Soyons subtils [Ian]

Sa respiration commençait à perdre le rythme, dans un mélange de désir, d'anticipation et d'une légère pointe de stress qui restait dans un coin de sa tête. Ça faisait une éternité qu'il ne s'était pas retrouvé dans une telle situation et le tissu qui glissa de ses cuisses lui donnait soudain une vraie impression de réalité.
Mais dieux qu'il en avait envie...

Le premier contact intime direct acheva de briser le peu de stabilité qu'il restait à son souffle. Il se raidit sous l'intensité des sensations qui remontèrent vivement sous sa peau et ferma les yeux, une main crispée sur le bord du canapé, l'autre s'écartant du visage de l'incube sans trop savoir où se poser. Elle remontait près de sa poitrine comme pour calmer les battements fébriles de son coeur, devant ses lèvres dans de veines tentatives inconsciente de contenir sa respiration, ou s'accrochait à ses mèches blondes, sans se fixer bien longtemps.

Dorian se mordit la lèvre, rouvrit les yeux pour croiser son regard qui ne fit qu'amplifier les traits électrisants qui s'invitaient dans son corps. Un gémissement étouffé franchit ses lèvres. Il plissa les paupières, lentement envahi par l'effet grisant des mouvements qui se jouaient de sa sensibilité. Si Ian voulait obnubiler ses pensées pour le détourner de ses problèmes, il réussissait sans mal : il était incapable de penser à autre qu'à lui, ses lèvres, ses mains, sa langue, son corps à moitié nu qui s'était ancré dans son esprit et qu'il ne faisait que désirer un peu plus à chaque seconde...

La chaleur lui montait à la tête, enflammait son sang dans ses veines. Il avait la sensation qu'à chaque regard qu'ils échangeaient, le rouge des yeux d'Ian devenait plus intense, sans savoir si c'était le désir de l'incube ou le sien qui les faisait autant briller. Mais ils étaient hypnotisant, comme les mains qui s'aventuraient sans gêne sur sa peau, comme ses lèvres qui s'évertuaient à lui faire perdre la tête.

Il se laissa aller sans résister, ses muscles se détendant à mesure que les sensations envahissaient son corps et piétinaient ses barrières. Un long soupir teinté de gémissement s'échappa de ses lèvres et il ferma un instant les yeux, un frisson électrisant remontant sur sa peau. Il peinait à garder le contrôle de son souffle, sa voix s'infiltrait entre deux respirations sans lui laisser l'occasion de la retenir. Il déglutit difficilement, referma sa main perdue sur sa cravate en tirant sur le tissu comme s'il pouvait y gagner un peu d'air contre le feu liquide qui bouillonnait dans ses veines.

Pourquoi avait-il pris la peine de la remettre en sortant de son bureau ? Il n'en avait pas la moindre idée, mais il la desserra fébrilement entre deux inspirations maladroites, en même temps que son autre main relâchait le canapé pour se poser sur le bras de l'incube, le longeant du poignet au coude du bout des doigts comme si la délicatesse du geste pouvait calmer l'effet ardent qu'Ian avait sur lui.
Ce qui ne marchait pas du tout, bien sûr.

Est-ce qu'il essayait de résister ? Peut-être inconsciemment. Par principe ou par habitude, il avait du mal à se laisser aller, même maintenant alors que son esprit était noyé dans le brouillard. Une partie de lui restait consciente de l'environnement, assez pour ne laisser passer que des gémissement encore discrets entre deux inspirations, alors même que son corps réclamait plus d'air. Ou plus d'Ian, à ce stade c'était difficile de déterminer ce qui lui paraissait le plus essentiel. Il était juste incapable d'imaginer que ça s'arrête. Le désir s'était infiltré dans ses veines et n'avait aucune intention d'en sortir.

C'était peut-être ça, ou plus vraisemblablement l'effet des phéromones dont il n'avait pas conscience mais qui venaient outrepasser les barrières qui tenaient encore debout. En tout cas, c'est à peine s'il laissa Ian terminer sa phrase avant de l'attirer par la nuque pour venir plaquer ses lèvres sur les siennes. Et si ce n'était pas une réponse assez explicite à sa question, la main qui s'accrocha à sa ceinture pour s'évertuer à la défaire l'était nettement plus. La voix qui lui répétait qu'ils étaient encore dans un bureau sur son lieu de travail avait franchement perdu la partie.

Son sang bouillonnait d'une impatience dont il avait depuis longtemps oublié la saveur. Un gémissement d'excitation franchit ses lèvres pour se perdre entre celle de l'incube. Malgré la fébrilité qui rendait ses gestes un peu plus maladroits, il n'eut aucun mal à desserrer la boucle pour la retirer. Le bouton qui ripa sous ses doits lui posa un peu plus de difficultés.

Ça ne lui ressemblait pas, de perdre le contrôle, mais ça aurait été mentir de dire que c'était désagréable. Ses lèvres, sa langue contre la sienne, la proximité de son corps, les dents qui vinrent taquiner sa lèvre inférieure... Il avait envie de le toucher, d'être touché ; son coeur brûlait de désir et sa main peina à suivre le mouvement, ripant sur le bouton alors qu'elle n'avait eu aucune difficulté avec la ceinture. Le petit geste d'Ian pour l'écarter et le retirer lui-même lui tira un rire soufflé. Il n'avait pas assez d'orgueil - ni assez de lucidité - pour se formaliser de la petite taquinerie sous-jacente.

Ses mains abandonnèrent leurs places pour venir glisser dans le bas du dos de l'incube, descendre sous le tissu, longer la courbe de ses fesses puis retirer le dernier vêtement qui l'habillait encore. Une part de lui lui soufflait qu'il s'emportait trop vite, l'autre pas assez. Vingt ans à laisser tout ça au second plan ; au moins un an, si ce n'était plus, d'attirance refoulée pour l'homme qui se tenait contre lui... Il aurait été bien en peine de résister - s'il avait seulement voulu résister.

Dorian remonta ses mains le long de ses jambes avant de l'attirer plus près de lui, l'inciter à s'installer au-dessus de lui sur le canapé. Il n'avait pas envie d'arrêter de l'embrasser ; il ne sépara ses lèvres de celles d'Ian que pour les plonger dans son cou.
Ce n'était pas raisonnable...
Tant pis.

Ce petit basculement de sa tête en arrière était une invitation à laquelle Dorian ne se priva pas de répondre. Ses baisers se firent plus avides tandis qu'il laissait ses mains s'inviter sur le corps de l'incube, remonter le long de ses cuisses pour se poser sur sa taille. Une de ses mains glissa lentement sur son torse pour aller se poser contre sa joue, et il écarta ses lèvres de son cou avec un sourire. Un peu incrédule ; ses mots l'avaient pris au dépourvu.

- Adorable ?

Il eut un petit rire et lui effleura la lèvre inférieure du bout du pouce.

- Vous êtes sûrement le premier à me dire ça.

Au moins le premier dans ces circonstances. La petite surprise qu'il avait ménagée avec sa remarque parut suspendre quelques secondes le tourbillon de ses pensées. Son regard s'accrocha cependant vite à celui d'Ian et il se sentit frémir, la peau constellée de frissons. C'était sûrement illégal, d'être aussi désirable.

Il rapprocha ses lèvres, revint chercher un baiser, retrouver sa langue contre la sienne. Ses doigts se crispèrent légèrement sur la cuisse de l'incube, se détachèrent l'espace d'une hésitation. Il voulait l'attirer plus près de lui, réduire pour de bon la distance et se laisser aller dans son étreinte. Pourtant, quand ses mains quittèrent l'endroit où elles s'étaient chacune nichée, ce fut pour retirer sa cravate et sa chemise. Nettement plus facile que de déshabiller l'homme qui s'amusait tant à le faire trembler. Quitte à céder et partager son lit - ou son canapé - il voulait pouvoir sentir pleinement sa présence.