[Event multimix] Recherches aux archives 2

Caindell était nerveux. Mal à l'aise. Tout ça lui plaisait de moins en moins. Trouver des informations était une chose, découvrir à quel point elles le rangeaient dans le camp adverse en était une autre. Bien sûr, il avait déjà affronté des démons et des ennemis avec un passé douloureux, mais ils avaient tué volontairement des centaines de personne et aucune blessure ne justifiait ce genre de comportement. Mais ça... c'était différent. Sa seule victime avait été l'utilisation involontaire d'un pouvoir mortel et incontrôlable, et on ne lui avait même pas laissé une chance d'essayer de vivre avec. Ils s'étaient contenté de le coincer dans une boîte, probablement jusqu'à la fin de ses jours si personne ne l'avait aidé à l'évader, et sans doute après l'avoir torturé pour lui retirer son pouvoir.
C'était comme ça qu'on créait des monstres, il en savait quelque chose.
Si Egon tuait volontairement, ce serait tout autant leur faute. Leur responsabilité.
Combien de monstres la brigade magique avait-elle fabriqués ?

Il sursauta quand Krystal s'adressa à lui; S'était-il à ce point détaché de son environnement pour qu'elle arrive à le surprendre simplement en parlant ? En même temps, en perdant sa race, il avait perdu beaucoup de ses capacités en plus de son apparence : une partie de son charisme, énormément de force et, apparemment, ses réflexes et son attention. Tout cela semblait venir de sa nature bien plus qu'il ne le pensait, il n'était pas sûr d'apprécier de le découvrir.

- Oui... Si c'est de lui qu'on doit les protéger...

Plus ils en apprenaient, plus il se demandait de qui ils devaient protéger tout ce monde. Qu'aurait fait Krystal si un de ses élèves s'était avéré être un classe L ? Il était persuadé qu'elle ne l'aurait pas sacrifié ainsi, mais il pensait aussi que c'était le cas d'Andrew et de Dorian... pourtant l'un comme l'autre avaient laissé Egon être enfermé ici. L'un d'eux était même expressément responsable de sa présence. Avec un soupir, Caindell se tourna vers elle, et il sentit une pointe d'orgueil vexé se ficher dans son cœur quand il la vit déplacer le tableau. Évidemment, il aurait dû le remarquer, lui aussi. Était-il devenu si aveugle et si inutile, en perdant ses capacités ?

- Je... vais regarder ailleurs...

Toute cette histoire le secouait bien plus qu'il ne voulait l'admettre. Il avait perdu sa raison même d'exister, du moins dans son monde d'origine, quand on lui avait arraché ses capacité de combattant pour faire de lui un simple soigneur. Il découvrait que leur ennemi n'avait peut-être même pas encore sombré dans la folie et était bien loin du criminel sans pitié qu'on leur avait vendu. Il avait l'impression que ses capacités d'analyse et d'observation avaient disparu avec le reste. Serrant les dents, Cain s'arrêta de marcher en arrivant devant un petit meuble. une serrure le toisait, et il se pencha pour essayer ses clefs une par une. Quand aucune d'elle ne marcha, il balança le trousseau par terre d'un geste rageur.

- Fait chier !

Sa mâchoire se crispa davantage tandis qu'il posait ses mains sur son visage pour tirer sur les mèches blondes qui tombaient devant son visage et calmer ses nerfs. 25 jours, 25 foutus jours qu'il se sentait diminué, différent, privé de tout ce qui faisait de lui... lui. Et maintenant, un stupide meuble lui résistait. Il prit plusieurs grandes inspiration pour se calmer, ramassant la lampe qu'il avait posée sur le meuble, et le trousseau tombé par terre.
Il devait bien y avoir une clef quelque part. Encore. Puisqu'il ne servait qu'à ça, ce soir...

C'était vraiment le pire moment et le pire endroit où péter les plombs, mais il sentait sa résistance s'effriter. Il n'en pouvait pour de cette histoire. D'ordinaire, il avait toujours une arme, ou une manière concrète de résoudre les problèmes. Là, il se retrouvait à patauger avec des pouvoirs de soin qu'il n'avait aucune envie de maîtriser mais qu'il s'était malgré tout forcé à apprendre comment utiliser, sans rien à affronter qu'un inconnu chimérique et bien trop mystérieux. Il soupira malgré la présence de Krystal face à lui. Sa caresse sur sa joue finit quand même par réussir à le sortir de son état second et il releva lentement les yeux vers elle. Et même si ses paroles ne le réconfortaient qu'à moitié, c'était toujours une moitié importante.

Ça ne l'empêcha pas de sentir sa gorge se serrer et ses yeux brûler. Un instant, il crispa la mâchoire pour ne pas craquer, puis il finit par renoncer et passa ses bras autour des épaules de sa petite amie, laissant le stress des dernières semaines reprendre un instant ses droits. Alors il enfouit sa tête dans son cou, s'autorisant à pleurer tandis que ses doigts se repliaient dans le dos de la jeune fille, agrippant légèrement le tissu au passage.

Il ne resta pas comme ça longtemps, simplement le temps de faire passer toute la frustration, la colère et l'impuissance qui lui collaient à la peau en même temps que ses yeux bleus et ses mèches blondes. Puis il s'écarta doucement, caressant tendrement sa joue avant de poser un baiser furtif sur ses lèvres.

- Merci...

Peut-être qu'il avait juste besoin de ça, finalement : le droit de craquer un peu, de se permettre un petit instant de faiblesse pour recouvrer ses forces. Il ne s'y était pas senti autorisé à cause du sort bien pire dont avaient hérité certains de ses camarades ou des habitants de Londres mais, finalement, il avait perdu une énorme part de son identité en perdant sa race et son pouvoir, peut-être bien plus  que ceux qui ne l'avaient que depuis un an ou deux. C'était toute sa vie qu'on lui avait arraché, et il avait juste envie que tout ça s'arrête.

Avec un petit soupir, il essuya ses yeux et s'accorda encore quelques secondes pour retrouver son calme, avant de regard un peu autour de lui. Il se sentait un peu mieux, mais il avait quand même hâte de sortir d'ici, et le moyen le plus rapide était de trouver tout ce dont ils avaient besoin. Il finit par repérer un placard contre le mur, légèrement entrouvert. Sa main glissa un instant contre celle de Krystal, comme s'il n'avait pas du tout envie de se séparer d'elle, mais il finit par s'écarter en direction de sa découverte et y récupérer un trousseau de clefs.
Décidément, c'était vraiment son job principal de la soirée.
Enfin... tant qu'ils progressaient...

Il avait hâte de sortir d'ici, hâte de mettre fin à toute cette histoire. Combien de temps avant qu'Egon soit retrouvé et qu'ils redeviennent tous eux-mêmes ? Mais même comme ça, il n'était pas sûr de vouloir que ce soit la brigade qui le retrouve. Il ne lui en voulait pas assez pour que les récentes découvertes ne le fassent pas douter. Se battait-il vraiment dans le bon camp ? Ça ne l'empêcha pas de récupérer les clefs pour essayer d'ouvrir le meuble que Krystal lui avait indiqué. Peu importe ce qu'ils apprenaient, à un moment ou un autre, le problème devrait être résolu. C'était sans doute mieux pour tout le monde si c'étaient eux qui s'en chargeaient.

En ouvrant le meuble, il trouva un certain nombre de papier qui semblaient contenir des fiches administratives. Des listes de codes d'identifications pour pouvoir fouiller dans les dossiers. Il les parcourut jusqu'à finalement trouver le nom qu'il cherchait. Il n'avait pas la moindre idée de ce que signifiait ce code, à vrai dire, mais Krystal saurait bien quoi en faire, elle avait fait un tour de la pièce et avait sûrement remarqué plus de choses que lui, trop perdu dans sa morosité pour faire vraiment attention.

- Ça dit qu'Egon est le dossier P552. Une idée de ce que ça veut dire ?

C'était sûrement un indicateur pour le retrouver parmi les étagères, ou quelque chose du genre. Considérant qu'il avait obtenu ce dont il avait besoin du meuble, il remit les feuilles en place et referma le tiroir, avant de le verrouiller. Ça ferait au moins une chose qu'il n'oublierait pas en repartant. D'ailleurs, après avoir vérifier les étagères, il constata qu'elles n'avaient pas besoin de clefs, et il retourna donc ranger celles qu'il avait trouvé dans l'armoire au mur, qu'il referma d'un claquement. Dans le pire des cas, ils savaient comment la rouvrir, donc ça n'était pas dérangeant.
En espérant quand même qu'ils pourraient sortir d'ici bientôt.

- Tu trouves quelque chose ?

Bon, ils avaient un numéro de dossier et des informations sur les étagères, donc ils pourraient sûrement trouver ce qu'ils cherchaient rapidement. Tant mieux, parce qu'il était de moins en moins à l'aise dans cet endroit et que plus ils en apprenaient, plus il avait envie de partir. Cette histoire prenait des couleurs nettement moins noires et blanches, et les camps étaient beaucoup moins clairs dans sa tête. Bien sûr, ce qui était arrivé à Egon n'excusait pas tout mais… pouvait-on vraiment le blâmer pour la totalité de ses actions ? Et encore, il ne savait pas encore ce qu'ils allaient trouver dans ce dossiers.

Comme elle semblait savoir où chercher, Caindell referma le tiroir et remit tout comme il l'avait trouvé avant de la rejoindre à côté des étagères pour aller farfouiller dans les dossiers. Le dossier P552, donc. Il fit défiler les dossiers de l'étagère jusqu'à finalement tomber sur celui qui les intéressait.

- Je l'ai.

Il sortit le tas de feuilles de l'étagère et hésita un instant. Est-ce qu'il avait vraiment envie de savoir ce qu'il y avait là-dedans ? Vu ce qu'ils avaient déjà découvert, il en doutait de plus en plus. Mais bon, quitte à être arrivé jusque là, autant aller jusqu'au bout… Il déglutit en attendant que Krystal le rejoigne. Une fois que ce serait fait, ils pourraient s'en aller. Mais il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir mal.

Il aurait probablement dû culpabiliser davantage de s'être introduit dans un bâtiment de la brigade pour leur voler des informations, mais sa colère prenait l'ascendant. Il ne comprenait pas comment ils avaient pu en arriver là, comment la magistrature pouvait trouver tout ça normal ? Comment pouvaient-ils infliger ce genre de choses à quelqu'un et ensuite leur dire que cette personne était dangereuse ? La plupart des monstres étaient créés par les circonstances qui tordaient leur esprit…

Il soupira et finit par ouvrir le dossier. Qu'il le lise ou non ne changerait rien à son contenu : tout cela s'était passé bien des années auparavant. Ça ne rendait pas ça plus acceptable.

Le contenu du dossier était conforme à ses attentes... ou à ses craintes. La magistrature et ses laboratoires rendaient vraiment difficile de vouloir les soutenir et se battre dans leur camp. À mesure que les pages défilaient, les pratiques devenaient de plus en plus barbares et de plus en plus inhumaines, au point qu'il se demanda à quel point la zone magique avait distordu leur humanité, pour qu'ils en arrive à de tels extrêmes. Tout cela ressemblait plus à de la torture pure qu'à de véritables tentatives de résoudre un problème. Une nausée doucereuse s'instilla dans son estomac. Il y avait forcément des manières moins cruelles de protéger tout le monde... Aussi dangereux soit un pouvoir, rien ne justifiait de telles tortures.
Du moins rien dans un gouvernement censé œuvrer pour le bien de son peuple.

Ils avaient considéré la possibilité de lui retirer les cordes vocales, mais seul l'indestructibilité qu'Egon y avait apposé lui-même les en avait empêché. Ce simple concept lui tira un frisson de dégoût. C'était une opération plus dangereuse et barbare encore que le sort qu'ils avaient fini par lui réserver. Combien de chances aurait-il eu d'y survivre ?

Inspirant et expirant plusieurs fois pou se calmer de son mieux, Caindell finit par détourner son regard des papiers le temps que Krystal enregistre tout dans sa mémoire. Il n'avait pas envie de connaître les détails, pas maintenant. Il se sentait encore trop instable pour parcourir ses pages lui-même. De toute manière, elle pourrait les lui résumer plus tard si elle y tenait ; mais c'était sans doute mieux pour tout le monde qu'elle ne le fasse pas. Il n'était pas sûr de pouvoir contenir son instinct s'il apprenait qu'ils avaient fait bien pire que ce qu'il avait déjà lu. L'adolescent qu'était Egon Esper à l'époque était entré dans leurs laboratoires sans s'attendre le moins du monde à ce qu'il y subirait, et ils l'avaient enfermé pour masquer leur propre incapacité à agir. C'était... pathétique.

Cain hocha froidement la tête, raidi par une colère qu'il s'efforçait de juguler. Les injustices rongeait sa patience pourtant extrême, et il préférait effectivement sortir d'ici. Il reposa le dossier et quitta la pièce en prenant la main de Krystal dans la sienne. Il s'efforçait de marcher d'un pas calme et de ne pas serrer trop fort, mais la crispation dans ses doigts restait perceptible.

- Allons-nous en, souffla-t-il en se dirigeant lentement vers l'extérieur, au cas où elle l'arrêterait pour vérifier une dernière chose.

Il voulait juste sortir d'ici et remonter à la surface, pour se rappeler que ce monde n'avait pas totalement sombré.