Too sad to cry [ft. Lova Lindberg]

J’avoue que je n’ai pas énormément de souvenirs de ce qu’il s’est vraiment passé ensuite, dans la Maison Rouge. Je me souviens seulement qu’on s’est battue, que j’allais perdre la vie mais que Kaylee m’a sauvée. Je sais que si elle n’avait pas été là, je ne serais plus là à l’heure actuelle. Et je me sens à la fois reconnaissante, et frustrée… Car c’est, encore une fois, elle qui me sauve… Certains pourrait penser qu’au contraire, si elle n’avait pas été là, je ne me serais pas prise ses coups et n’aurait pas risqué ma vie mais… je ne crois pas au hasard. Ce serait gonflé de ma part, moi qui suis un cupidon. Qu’elle fut là ou pas, je suis persuadée que le résultat aurait été le même pour moi. Il m’aurait tout de même prise pour cible, c’est certain, et je me serais prise les coups d’un autre.

Après ça, je sais que j’ai été amenée à l’infirmerie du Dr.GP. Puisque mes blessures étaient en partie soignées, j’étais simplement en observation, qui a duré plus ou moins longtemps. Kaylee venait me voir régulièrement, et ça me faisait plaisir à chaque fois. Mais plus les semaines passaient, moins elle montrait son visage et plus je me sentais seule… Je voulais sortir de cette chambre d’infirmerie le plus vite possible pour la rejoindre.
Je me souviens de ces moments où j’interrogeais la médecin du regard et que clairement, elle ne savait rien de ce qu’il se passait dans sa tête, me faisant perdre pied toujours un peu plus. Qu’est-ce qu’il se passe… ? Je ne comprends pas…

Une fois sortie de cette observation continue, je reprends les cours normalement. Mais la chose différente, c’est l’absence de Kaylee, qui se ressent de plus en plus. Où est-elle ? Elle m’évite ? Pourquoi elle m’évite ? Chaque jour, je me lève dans la chambre, tente de lui parler mais elle est déjà partie. Je ne la vois plus… et une colère, mêlée à la tristesse, se forme dans ma gorge. Pourquoi ? Je ne comprends pas. Je ne comprends vraiment pas ! Alors je me dis qu’elle a peut-être besoin de temps… Que pour elle aussi c’était difficile, et qu’elle reviendra surement quand elle sera prête. Alors j’attends. Je patiente. Je me bats contre l’envie de la chercher pour l’enlacer fort. Ça fait… combien de temps exactement ? Aucune idée. Je n’ai pas envie d’y penser.

Jeudi… Les cours se passent normalement. J’ai encore quelques douleurs fantômes, mais rien d’inquiétant. Mon corps se remet et je me sens mieux. Je suis attentivement les cours quand vient mon dernier. Géo. Quand le cours se termine, je récupère mes affaires, le visage éteint. Je n’ai pas de raison de sourire… Elle n’est pas là. Je me sens vide. J’aimerais tellement qu’elle vienne me voir… qu’elle me parle… Qu’on redevienne comme avant… Je…je m’inquiète.
Quand je sors de la classe, j’entends mon prénom et je tourne vivement la tête vers cette voix familière. Mon cœur manque un battement et un immense sourire vient fendre mon visage. Elle est là ! Elle est enfin là ! Je m’approche, un peu timide, ce sourire éblouissant toujours sur mes lèvres. Elle baisse les yeux, évite de me regarder et une boule se forme dans mon ventre. Que…

- Viens, je dois te parler d'un truc.

Pourquoi cette peur dans mon ventre ? Pourquoi ce pressentiment que je ne vais pas ressortir indemne de cette conversation ? Pourquoi cette envie soudaine de m’enfuir ? Elle se retourne pour s’éloigner et, après un moment d’hésitation, je lui emboite le pas. Des milliards de scénarios traversent mon esprit et la peur me donne envie de vomir. On continue de marcher, et quand on arrive à cet endroit précis, mon cœur se met à accélérer. Qu’est-ce que… Pourquoi elle m’emmène sur le lieu de notre mise en couple ? Le lieu où elle m’a embrassée ? Je ne comprends encore moins… je…

- Je ne veux plus être avec toi.

J’écarquille les yeux. Lève la tête pour la regarder, alors que tout mon monde s’écroule. Elle ne veut plus… Hein ? C’est… C’est une blague ? C’est ça ? Je sonde son regard froid, à la recherche d’un signe qui la contredirait, mais rapidement je ne peux pas soutenir son regard tant une lame tranchante me déchire le cœur et le ventre. J’aurais… dû mourir. Si elle ne veut plus être avec moi… Pourquoi m’a-t-elle sauvée alors ? Je ne suis pas d’accord ! Je refuse ! Je refuse de m’être battue pour ça ! Je fronce les sourcils alors que les larmes débordent et qu’une injustice profonde s’empare de mes entrailles.

- Non. Tu ne peux pas me dire ça… Tu n’as pas le droit…

J’hoquète, incapable de stopper mes pleurs. Je viens les essuyer d’un revers de manche mais elles repartent de plus belle. Pourquoi ? Je ne comprends pas… j’ai fait quelque chose de mal ? Je me suis trompée quelque part ? Elle s’est rendu compte que j’étais trop faible pour elle ? Et maintenant elle m’abandonne ? Je ne suis pas assez bien pour elle… c’est ça ? Mais… pourtant… je me suis battue… jusqu’au bout. J’ai tout donné… Et ça ne suffit pas ?

- P-pourquoi ?

Je lève mes yeux larmoyants vers elle, le cœur en miette. J’ai mal… j’ai si mal.

Je ne comprends pas… Je suis perdue. La dernière fois qu’elle m’a regardée comme ça, on venait de se rencontrer, on se détestait. Elle me déteste maintenant ? Pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai fait exactement ? Je suis perdue. Je veux savoir ! Je veux qu’elle m’explique ! Elle est si froide, glaciale, et mon cœur se serre face à ce soleil éteint. Où est mon soleil… ? Ce soleil chaud et doux qui me guidait ? Je n’arrive pas à retenir mes larmes alors que je sens mon énergie partir. Je ne sais pas quoi faire. Je voudrais savoir. Je veux qu’elle m’explique. Qu’est-ce qu’il s’est passé pendant que j’étais en convalescence ? Qu’est-ce qui a fait qu’elle me déteste ? Je pourrais peut-être me faire pardonner ? Il ne faut pas qu’elle décide de me quitter sans même qu’on ait cherché à réglé le problème ! Ce n’est pas juste !

- Arrête de faire ta pleurnicharde.

Hein ? Elle croise les bras, me toise de son regard glacial et je me sens perdre pied. Que… Pleurnicharde ?

- Je n'aime vraiment pas ce côté de ta personnalité... Tout le temps en train de pleurer et être dans mes pattes.

Crac.

- Je suis trop souvent dans des histoires de baston et tu me ralentis trop. Je finis toujours par être blessée à cause de ça... Tu me gènes Lova.

Mes épaules s’affaissent alors que je la regarde, ahurie. Je…la gêne ? Alors c’est ça ? J’avais raison ? Je suis trop faible pour elle ? Je suis trop faible… je la ralentis… Je la gêne. Ses paroles se répète en boucle dans ma tête et je baisse les yeux, ne sachant pas quoi répliquer. Elle a raison… J’ai fait de mon mieux… j’ai tout donné mais ce n’était pas assez… Elle a besoin de quelqu’un de fort… quelqu’un en bonne santé… Quelqu’un moins têtue que moi… Quelqu’un… qui n’est pas dépendant d’elle… J’ai toujours voulu être à son niveau… je voulais qu’elle me voie comme son égale…mais j’ai échoué. J’ai failli mourir… Et c’est rédhibitoire…
Les larmes dévalent silencieusement mes joues et je ne cherche plus à les retenir. Je suis sans voix. Qu’est-ce que vous voulez que je lui dise ? Qu’elle a tort ? Que je suis forte ? Alors que je suis la mieux placée pour savoir que c’est faux… Que des soirs, je repense à ma vie, et que je me dis que sans Kaylee, je ne suis bonne qu’à me laisser mourir. Que je n’ai aucune raison valable de rester si ce n’est, elle. Jusqu’à maintenant, si j’arrivais à me battre c’est parce qu’elle était là. C’est parce que je voulais qu’elle soit fière de moi… Qu’elle me soutienne… Qu’elle me porte… Mais c’est trop de responsabilités pour elle, j’en suis consciente… Et je comprends que ça la fasse fuir… Alors bien sûr… je ne peux pas la retenir.

- Et les gens qui peuvent pas suivre devraient pas venir du tout.

Je baisse les yeux, serrant les poings alors que je renifle disgracieusement. Je suis en train de la perdre… et ça me tue de ne rien pouvoir répliquer ! Je n’ai pas envie qu’elle me laisse. Je ne suis rien sans elle. C’est pour elle que je vis… et si elle ne veut pas de moi alors… Qui ? Qui voudra de moi ? Si c’est pas elle… Pourquoi je reste là ?

- Khéphren.

Le regard rivé sur mes pieds, le cœur en miette, je ne comprends pas tout de suite ce qu’elle cherche à faire en appelant Khéphren. Mais mon regard est attiré par mon pendentif qui commence à se déformer, et perdre de sa lumière. Mes yeux s’écarquillent et mon cœur se brise de nouveau, en même temps que le petit cœur de lumière qu’elle m’avait offert en témoignage de son amour. Son amour qui disparait en même temps. Les sanglots de détresse reprennent de plus belle alors que j’essaye de l’arrêter. J’essaye d’enfermer le cœur, symbole de notre relation, dans mes mains, de l’empêcher de partir. Je ne veux pas qu’elle me le prenne ! Elle ne peut pas me laisser un souvenir ? Juste ça ?! C’est trop demander ? Sans ça je suis…

- N-non… Non ! Ne le prends pas !!

J’essaye de le retenir, la suppliant du regard, mais il se décroche, passe au travers de mes doigts pour rejoindre Khéphren qui l’aspire devant mon visage horrifié. Je lève les yeux vers elle et fond dans des larmes de douleur si puissantes que ma poitrine me lacère, comme des milliers de poignards qui me transpercent et me font mourir sur place. Je m’accroupie, incapable de rester debout tant la douleur m’oppresse.

- Sors de ma vie.

Elle s’avance, passe à côté de moi pour me laisser seule avec mon désespoir. Mes mains viennent se poser sur ma chaîne et la serrer fort contre mon cœur… Ma chaîne sans pendentif. Ma chaîne sans rien. Plus rien. Je n’ai plus rien. Pendant plusieurs minutes, je laisse toute mon désarroi s’exprimer. Un immense sentiment de solitude s’empare de mon cœur et au bout d’un moment, mon expression se vide d’émotion alors que mes larmes continuent de rouler silencieusement sur mes joues. J’ai… tout perdu… Encore… J’étais à nouveau impuissante face à une situation. Encore une fois, je n’ai rien pu faire. Elle est partie en emportant mon cœur sans le savoir. Elle m’a dit des choses atroces qui devrait m’énerver. Je devrais la détester. Mais… je n’y arrive pas. Elle a raison. Tout ce qu’elle a dit est vrai. Je ne peux pas la haïr pour ses mots.
Mais maintenant… C’est mon choix. Je peux la laisser partir, lui confirmant que je suis faible et une pleurnicharde, puis me laisser mourir ensuite. Ou je peux lui prouver le contraire. Lui montrer que je suis capable de la récupérer. J’essuie mes larmes et me redresse, une nouvelle détermination se glissant dans l’expression générale de mon regard. Je vais lui montrer ce qu’est le véritable entêtement. Tu as pris mon cœur. Tu l’as brisé. Mais tu as fait l’erreur de le garder avec toi, Kaylee. Et quand mon cœur est à quelqu’un… Je n’abandonne pas. Parce que malgré ma faiblesse, tu as fait de moi une véritable battante.