Du fond du cœur [feat. Kaylee]

Parfois, je me demande vraiment ce qu’il lui passe par la tête. Je comprends qu’elle veuille me protéger et ça me fait plaisir mais…elle aurait pu éviter de se retrouver dans cet état…non ? Je soupire alors que j’attends, assise à son chevet, pendant qu’elle dore sous les lampes UV de Miss Gros Nichons. Pas de réactions depuis 3 jours. Elle a repris des couleurs, ce qui est bon signe mais sa température reste basse et son rythme cardiaque est lent… comme si…elle était dans un coma ou dans une hibernation bizarre…

Tous les soirs, on me demande de retourner dans ma chambre pour me reposer, sauf qu’y aller et me retrouver seule avec Jordan, c’est pas ouf… Je préfère dormir à son chevet, même si ce n’est pas le top du confort. Alors je finis souvent par m’endormir, en boule dans le petit fauteuil, à me réveiller toutes les 5 minutes. Mais la seule chose qui change c’est son teint. Pareil pour les trois petits monstres…

Après ma connerie, je me sentais seule mais au moins je savais qu’elle allait bien. Mais là… c’est encore pire. Je sais que ce n’est pas vraiment de ma faute… mais je me demande parfois si ça aurait été différent si je n’avais pas été dans ses pattes. Maintenant… je ne peux faire qu’attendre qu’elle se réveille, et espérer qu’elle me pardonne pour toutes mes conneries.

Le soleil commence à tomber et je sais qu’une infirmière ne va pas tarder à venir me voir pour me demander d’aller me reposer. Mais je refuse d’être absente si elle se réveille. Je veux être là, et je veux être celle qui prendra soin d’elle. Plus ça va, plus je commence à me demander si ce ne serait pas une bonne idée que je devienne…je sais pas…l’apprenti ou la stagiaire de Gros Nichons. Enfin, l’aider quoi… seulement… ça ne m’intéresse que si c’est Kaylee qui a besoin de soins… J’suis vraiment une horrible personne en fait.

Je soupire encore quand j’entends un marmonnement. Je me redresse sur mon siège et observe la fille que j’aime. Quand je vois ses yeux à demi ouverts et sa tête bouger très lentement, mon cœur se met à accélérer et je sens mes yeux me picoter.

Ce n’est pas le moment de pleurer Lova !

J’essaie de garder mon calme, de ne pas lui sauter dessus, et vient m’assoir doucement sur le rebord de son lit. Elle a vraiment repris des couleurs… je suis contente. Un petit sourire soulagé se dessine sur mon visage et j’attrape sa main.

- Kaylee… Tu m’entends ? Tu peux parler ?... Comment tu te sens ?

Je ne sais pas si elle me voit… ni si elle m’entend… Mais je devrais peut-être prévenir quelqu’un qu’elle s’est réveillée ? Il faut peut-être lui donner quelque chose ?

Les changements sur son visage sont infimes. Elle a l’air encore très faible alors qu’elle cligne des yeux et tourne la tête très légèrement vers moi. Elle me voit ? Je n’arrive pas à savoir. Mon expression redevient inquiète. Elle m’entend ? Il faut que je me rapproche ? Je sens sa main se serrer très légèrement autour de la mienne. C’est minime, sans aucune force. Quand je réalise l’état dans lequel elle est…à cause de moi… mes yeux me picotent de nouveau et rapidement, d’un revers de manche, j’essuie mes larmes avant même qu’elles ne tombent.

Ne pleure pas !

Je la vois, je devine qu’elle tente de bouger sans que rien ne se passe et j’inspire, allant doucement caresser sa joue avec ma main libre, dans l’intention de l’apaiser.

- Repose-toi… Tu es encore faible… Il faut que tu sois patiente.

Je retire ma main en me souvenant de choses désagréables. On n’est plus ensemble. Je ne sais même pas si elle se souvient de ce que je lui ai dit. Ça se trouve, elle ne se souvient de rien. Et dans ce cas, elle doit me détester… Mon cœur bat à tout rompre alors que je commence à avoir peur de sa réaction, une fois qu’elle sera maitresse de ses mouvements. Je veux être avec elle. Je regrette tout ce que j’ai fait. Mais qui me dit que c’est son cas ?

Je déteste la voir dans cet état, je déteste la voir faible. Et savoir que c’est de ma faute me fait de la peine. La balle, Jormungand, maintenant le combat contre Lena… J’ai peur d’avoir une idée de jusqu’où elle pourrait aller pour me protéger. Et je refuse qu’elle mette sa vie en danger pour moi… Parce que je ne le mérite pas vraiment. Elle resserre sa main autour de la mienne alors que j’arrive à lire dans son regard qu’elle refuse d’accepter son état. Du Kaylee tout craché… Je soupire alors qu’elle retente de se redresser.

Doucement, d’une main, je l’incite à se rallonger. Elle a l’air agacée. Elle ferme les yeux, abandonnant. Je souris doucement et retire ma main de son buste. Je préfère quand elle devient raisonnable. Elle ne va se faire que du mal à tenter quelque chose d’impossible.

- .. Ah.. hm...

Elle tente de parler mais ça ne marche pas non plus. Elle était vraiment si mal que ça ? Ça me fait me rendre compte de la gravité de ce qu’il s’est passé. Tout ça…à cause de moi… Je baisse les yeux alors que je me bats de nouveau contre les larmes. Comment je peux la regarder dans les yeux au juste ?

- …Pardon…

Sans lui lancer un regard, immobile sur le matelas, je murmure d’une petite voix. Elle a le droit de m’en vouloir. Elle a tous les droits dans cette histoire.

C’est moi qui ai rompu. Puis je me suis mise dans ses pattes et l’ai gênée dans son combat. Kaylee est une sauveuse. Qu’elle m’aime ou pas, elle m’aurait protégée, quoiqu’il arrive. Elle aurait fait la même chose pour quelqu’un d’autre. Et je l’ai juste mise encore plus en danger. Rien que par ma présence. Elle sert ma main à nouveau, mais je ne peux pas la regarder. Elle va me dire que ce n’est pas de ma faute… Elle va dire ça pour me rassurer. C’est ce qu’elle fait toujours. Elle n’aime pas faire souffrir les autres après tout. Mais je sais tout maintenant, et elle ne pourra pas me faire croire le contraire.

- Tout est de ma faute…

Je ne peux plus les retenir. Je me sens tellement coupable. Moi qui voulais juste l’aimer et qu’elle m’aime en retour, puis vivre une petite vie heureuse… c’est moi qui la mets le plus en danger… J’ai vraiment la poisse en fait… Je ne lève pas mon regard vers elle, mon visage continue de s’affaisser au fur et à mesure que les larmes coulent sur mon visage rougit par la culpabilité.

- Toutes les fois où tu t’es mise en danger… toutes ces fois, c’était à cause de moi… Et encore maintenant… tu ne serais pas là si je n’étais pas venue… Si je ne m’étais pas mise dans tes pattes… Pardon… Pardonne-moi…

Toutes les merdes qui m’arrivent, je les mérite. Je mérite qu’elle ne soit plus avec moi. Je mérite qu’elle me déteste. Ça m’énerve qu’elle cherche à me protéger. Elle ne devrait pas. Elle peut protéger n’importe qui d’autre ! Pas moi. Parce qu’un jour, je finirais par la tuer sans le vouloir… Et quand ça arrivera… Je vivrais avec ça sur la conscience. Je serais la fille qui a causé la mort de celle qu’elle aime. Je suis maudite. Les anges ont raison, un cupidon ne doit pas tomber amoureux…

Mais quand je sens son pouce caresser ma main, les frissons qui parcourent mon corps alors qu’elle tente, à sa mesure, de me rassurer, je sanglote de nouveau. Je ne peux pas y échapper. Je ne peux pas lui échapper. Elle peut vraiment faire ce qu’elle veut de moi. Et si elle me jette, alors ça me va.

- Lova…

Mon cœur manque un battement quand j’entends mon prénom sortir de ses lèvres. Je redresse mon visage pour voir ce petit sourire discret sur son visage. Pourquoi ? Pourquoi tu souris ? Je ne comprends pas.

- Pourquoi tu souris ? Jormungand… la balle… Lena… Tout ça c’était pour moi, pas vrai ? Je le sais. Iris me l’a dit. Mais qu’est-ce que je fais, moi, si tu finis par disparaitre parce que tu auras voulu me protéger ? Tu m’effraies. Tu me fais si peur…

Elle ne peut pas me répondre, bien sûr. Elle se contente de me faire un sourire désolé et de caresser ma main. Comme si…comme si elle m’incitait à continuer. Ce qui me surprend. Certes, elle ne peut pas me répondre, mais habituellement, elle cherche à me faire taire. Est-ce que je peux vraiment tout dire ? Elle est fatiguée, non ? Et pourtant, j’ai le sentiment que je n’aurais pas d’autres occasions. Alors je craque. Je fonds en larmes et, serrant sa main dans les miennes, je me lance.

- Mais tu sais… Je regrette tout ce que j’ai dit la dernière fois… Je ne savais plus quoi faire… Je voulais me débrouiller seule… Mais ces derniers jours ont été horribles… Tu avais tort sur certains points mais, je sais que tu avais aussi raison sur d’autres… Et je veux m’excuser… Je regrette d’avoir rompu… je regrette de t’avoir caché des choses sur moi, juste parce que j’avais l’envie égoïste de me débrouiller toute seule… Je…t’ai caché tellement de choses alors qu’on était censée être ensemble… Et je ne veux plus avoir de secret.

Je renifle, venant essuyer mon nez avec ma manche et reprends après avoir repris sa main dans la mienne, mes yeux rivés sur ses doigts que je tripote nerveusement.

- Je…je t’aime… Et je n’ai jamais eu l’intention de jouer avec toi… J’en suis incapable… Mais si tu ne peux pas me pardonner…

Si elle ne peut pas me pardonner… alors je m’effacerais. Je l’ai déjà fait auparavant. Je peux le refaire. Je ne peux pas la forcer à m’aimer. Je veux que ça vienne d’elle. Je veux qu’elle m’aime malgré mes défauts. Et je sais que j’en ai… ça oui. Je me tais. Je ne peux plus rien dire. Pourquoi j’ai toujours aussi peur de lire son regard ? Peur de connaitre ses véritables sentiments ? Je la connais sans la connaitre. Elle est imprévisible et je ne peux pas prévoir ses réactions. La preuve… jamais je n’aurais pu imaginer voir une lueur se former entre nous.

Mon regard se pose sur la petite boule de lumière. Mes larmes se tarissent sous la surprise. Elle est petite, mais bien visible. Petit à petit, elle se déforme, comme de l’eau qui ne serait plus victime de la gravité. Et doucement, elle laisse deviner un cœur, faisant s’arrêter le mien. Bouche bée, incapable de dire quoique ce soit, j’observe le cœur se rapprocher de moi, illuminant mon visage. Il se dépose dans mes mains que je ramène contre ma poitrine, le serrant doucement contre moi alors que les larmes coulent de nouveau.

Je lève mon visage vers elle, voit son sourire, et je le lui rends. Un rire mêlé à un sanglot s’échappe de mes lèvres et d’une main, d’un revers de manche, j’essuie mes larmes de joie.

- Toi aussi ?