout vers la bibliothèque. Sans la pression de ses parents, les études étaient moins difficiles parce qu'elle essayait d'atteindre un niveau moins drastique, mais ça restait assez difficile d'atteindre ne serait-ce que la moyenne. Alors elle se posa dans un coin avec un livre de cours qu'elle s'efforça de déchiffrer en essayant de laisser son complexe d'infériorité de côté. Difficile. Très difficile. Elle serra les dents.
Non, elle était capable d'y arriver. Elle n'aurait peut-être jamais le génie de Ludwig et Hans, mais elle pouvait obtenir un diplôme, elle aussi.

Martel releva la tête de son livre infernal en entendant quelqu'un crier. S'énerver contre un autre gars. Elle leva les yeux au ciel et s'efforça de reprendre sa lecture, mais le bruit d'un objet tombant lourdement au sol la fit redressa la tête presque aussitôt. Ils ne pouvaient pas faire moins de...
Elle plissa les yeux.
Ses poings la démangèrent bien avant que l'information forme des mots dans son cerveau.

Ok, ce n'était plus une question de calme et de tranquillité. Excédée, elle referma son livre et lança un regard noir dans cette direction, ce qui ne sembla pas calmer le comportement exécrable du type en face, bien au contraire. Alors elle se leva. Marcha à pas agacés jusqu'à la table de l'autre gars et appuya d'un coup sur son livre, le faisant tomber sur la table. Elle garda la main dessus en plantant un regard plein de mépris dans celui de son camarade.

- Lève-toi.

Qu'elle détestait ce genre de personnes ! Prétentieux et insupportable au possible, le genre qui se croit au-dessus des autres et qui essaye de rendre ça littéral. Pitoyable. C'était le genre de gars qui lui avait pourri une grosse partie de son existence, les gens comme ses frères, qui profitaient d'un semblant de qualité pour devenir des cancers ambulants. Elle baissa le regard vers le pauvre gars qui n'avait rien demandé et se trouvait coincé sous le siège, releva les yeux vers l'imbécile hautain.

- Tu te lèves, ou je casse ton sourire arrogant.

Elle serra le poing qui n'était pas occupé à retenir le livre sur la table. Elle ne le lâcherai pas tant qu'il ne lèverait pas son cul de ce siège, quitte à le lever de force et à le jeter à travers la pièce. Elle n'avait pas la force suffisante ? Tant pis. Un coup dans la mâchoire le ferait au moins réfléchir sérieusement, et au pire elle avait au moins la force de l'imiter et de soulever le siège pour le faire basculer.
Œil pour œil.

Martel haussa simplement un sourcil. Oh, monsieur n'aimait pas qu'on lui donne des ordres ? Dommage, parce qu'elle n'avait pas l'intention de lui foutre la paix tout de suite. Elle réitéra son ordre sans prêter attention à sa pseudo-menace. S'il pensait lui faire peur, il était loin du compte. Elle avait affronté pire que lui, subi pire que lui. Ce n'était pas un crétin à l'air arrogant qui allait l'effrayer. Elle soudain son regard sans ciller, un air méprisant peint sur le visage. Évidemment, il ne bougeait pas. Pourquoi l'aurait-il fait ? On ne remettait pas ce genre de mec à sa place avec juste deux-trois paroles bien placées ; il fallait généralement les coups qui allaient avec.

Elle s'efforça de ne pas réagir quand il poussa brusquement sa main, se contentant de croiser les bras en réaction sans détacher son regard du sien. Oh non, elle n'avait aucune intention de se "mêler de ses affaires". Elle détestait les gens qui se sentaient supérieurs aux autres sans la moindre raison valable. C'était quoi, sa raison ? Il se trouvait plus beau que les autres ? Ridicule. C'était loin d'être une justification, d'une, et il ne l'était pas tant que ça. Peut-être qu'il le serait plus avec un œil au beurre noir.
Une gifle ? Tss. Il la prenait pour qui, une gamine ? C'était son poing dans la gueule qu'il allait avoir, ouais.

- Plus de couilles que toi, surtout, ouais. Faut vraiment être un lâche sans cervelle pour martyriser des gosses.

Il osait juger le courage et la fierté d'un gars qui ne lui avait rien demandé et qu'il était venu emmerder juste pour le plaisir ? Ironique. Il pouvait lire tous les bouquins qu'il voulait, il n'était pas prêt d'avoir une cervelle fonctionnelle. Martel serra les dents et sentit ses ongles s'enfoncer dans ses paumes. Elle dégagea brutalement sa main quand il approcha son stupide livre. Elle fronça les sourcils et sa mâchoire se crispa davantage. Le physique, hein ? Non, elle était au-dessus de ce genre de remarques, et elle n'admettrait pas qu'il avait frappé beaucoup trop prêt d'un point faible, avec ce commentaire. Non, elle préféra le saisir par le col pour le soulever un peu sur sa chaise.

- Tu es sourd en plus d'être stupide ? Je t'ai dit de te lever.

Elle le lâcha pour poser son pied sur le bord du siège et le pousser d'un coup sec, pour le faire basculer sur le côté. Qu'il s'étale par terre, ça lui ferait les pieds et ça corrigerait un peu son ego. Si l'autre voulait s'enfuir, c'était le moment ou jamais. Elle, elle s'approcha simplement de l'imbécile arrogant qu'elle avait chassé de son piédestal et elle se baissa pour l'attraper à nouveau par le col.

- Tu vois, c'était pas compliqué.

Martel afficha un air hautain. Elle avait tellement envie de le cogner. Qu'il lui donne une raison de plus, une seule, et elle se ferait un plaisir de le remettre à sa place. De lui coller son poing ou son pied dans l'estomac. Ou plus bas.
Il avait visé un point faible, elle pouvait bien viser le sien.

Ce type était exaspérant. Elle le trouvait ridicule, pitoyable et méprisable. Homme, femme, est-ce qu'il se limitait vraiment à tout ça ? La force mentale ne dépendait pas de ce qu'on avait entre les jambes, quoiqu'en dise l'expression qu'ils venaient d'employer tous les deux. Elle poussa un sifflement agacé. Elle était intervenue parce qu'elle détestait les pauvres cons dans son genre, parce que c'était le genre qui lui avait pourri son existence. Elle était loin de se sentir supérieure au pauvre garçon coincé sous la chaise. Par contre, supérieure à l'abruti qui était assis au-dessus, ça n'était pas bien difficile. Et il la provoquait, ce qui n'arrangeait pas son cas. Alors elle n'hésita pas à faire basculer la chaise pour le regarder s'étaler par terre avec le même air méprisant qu'il avait dû avoir quand il avait délogé ce pauvre garçon de sa chaise.
Là, il faisait moins le fier. Et là ils parlaient la même langue. Elle le saisit par le col avec un air hautain et méprisant.

Il se dégagea rapidement en la tenant par le bras et elle grimaça l'espace d'un quart de secondes, effaçant l'expression de son visage aussi vite qu'elle y était apparue. Il se leva avec un regard noir et elle esquissa un léger sourire moqueur mais glacial. Oh, il était vexé le petit ? Dommage pour lui. Elle se redressa en croisant les bras, un mélange de haine de de sarcasme dans le regard.
Qu'est-ce qu'il lui chantait, encore ? S'il la frappait, elle répliquerait, elle n'irait pas geindre parce qu'il l'avait tapée. Elle avait dépassé ce stade, elle en avait plus qu'assez d'être du mauvais côté des moqueries et des coups. Elle les rendrait, point final. Et elle commençait à trouver agaçant qu'il lui répète sans arrêt qu'elle était une femme – ça lui donnait envie de lui montrer, à lui, à quel point un homme était fragile.

Martel n'eut pas le temps de répliquer, pas le temps de laisser sa colère éclater. Au lieu de ça elle se figea, les yeux écarquillés, quand elle sentit ses lèvres sur les siennes et sa main la retenir. Elle ne réalisa même pas que son pouvoir s'activait instinctivement, transférant la légère morsure de sa lèvre à celui qui en était la cause. Quand il s'écarta, elle resta immobile quelques instants, clignant des yeux plusieurs fois tandis que son cerveau essayait de faire la part des choses. Il venait de... de... de quoi ?! Elle décroisa les bras en serrant les poings, et l'expression de son visage passa du choc à la rage.

- Parfait, je saurais quel nom graver sur ta tombe.

A l'instant même où elle finit sa phrase, elle lui colla son poing dans la mâchoire. Un direct du droit qui la calme à peine. Insupportable. Insupportable et prétentieux petit connard. Il ne voulait pas frapper une femme ? Parfait. Elle se ferait un plaisir de lui refaire le portrait s'il n'offrait aucune résistance. Elle s'avançait pour le frapper à nouveau mais un cri l'interrompit dans son mouvement.

- WEISS ! NOMURA ! ÇA SUFFIT !

Elle se crispa et tourna la tête vers la bibliothécaire qui leur hurlait dessus depuis son bureau, attirant toute l'attention sur eux. Elle détestait qu'on l'appelle par son nom de famille, ce foutu nom qui appartenait à ceux qu'elle détestait le plus sur cette planète. La femme se leva en empoignant le combiné qui lui permettait de contacter directement les autres bureaux du lycée.

- Vous sortez. Maintenant. Ou c'est la sécurité de l'école qui le fera.
- Tss.

Martel jeta un regard noir à l'abruti qui les avait mis dans cette situation et dégagea la chaise de son passage d'un coup de pied. Dire qu'elle était venue là pour essayer de bosser, à la base. Et elle se faisait virer à cause d'un imbécile prétentieux. Ça lui donnait encore plus envie de lui casser la gueule. Elle ne comprit même pas ce que lui disait la responsable de la bibliothèque après son coup donné dans la chaise mais elle continuait de râler. Martel l'ignora, quitta la pièce sans même vérifier si l'autre abruti allait ou non se prendre la porte en pleine figure. Qu'il se la mange, tiens. Ça lui ferait les pieds.

La satisfaction de le voir saigner ne fut pas, mais alors pas du tout suffisante. Bien sûr, elle était contente qu'il se soit pris, littéralement, un retour de bâton de sa propre attaque, mais il venait de l'embrasser. Heureusement que ce n'était pas la première fois que quelqu'un l'embrassait. Heureusement... sinon elle lui aurait probablement ouvert les veines au lieu de juste lui coller son poing dans la mâchoire. Au moins il saignait, et elle non, c'était un semblant de victoire. Sauf que son rire lui donnait envie de le frapper encore une fois. Vraiment, vraiment très fort. Il avait quand même l'air énervé et de ne pas apprécier la blessure qui venait d'apparaître, mais elle n'aimait pas l'entendre rire. Elle l'aurait frappé encore une fois si la bibliothécaire n'avait pas détourné son attention, assez pour qu'elle sente un choc violent au niveau de ses côtes. Elle serra les dents et lui lança un regard noir, posant sa main à l'endroit où le livre – un livre, sérieusement ? - l'avait touchée. Mais quel petit con.

Cela dit, elle sentit quand même un léger frisson courir le long de sa colonne vertébrale quand il chuchota à son oreille. Est-ce qu'il lui faisait peur ? Pas vraiment, mais le ton était assez menaçant pour qu'elle se sente crispée. Son pouvoir, sa capacité ne la protégeait pas de la mort, elle le savait. Elle serra les dents et chassa cette pensée de son esprit en quittant rageusement la bibliothèque, ne relevant pas ses derniers mots. Toxiques ? Tss, il pouvait parler. Il était le type le plus toxique de toute cette pièce. Elle laissa la porte claquer derrière elle quand elle sortit, mais il ne se la prit pas en pleine gueule. Dommage.

Elle se figea quand il cria son nom, les poings et les dents serrés. Elle détestait ce nom. Il n'en connaissait aucun autre, mais elle le détestait quand même encore plus pour l'avoir appelée par son nom de famille. Martel se retourna brusquement.

- Je fous la merde ? Je fous la merde ? On serait pas dans cette situation si tu n'étais pas un sale con qui se croit supérieur à tout le monde !

Elle s'avança et se planta face à lui, de la haine brillant dans son regard. Elle avait tellement, tellement envie d'éclater sa petite tête de sale gosse prétentieux dans un mur. Son bras se plaça en travers de ses épaules pour le plaquer contre la porte derrière lui.

- Tu es un connard. Les gens comme toi devraient crever à la naissance.

Elle ne le lâcha que pour pouvoir reculer suffisamment pour lui coller un autre coup de poing dans la mâchoire. Il l'avait énervée. Beaucoup trop. Elle avait juste envie de le frapper, de le frapper encore et encore sans s'arrêter, jusqu'à ce qu'il s'écroule avec le visage en sang. Une façon de faire régner la justice comme une autre. De toute façon, ces gens-là ne comprenaient que ça : la violence. C'était le seul langage qui leur parlait un peu, le seul qu'ils comprenaient. Alors elle continuerait de frapper jusqu'à ce qu'il l'arrête, s'il y arrivait seulement.

Son sens de la justice de merde ? Tss. S'il ne s'amusait pas à martyriser les autres, il n'aurait pas de problème. Elle n'arrivait pas à y croire. Il lui reprochait à elle son comportement de connard. Ça lui donnait encore plus envie de le frapper. C'était tellement... méprisable. Quand on se comportait comme ça, il fallait s'attendre à en subir les conséquences : à force de se croire au-dessus de tout le monde, on tombe. Ça s'appelle le karma. La fin de sa tirade, par contre, frappa un peu trop près du cœur. Elle serra les dents malgré tout, refusant de montrer qu'elle était atteinte et préférant rester dans le même mode opératoire : la violence. Elle le plaqua contre la porte de la bibliothèque en l'assassinant du regard.

Jamais voulue ni désirée ? Pff. Ses parents la détestaient ? Tant mieux, elle les détestait tout autant. Être désirée par des êtres aussi infâmes n'était pas une fierté. Bien sûr, elle savait que ce n'était pas le cas, et ses paroles l'atteignirent à peine, mais elles n'aidèrent pas pour autant à calmer ses nerfs. Ce mec était vraiment prêt à tout pour ne pas perdre la face et garder son orgueil en place ! Et bien elle ne lui ferait pas ce plaisir. Elle préférait largement le pousser du toit, ça serait plus constructif et ça ferait un être abject de moins sur cette planète. C'était pas ça qui manquait.

Son poing partit tout seul, alimenté par tout la colère qui bouillait dans ses veines, et elle frappa une deuxième fois. Le troisième coup ne partit jamais, tout simplement car il disparut de son champ de vision. Que..? Où était-il passé ? Il n'avait pas pu disparaître comme ça. Elle grimaça en sentant quelque chose se planter dans son dos et un léger gémissement de douleur s'échappa de ses lèvres là ou une autre aurait probablement crié. Elle se retourna brusquement, aperçut à peine une fourrure noire en tournant la tête avant qu'il réapparaisse un peu plus loin. Martel fronça les sourcil et le fixa, activant volontairement son pouvoir cette fois-ci malgré l'interdiction du règlement. Elle voulait lui refiler ses blessures avant qu'elles disparaissent, quelle que soit la façon dont il les avait faites. Qu'il saigne.
Un sourire sarcastique étira ses lèvres. Un beau corps, hein ? C'était bien le seul capable de lui faire un compliment qu'elle avait attendu toute sa vie et de ne pas lui faire plaisir en le disant. Ou pas trop.

- Dommage que tu n'aies rien de beau pour rattraper ton âme, toi, répliqua-t-elle d'un ton glacial.

Elle serra les poings mais se contenta de soutenir son regard sans le frapper pour autant. Esprit de contradiction ? Totalement. Elle n'allait pas lui faire le plaisir de lui donner raison ; il s'attendait à ce qu'elle le frappe, si son poing partait ça ne ferait que le renforcer dans ses paroles. Plutôt crever.

- Dit celui qui ouvre sa gueule mais qui n'agit que quand il n'a aucune résistance en face. Monsieur n'a pas l'habitude qu'on se mette en travers de son autoproclamée toute puissance ? Dommage pour toi, j'ai bien l'intention de t'empêcher de foutre la merde.

Quitte à se mettre sur son chemin systématiquement quand il ferait quelque chose de répréhensible. Elle avait l'habitude de faire régner la justice par la force, elle ne s'en priverait pas face à lui. Pas comme s'il pouvait vraiment la blesser en retour, à moins qu'il soit masochiste. Ça expliquerait certains comportements...

Ça, ça plaisait aux femmes ? Tss, il en rêvait, ouais. Elle était à peu près sûre qu'aucune fille n'aurait voulu avoir quoi que ce soit à faire avec un type pareil ; en tout cas, jamais elle ne s'abaisserait à ça. Quant à elle et les hommes eh bien... cet été avait prouvé qu'elle n'était pas si déplaisante que ça, et ça ne pouvait aller qu'en s'améliorant. Elle ne releva pas la remarque, se contentant de garder son air légèrement moqueur, soutenant son regard sans ciller quand il tenta de la provoquer. Elle ne le frapperait pas. Pour elle qui en mourrait d'avis cinq minutes plutôt, un refus aussi catégorique paraissait presque contradictoire. Mais elle savait qu'il en serait trop satisfait.

Un léger hoquet s'échappa de sa gorge, dernier son qu'elle put émettre au moment où ses mains se serrèrent autour d'elle. Martel essaya de garder l'air de défi dans ses yeux même si l'air commençait déjà à lui manquer et qu'une pointe de douleur prenait place malgré tout. Elle serra les dents, agrippant ses poignets par réflexe pour essayer de le repousser. Elle n'avait pas peur, elle avait mal. Elle enrageait. De ne pas réussir à le faire lâcher prise, de sentir des larmes perler dans ses yeux malgré elle, d'être aussi impuissante, d'entendre sa respiration aussi faible.
Quand les mains se desserrèrent, elle prit une grande inspiration par réflexe, plaquant une main contre sa poitrine en essayant de reprendre doucement un rythme de respiration normal. Son autre main descendit naturellement vers la poche de son jean. Elle lui ferait payer ça. Regretter ça. Ses doigts se refermèrent sur le manche du scalpel qu'elle transportait toujours avec elle. La haine qui brillait dans son regard s'invita sur ses traits.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? Lâche ça !

Martel poussa un sifflement agacé quand un des surveillants se saisit de son poignet pour lui faire lâcher son "arme". Le scalpel tomba au sol et Martel se dégagea brusquement avec un grognement, mais elle ne put pas le récupérer. On la força à marcher à la suite de l'imbécile prétentieux qui l'avait mise dans cette situation et elle avança à pas rageurs, relevant juste un regard haineux vers lui quand il reprit la parole.

- Ta gueule. Si tu étais pas pas un petit tyran qui se prend pour dieu tu en serais pas là.

Et elle non plus. Tout était de sa foutue faute et il n'avait même pas la décence de l'admettre. Dès qu'ils furent dans le bureau du directeur, elle croisa les bras en levant les yeux au ciel et tourna la tête pour ne pas avoir à voir la sienne. Elle avait assez vu sa sale tronche pour aujourd'hui. Se faire remarquer tout le temps pour les mêmes raisons ? Ouais, peut-être que si quelqu'un d'autre prenait la défense des gens, elle n'aurait pas à le faire à leur place. Elle retourna un regard assassin au directeur avant de protester en même temps que l'autre.

- C'est lui qui...

Il les interrompit tout le deux d'un ton sec en Martel tiqua, serrant les dents. Elle détestait qu'on la coupe comme ça sans lui laisser la possibilité de se défendre. C'était de sa faute ! C'était lui qui avait déclenché tout ça avec son comportement de sale petit con prétentieux, pourquoi devrait-elle payer à sa place ?
Le type s'indigna avant elle mais elle écarquilla les yeux, l'air aussi outrée que lui. S'excuser ? Jamais. Non mais il les avait pris pour qui ? Elle détestait la simple idée d'être d'accord avec lui mais il était totalement exclu qu'elle s'excuse, quitte à se prendre de la colle pour les trois prochaines années.

- Hors de question, cracha-t-elle d'une voix tranchante en détachant les syllabes. Il l'a mérité, c'est lui et lui seul qui devrait avoir des foutues heures de colle. Je pouvais pas le laisser faire.
- Tu aurais dû appeler la sécurité comme tout le monde. Tu ne peux pas continuer à faire justice toi-même.

Elle serra les poings.

- C'est...
- Non. C'est la troisième fois cette semaine et c'en est assez. Vous ne voulez pas vous excuser ? Très bien. Trois mois de retenue tous les jours pour l'un comme pour l'autre.
- C'est injuste ! Je n'ai fait qu'aider quelqu'un !
- Martel, rappelle-moi ce que dis le règlement quant au fait d'utiliser ses pouvoirs contre ses camarades de classe ?

La jeune fille se raidit avant de détourner la tête avec un sifflement agacé, l'air profondément dégoûté. Elle aurait pu protester, insister en disant qu'elle ne le contrôlait pas assez – ce qui était vrai pour la morsure et faux pour les griffures – mais elle sentait que ça ne servait à rien. Son opinion était déjà arrêtée, ça ne valait même pas la peine de se défendre.

- C'est bien ce que je pensais. Tu vas donc arrêter de contester, maintenant ? Trois mois. Tous les jours. Maintenant sortez.

Martel sentit ses yeux brûler sous le coup de la frustration. L'injustice lui serrait la gorge mais elle ne prononça pas un mot de plus, se contentant de jeter un regard noir à l'autre en sortant. Si elle ne le bouscula pas au passage, c'est parce qu'elle sentait le regard du directeur peser sur sa nuque. Un geste de travers et les trois mois pourraient en devenir quatre.