Cette semaine a été la définition même de l'enfer administratif. Impossible de savoir lesquels de nos cours avaient lieu et lesquels étaient annulés, en fonction des profs touchés par cette épidémie de magical girl, des classes détruites par des monstres. On se mange des changement d'emploi de temps toutes les cinq minutes parce que personne dans cette école ne semble capable de s'adapter - ce qui est ironique sachant qu'on a quand même un cours qui s'appelle "adaptation". Parlant de cours d'adaptation, c'est justement à celui-là que j'étais censé aller ce matin, même si je me demande encore pourquoi je suis toujours inscrite là-dedans alors que j'ai quasiment une maîtrise totale de ma capacité à changer de couleur et qu'en dehors de ça, je suis humaine. Mais passons. Tout ça pour dire que je suis comme d'habitude/toujours/souvent (rayer la mention inutile en fonction du prof qui m'adresse ce reproche) en retard. Ça ne surprendra pas grand monde, mais je marche quand même assez vite dans les couloirs pour que ce "en retard" ne se transforme pas en "absente" parce qu'on me virerait du cours.
Jusqu'à ce que j'aperçoive Weiss sur la passerelle. Ça m'a pris un moment mais j'avais fini par me rappeler qu'elle était dans le même cours de magie que moi. Je me demande ce qu’elle fait là à cette heure ; ça ne lui ressemble pas d'être en retard en cous, c'est même une des raisons pour lesquelles le fait que je la connaisse ne m'a pas sauté aux yeux tout de suite. Or, vu l'heure, soit elle est en retard, soit les cours d'adaptation sont annulés et elle était en train de rentrer dans sa chambre. Ça serait assez ordinaire et plutôt normal s'il n'y avait pas ces trois garçons à l'air suspect autour d'elle. Mon cœur s'emballe aussitôt. Je ne peux pas la laisser comme ça !
- Foutez-lui la paix.
Oui, on a vu plus doux et plus polie comme entrée en matière mais je ne suis pas réputée pour ma patience. Je me plante à côté d'eux pour les toiser tandis qu'ils se tournent vers moi. Ils sont trois, on est deux - même si je doute que Weiss soit volontaire pour se battre, surtout qu'elle a l'air un peu paniquée. Et en plus, j'ai toujours le mini-gadget de mes pouvoirs de magical girl, même si j'aimerais tant qu'à faire éviter de m'en servir sur des gens. Je pense que ça entre dans la catégorie "utiliser ses pouvoirs pour blesser d'autres élèves", et c'est techniquement interdit par le règlement de l'école.
- T'as un problème ? - C'est vous, mon problème. Vous êtes sourds en plus ? Je vous ai dit de lui foutre la paix.
Ils peuvent bien essayer de m'attaquer, je sais me défendre. J'en ai maté des plus coriaces. Et puis voir Weiss bloquée contre ce mur, ça m'a rappeler beaucoup trop e mauvais souvenirs, du genre qui donnent des sueurs froides, pour que je songe un instant à la laisser avoir les mêmes. Dommage que je n'ai plus mes pouvoirs, d'ailleurs, je suis sûre que les faire pendouiller au-dessus du vide un moment en étant attaché à rien d'autre que ma magie les aurait fait réfléchir - et ça ne compte techniquement pas comme "blesser".
- Je vais t'en coller une tu feras moins la maline ! - Essaye.
Je croise les bras en faisant un geste de la tête pour appuyer mes propos. Le mieux à faire c'est de leur donner envie de tenter leur chance un par un - c'est pas pour rien que dans les films les héros s'en sortent toujours, ils ne se font (quasiment) jamais attaquer par un groupe complet. En un contre un j'ai une chance, trois contre une un peu moins... En tout cas plus difficilement et pas sans séquelles.
Il existe deux catégories de personne dans le monde : ceux qui sont plus ou moins imprévisibles, et ceux que tu vois venir à des kilomètres. Malheureusement pour lui, et tant mieux pour moi, ce gars fait partie de la deuxième catégorie. Points et dents serrés, air agressifs, présence de ses potes : s'il n'essaye pas de me frapper dans les deux minutes qui viennent, je veux bien manger mon chapeau. Bon, j'en ai pas, mais vous avez saisi l'idée. Et, comme l'évidence le prévoyait, il se jette sur moi. Sans protection et sans préparation. Amateur. Tu crois que j'ai protégé Melody des gens dangereux et que j'ai évité une agression sexuelle en me laissant faire aussi facilement ?
Son poing se dirige vers mon visage, il ne l'atteint jamais. Je place ma main entre la sienne et ma mâchoire pour l'écarter de moi, parade basique, avant de frapper de la tranche de mon autre main, directement sur le muscle de son épaule pour le faire plier et reculer. Puis je recule d'un pas. J'aurais pu l'immobiliser et le mettre à terre, mais il est tellement pas fait pour ça qu'il est déjà déstabilise par un coup comme celui-là. Il suffirait presque que je lui marche sur l'orteil pour qu'il s'écroule. Et ça espère se battre, pff. Non, je suis pas assez prétentieuse pour oublier que je suis à une contre trois et que ses deux potes ne vont sûrement pas tarder à venir l'aider, une fois la surprise passée. Alors je l'attrape par le bras, serrant assez fort son poignet pour qu'il ne puisse pas se dégager, puis je le fais tourner dans son dos par une clef de bras qui le maintient immobile devant moi.
- Je vous ai dit de lui foutre la paix, alors je vous laisse une dernière chance de partir avec juste un petit froissement à l'ego.
En vérité, je n'ai aucune intention de les frapper s'il ne font pas le premier pas, mais ils n'ont pas besoin de le savoir. L'assurance joue beaucoup dans ce genre de situation : plus on a l'air facile à écraser, plus ils se sentent en confiance et plus ils deviennent dangereux, surtout s'ils sont entourés. La plupart du temps, il n'y a même pas besoin de frapper très fort pour faire fuir ce genre de gars, parfois même pas de frapper, juste une aura un peu menaçante. Bon, bien sûr, il faut prendre en compte qu'ils ont peut-être des pouvoirs un peu trop puissant qui pourraient me carboniser sur place, mais on va partir du principe qu'ils ne les utiliseront pas ou, comme ils ont l'air humain, qu'ils ont eux aussi un bidule en plastique rose quelque part sur eux. Ça m'arrangerait. Les garçons échangent un regard inquiet tandis que leur pote essaye en vain de se dégager de mon bras.
- Laisse-le partir. - Laissez-la partir.
Sous-entendu : je ne vous le rends que si vous laissez mon amie tranquille. Nouvel échange de regards, comme s'ils hésitaient. Hm, je suis assez impressionnante pour les faire hésiter, c'est un point à retenir. Je sens celui que je retiens qui continue de se débattre, mais il ne pourra pas sortir, même avec le coup de pied fourbe qu'il essaye de me lancer dans la cheville. Je recule juste le pied pour l'éviter. Je n'ai pas pris autant de cours d'auto-défense pour laisser un potentiel agresseur m'avoir avec un coup dans la cheville, quand même.
- Mais vous foutez quoi ? Vous êtes deux, cassez-lui la gueule ! Gn...
Un petit mouvement du bras pour le faire taire et grimacer. Ne casse pas mes efforts pour une résolution pacifique, abruti, sinon ça va mal finir. Et tu seras le premier à te prendre le coup d'envoi. Presque au sens littéral, puis si ses potes se jettent sur moi pour me frapper, un des deux va se recevoir le troisième en pleine tronche. C'est un très bon moyen de déstabiliser des agresseurs, j'aurais juste à mettre le dernier à terre deux secondes avant de m'enfuir avec Weiss. Au moins, on sera hors d'atteinte, et si jamais je les recroise eh bien... j'espère que j'aurais récupéré mes pouvoir d'ici-là, ou au pire je les noie sous ce stupide "pouvoir de l'amour" qu'on a cru bon de me donner. Pour le moment, c'est simple : soient ils se barrent et je laisse partir leur pote en le lançant dans leur direction, soit ils essayent de m'attaquer et ça finit avec trois mecs par terre et deux filles parties en courant. Je leur laisse le choix de la résolution finale.
Je hausse un sourcil. Ah, il semblerait qu'ils soient eux aussi victimes de la magie des magical girls, vu la réaction du deuxième. Trop la honte ? Je suis plus ou moins d'accord, je suis pas fan de l'allure que j'ai une fois mon super "pouvoir de l'amour" activé, mais ça prouve aussi qu'ils accordent plus d'importance à leur réputation qu'au salut de leur ami. Ils doivent être en train de réfléchir à ce qui serait le plus la honte entre leur tenue à paillettes et un renoncement pur et simple.
- Hé la blonde ! C'est bon lâche-le !
Eh bah voilà, on progresse. De toute manière, s'ils avaient voulu se la jouer magical, j'ai la même carte dans ma manche. Et je suis sûre que j'aurais pu tordre un peu le règlement en affirmant que je n'ai, après tout, pas utilisé "mes pouvoirs" pour les neutraliser, non ? Parlant de pouvoir, ça m'arrange un peu qu'ils n'aient pas les leurs. Je ne sais pas desquels ils disposent, mais je suis bien placée pour savoir que certaines magies sont un peu trop puissantes. Entre mes capacités, celles de Melo ou celles d'Erik, je me méfie des tours que la magie de cette école aurait pu me jouer, je tiens quand même à rester en un seul morceau. Comme le deuxième semble – enfin – d'accord avec son pote, je tiens parole en leur lançant leur troisième ami dans les bras, histoire qu'ils le récupèrent sans avoir assez de liberté de mouvement pour s'en prendre à Weiss. Ça aurait été assez drôle qu'ils s'écroulent sous le poids de leur pote, mais j'imagine qu'il n'est pas assez lourd pour ça. C'est vrai qu'il était assez facile à lancer. Une crevette qui joue les caïds.
- J'laisse passer pour cette fois mais j'ai retenu ta gueule donc fais gaffe ! - Quand tu veux pour le deuxième round, trésor.
J'ai lâché ça avec suffisamment de nonchalance et de sérénité pour l'énerver encore plus – mauvais plan, je sais, mais au pire s'il essaye de me choper quelque part je peux toujours me téléporter pour lui échapper... ou le téléporter lui. Au final ils m'ont juste balancé des insultes avant de partir, bref rien de surprenant de la part de ce genre de personnes. Problème réglé. En tout cas pour ce qui les concerne, eux. Mais comme la suite n'implique normalement pas de tordre le bras d'un type pour le mettre en pls, je peux considérer ma première victoire. Maintenant...
Deux choses. D'abord, Weiss a l'air super mal, donc si un seul de ces cons a eu le temps de la toucher je le rattrape et je lui fait faire connaissance avec mes phalanges. Ensuite, je n'ai pas tellement l'habitude de réconforter des gens mais ça me fait mal au cœur de la voir comme ça. Je m'approche donc pour poser un main sur son épaule en m'agenouillant près d'elle.
- Eh, ça va ?
Je dois admettre que je suis un peu perdue. Mon assurance a volé en éclats. Ça ne m'arrive pas souvent, de devoir consoler quelqu'un, Melody est plutôt du genre toujours sûre d'elle ou en tout cas elle cache bien ses faiblesses, du coup je n'ai pas eu masse d'exemples pour ce genre de situation. Je fais quoi ? Je ne la connais pas assez pour savoir comment elle fonctionne et ce qui l'aiderait à sortir de cet état. Je veux dire, à part les trucs bateaux du genre...
- Respire... Ils sont partis, ils ne reviendront pas d'accord ? Ça va aller.
Ils ont vraiment dû lui faire peur, pour qu'elle finisse dans un état pareil. Si j'en avais encore un sous la main, je... Ce n'est pas le moment. Enfin si, c'est le moment d'être énervée contre eux, mais mon visage a tendance à être assez expressif et je n'ai pas spécialement envie qu'il affiche autre chose que l'inquiétude certaine qu'elle m'inspire en ce moment. Manquerait plus qu'elle s'imagine que je lui en veut ou que j'ai quelque chose contre elle, elle est déjà dans un état assez critique sans ajouter ça. Pour le moment, je dois surtout concentrer son attention sur autre chose. C'est bien ça, normalement, non ? La faire penser à autre chose pour calmer son angoisse.
Rassurer la jeune fille est passé numéro 1 de mes priorités, mais à par lui dire que tout va bien se passer, que ça va aller, qu'il n'y a plus personne, je ne sais pas quoi faire. Je n'ai jamais eu à rassurer grand monde. Passé un certain âge, Melody a pris l'habitude de garder ses émotions pour elle, et qui d'autre aurais-je pu protéger ? Je n'ai jamais vu personne dans cet état, à part ma sœur quand elle se retrouvait seule dans le noir, et je ne suis pas sûre que serrer Weiss dans mes bras en lui caressant les cheveux et en la gardant contre moi soit le meilleur moyen de la rassurer. Pour avoir déjà vécu une agression de ce genre, je dirais même que l'effet serait probablement totalement l'inverse. C'est le pire moment au monde pour un contact physique.
- Reste.. Reste près de moi, s'il te plaît.. Je.. J'ai trop peur.. de le voir revenir..
Le ? De qui parle-t-elle ? Un des trois types ? Elle n'avait pas l'air d'en connaître un seul, mais peut-être que l'un d'eux a été plus violent que les autres. Au moins, elle n'a pas l'air blessée – heureusement, sinon le responsable n'aurait pas eu le temps de proférer un seul regret avant de finir par la fenêtre. Je déteste ce genre de mec. Si je pouvais remonter le temps, je le ferais juste avant qu'ils ne l'approchent, mais ce n'est malheureusement pas moi la sœur avec ce pouvoir. Et de toute manière, en ce moment, personne ne l'a. Soupir. Si je pouvait faire plus pour elle que juste déblatérer des paroles rassurantes clichés...
Je vois qu'elle lutte pour se calmer. Ou en tout cas, c'est ce qu'elle a l'air d'être en train de faire. J'aimerais pouvoir l'aider plus, mais à défaut, je peux toujours lui offrir ma présence rassurante, c'est mieux que rien. Dans l'état où elle est... je ne laisserai personne l'approcher. Les curieux ou les dangereux, même combat : ils dégage ou je les dégage.
- Excuse-moi de t'avoir inquiété... Je.. Je vais bien. Ils ne m'ont pas fait de mal...
Mon sourire est plus là pour la réconforter qu'autre chose. Ce n'est pas la peine de s'excuser, ça arrive à tout le monde. Bon, pas très souvent dans ma famille parce qu'on est des boules de fierté sur pattes, mais la plupart des gens normaux possèdent des émotions et les affichent. Et je suis aussi contente qu'ils n'aient pas eu l'occasion de lui faire du mal... physiquement, en tout cas, parce que côté psychologique, ça semble un peu plus compromis. Peut-être pas de là à la traumatiser mais... Oh, une seconde. Réveiller un traumatisme ?
- Je dois te sembler stupide... - Mais non, ne dis pas n'importe quoi. Tu viens de vivre quelque chose qui aurait terrifié n'importe qui.
Pendant que je prononce ces mots, je réfléchis. Sa réaction... sa réaction ressemble à celle que j'ai eue le jour où Neil a débarquer sur le plateau de tournage comme nouveau personnage de la série. Quelques semaines après m'avoir agressée dans une ruelle (il avait encore la trace du coup que je lui ai balancé, d'ailleurs). Alors quoi... coïncidence ? Elle craque plus facilement que moi ? Ou... elle a déjà vécu ça ?
- Weiss, dis-moi... si ce n'est pas indiscret, hein...
Comment formuler ça ? Je ne vais pas lui demander de but en blanc si ça lui était déjà arrivé, c'est le meilleur moyen de faire remonter le souvenir et de la remettre dans un état catatonique – sans compter que ce n'est pas une question à laquelle on peut "ne pas répondre". La réponse serait écrite sur son visage, qu'elle dise "oui", "non" ou "je ne veux pas en parler". Je ne veux pas qu'elle se sente forcée. Juste... si jamais elle en a besoin... Je ne suis pas la meilleure personne au monde pour écouter les autres, mais je peux faire cet effort.
- De qui tu parlais, quand tu as dis "le" voir revenir ?
Si elle ne veut rien dire, elle n'aura qu'à prétendre que c'était un des trois gars, ou dire que ça ne me concerne pas. Je ne suis ni assez curieuse, ni assez invasive pour insister. Je veux juste... je sais pas, m'assurer que tout ira bien pour elle ? J'ai dit que j'étais nulle en émotions ?
Va-t-elle me répondre ? Je n'en sais rien. On ne se connaît pas forcément assez pour entrer dans des confessions. J'estime être digne de confiance à ce sujet, pas du genre à colporter des rumeurs ou à rire des autres, mais elle ne peut pas le savoir. On ne s'est pas vues si souvent que ça, et j'ignore si Melody a glissé ne serait-ce qu'un mot à mon sujet – après l'événement avec Nia, je pense qu'elle a plutôt gardé les détails sur moi sous silence. Si elle pense encore ne serait-ce qu'un peu à moi...
La voix de Weiss me détache de mes pensées négatives. J'avais vu juste, alors ? Ça semble lui être déjà arrivé. Je ne peux que la comprendre, que compatir. Après tout, n'ai-je pas vécu la même chose ? À bien l'écouter, pas exactement, mais le résultat est le même là où les circonstances changent. Un garçon qui m'aime trop, un garçon qui ne l'aime pas beaucoup. Le sentiment est-il vraiment important ? La finalité, ça reste malgré tout une fille recroquevillée dans un coin et envahi de souvenirs trop douloureux, trop vivaces.
J'ignore ce qui s'est passé exactement, je l'écoute juste. Parfois, ça fait du bien de parler. Je ne peux pas ajouter quelque chose, rien dire de plus que d'entendre ses paroles et empêcher mes poings de se serrer à chaque détail qu'elle ajoute. Même sans savoir, même sans avoir le tableau complet, je commence à me faire une idée. Le poids de la vérité, je le connais. Peut-être pas de façon aussi violente qu'elle, car j'ai toujours veillé à rester à l'abri pour que mon comportement ne déteigne pas sur ma sœur, mais je connais la véhémence de certains quand on les met face à leurs actions. Prévenir un adulte. Était-ce qu'elle avait fait ? Ça ne faisait jamais de bien à celui qui lançait l'alerte, mais je comprenais la démarche. Protéger les autres quitte à risquer des représailles. Je l'aurais sûrement fait à sa place, mais je ne l'imaginais pas le faire. Ou peut-être que c'est pour ça qu'elle semble plus en retrait maintenant... Du peu que j'ai vu d'elle, en tout cas, elle n'a pas l'air d'être du genre à se jeter dans la gueule du loup pour sauver un agneau... instinct protecteur de magical girl mis à part.
Bloquée contre un mur... Ces simples mots font remonter un frisson le long de ma colonne vertébrale. Déclencheur différents, résultats similaires. Je me rappelle encore le souffle de Neil sur ma peau. Ses mains qui essayaient de m'immobiliser. Le souvenir restera éternellement, même si j'ai réussi à le repousser. Elle... elle doit encore ressentir la pression de ses mains sur sa gorge quand quelque chose le rappelle à son existence. Ça me donne encore plus envie d'éclater les trois abrutis de tout à l'heure, pour avoir osé le rappeler à sa mémoire. Mais quand même... À quel point faut-il être con pour en venir à étrangler une fille pareille ? Elle ne mérite rien de tout ça...
Quelqu'un est-il venu à son aide ? Un adulte, peut-être, qui aurait eu le temps d'intervenir... ou quelqu'un qui a suivi son exemple et décidé de dénoncer la violence, d'appeler à l'aide ? Je me demande si le psychopathe des bacs à sable aurait pu sombrer assez violemment dans la folie de sa violence pour la tuer ou la blesser gravement ailleurs que dans son mental. Un collégien qui se prend pour un dur, le genre de personnes qui tombe de haut quand ils reviennent à la réalité. J'espère qu'il s'est fait virer. J'espère qu'il a eu des problèmes. J'en suis presque à espérer qu'il ait retenté l'expérience hors de l'école et se soit fait choper par les flics, histoire qu'on lui rentre dans le crâne à coup de menottes et de barreaux que blesser quelqu'un pour si peu, ce n'est pas acceptable. Et oui, je saisis parfaitement l'ironie de ces mots dans ma bouche considérant mes actions en février. Mais pour ma défense, je ne l'ai pas fait (trop) volontairement.
- Je.. Je ne veux plus me sentir en danger..
Qu'est-ce que vous voulez que je réponde à ça ? Je sais que ce n'est pas exactement le meilleur contexte pour, ni probablement la meilleure chose à faire, mais je ne peux pas m'empêcher de passer mes bras autour de ses épaules. Pas longtemps, car j'ai peur qu'elle soit mal à l'aise – on ne se connaît pas tant que ça, et tout le monde n'est pas aussi câlin que moi – mais je n'ai pas pu m'en empêcher. Sa détresse me touche trop. À défaut de pouvoir l'enlacer trop longtemps, je pose ma main sur son poignet avant de chercher son regard.
- Je te protégerai. Tu peux compter sur moi.
Mes doigts se serrent et se desserrent légèrement, , le temps qu'un air déterminé se dessine sur mon visage. Non, décidément, même sans cet instinct qui me pousse encore plus en avant qu'à l'ordinaire, je ne peux pas supporter de voir quelqu'un dans cet état.
- Je sais ce que tu vis. Ça ne t'arrivera plus.
Jamais. J'y veillerai personnellement. Si qui que ce soit essaye à nouveau de la blesser, il goûtera à un de mes pouvoirs. Que ce soit mes capacités de magical girl actuelles, on mon véritable pouvoir si je le récupère un jour. Personne ne lui fera plus de mal, ou il le regrettera instantanément.
je la sens se crisper dans mes bras, et je me félicite presque aussitôt de ma décision de ne pas l'enlacer trop longtemps. Evidemment, qu'elle n'est pas à l'aise. une partie d'elle doit encore être sur la défensive, en état d'alerte. Ce contact, c'est juste une alarme de plus dans sa tête, alors je me tiens à mon choix et je la lâche bien vite. Avant de lui faire une promesse.
Cela semble la laisser perplexe, mais je ne dis rien. Elle doit encore être sous le choc, de son agression comme de ses révélations, et elle se demande aussi sûrement d'où me vient cette lubie. la protéger... J'ai tellement l'habitude, d'être là pour protéger quelqu'un. Au fond, je ne sais pas vraiment pourquoi je fais ça. Pour elle, pour la rassurer ? En partie. L'envie de protéger tout et tout le monde qui me pousse en avant depuis le premier avril n'est clairement pas en cause, ou alors juste de façon minime. Mais... est-ce que je ne fais pas ça juste pour moi ? Pour avoir encore quelqu'un à protéger, pour réparer l'illusion que Melody a brisée, pour me sentir encore utile ? Je ne nierai pas la pulsion d'adrénaline qui a couru dans mes veines quand je me suis lancée à son secours, c'était la première fois que je me sentais vraiment vivante depuis les événements de février. Si je ne fais cette promesse, si je ne prends cette décision au fond de moi que pour me sentir mieux, que pour reformer le mensonge de mon existence, l'illusion selon laquelle mon but serait de venir en aide à une personne, de la tenir à l'abri de tous ceux qui pourraient la blesser... est-ce que ce n'est pas extrêmement égoïste de ma part ? Aurais-je été capable de faire cette promesse à n'importe qui, juste pour retrouver le statut de grande sœur protectrice qui a volé en éclats il y a quelques mois ?
- Merci, Naomi. Vraiment... Merci.
Retour à la réalité. Je souris faiblement tandis que mon esprit essaye de formuler une réponse bancale à ma question. Même si c'était le cas, quelle importance ? Je ne suis peut-être pas quelqu'un de bien, je suis peut-être égoïste, mais le résultat est là. Tant pis pour le "c'est l'intention qui compte" tant que j'ignore vraiment le cœur profond de l'intention. Je sais que je ne veux pas qu'elle soit blessée, que je veux qu'elle aille mieux et que je déteste ce genre de type. Alors ça ne vaut pas la peine de me prendre la tête, ou en tout cas pas maintenant.
- Dis, Naomi? Est-ce que.. Enfin.. Je suis désolée, je ne veux pas encore te déranger mais.. pourrais-tu me raccompagner à ma chambre?
Un sourire en réponse avant que je ne me lève et tende la main pour l'aider à faire de même. Evidemment que oui. Dans son état, n'importe qui passe pour une menace potentielle. je le sais. Croiser le moindre regard dans la rue après m'être sortie de mon agression me donnait l'impression que la personne allait se jeter sur moi. Les dortoirs sont loin, ça fait une sacré distance à parcourir en ayant l'impression d'être cerné d'ennemis de toute part. Même si sa chambre...
- Je te raccompagne, ne t'en fais pas.
Moi qui m'étais promis de ne plus jamais y mettre les pieds, ça sera la deuxième fois ce mois-ci que je retourne à la chambre de Melody. Mais bon, pour une fois, c'est pour une bonne cause.