Léandre avait sa guitare à la main. Daniel était sortit, vers une aventure mystérieuse mais le finlandais ne lui avait pas posé de questions, les deux adolescents respectaient l’intimité de chacun et leur liberté, si Daniel voulait lui dire où il se rendait, alors il lui disait. Ainsi, le jeune homme avait prit l’initiative d’appeler son frère par skype et de lui parler un peu, ne s’étant pas rendu au bal de fin d’année. Il ne savait pas s’il verrait Tobias une fois de retour en Finlande, puisse que son ainé faisait des études de pilote et devait avoir des permissions pour sortir de la caserne. Des permissions qu’il se réservait pour des occasions.
Le visage de l’ainé fit tout de suite sourire l’adolescent. Le genre de sourire doux et sincère qui évoquait toute l’admiration et l’affection qu’il avait pour son frère. Tobias monopolisait un peu la conversation mais cela ne dérangeait aucunement son frère qui riait souvent, sa voix grave s’adoucissant alors qu’il échangeait avec Tobias. D’ailleurs, l’ainé ne fit aucun commentaire sur les cheveux argentés de son cadet, se disant que c’était une nouvelle lubie, après le style victorien, la teinture de cheveux, autant être fou pendant qu’on n’était jeune, n’est-ce pas ? Le meilleur ami de Tobias se manifesta à l’écran, saluant Léandre. Le concerné perdit son sourire, reprenant un air de contenance avant de saluer à son tour l’ami de son frère. C’était ce même garçon qui lui avait fait son tatouage. Trois séances de cinq heures chacun où il avait planté des aiguilles dans son dos. A quatorze ans, autant dire que c’était la plus grosse bêtise qu’il ait pus faire de sa vie et que son frère ait aidé à faire, mais le résultat lui a énormément plu et Léandre aime toujours autant son tatouage, bien qu’il soit l’un des seuls à connaitre son existence. Alors, rien que pour ça, Léandre faisait des efforts pour être aimable avec ce garçon.
La conversation était plaisante et Léandre avait prit sa guitare pour jouer un morceau à son frère (et tout ses camarades de chambre du coup), mais son don raciale combiné à sa voix entrainée et professionnelle n’avait déplu à personne. C’était dans ces moments là qu’il pouvait voir une lueur de fierté dans les yeux de son ainé. C’était le genre de soirée que Léandre préférait ; du calme, son frère, de la musique. Il n’avait pas besoin d’aller dans un bal. Surtout un bal avec un DJ. UN DJ ! Mais quelle idée de mettre un DJ alors qu’ils auraient pu mettre un orchestre ? Un bel orchestre avec tous ces instruments vernis à neuf, le son sortant de toute leur pureté à travers le souffle et les cordes. Voir la concentration et la grâce dans les yeux et les mains des musiciens. Sentir son corps vibrer au rythme de la source même d’une harmonie auditive. Mais non, les organisateur se sont dis qu’un Dj serait plus « adéquate », autant dire que le jeune homme ne poserait JAMAIS les pieds dans ce foutu bal incapable de faire les choses correctement. En plus avec le thème, un Dj …
En y repensant, le jeune homme ne pouvait pas s’empêcher d’en parler à son frère qui essaya de ne pas rire. Pour lui, la musique le dépassait, il comprenait la réaction de Léandre, mais s’amusait à voir la frustration de son cadet tel un enfant qu’on aurait refusé un jouet. Lorsque la Muse eut terminé sa petite colère, Tobias lui intima entre l’amusement et la curiosité :
_Ce n’est pas juste pour un Dj que tu n’y es pas allé j’espère. Aller avoue, tu n’avais pas de cavalière.
Léandre fronça les sourcils. Evidemment qu’il n’en avait pas, mais il aurait pu y aller tout seul. Et en effet, il y avait d’autres moteurs à sa retraite dans sa chambre, déjà, le Dj, ensuite, la foule et finalement la fête. Les seuls festivités qu’appréciait Léandre étaient les réunions de famille, autrement, il aimait passer les fêtes derrière les coulisses, être le chef d’orchestre, le garçon qui essaie de passer inaperçu et qui ne veut parler à personne. Ça, Tobias le savait bien, mais espérait que changer d’air allait également aider son frère à changer. A Londres, il était beaucoup moins connu, voir anonyme, par rapport à leur pays où Léandre avait tout de même gagné plusieurs émissions de télévisions et élu meilleur voix sur plusieurs années. Mais non, apparemment l’adolescent n’avait fais aucun progrès, même l’idée d’en faire ne semblait pas lui avoir traversé l’esprit. Pour ne pas rester sur cette note déconcertante, le futur pilote changea de sujet, parlant de leurs cousins qui s’impatientait de les revoir en France. Ils avaient déjà prévu un match de basket contre leurs parents. Léandre se remit à sourire, comme si la joie était un sentiment naturel sur son visage.
Puis, l’écran de son téléphone s’illumina. Bien que Léandre regardait rarement son téléphone, n’étant pas friand de la technologie et des communication texto, il avait l’impression que c’était important. Surtout qu’il n’y avait que très peu de personne pour lui envoyer un sms à cette heure-ci, et de toute façon, toutes les personnes ayant son numéro était importante.
Tout en écoutant son frère parler, la Muse agrippa son téléphone et l’alluma, le nom « Edelweiss Wintenberger » s’afficha et le jeune homme fronça des sourcils. Il savait qu’elle était au bal et était certain qu’elle devait s’amuser avec ses amis. Alors pourquoi est-ce qu’elle lui écrivait ? Redoutant un peu le message qu’il allait lire, le jeune homme l’ouvrit et les lettres firent échos dans sa tête :
« Je ne sais pas quoi faire ... »
Prenant son téléphone des deux mains, il écrivit aussi vite qu’il le put :
« J’arrive. »
Léandre se leva de sa chaise avec rapidité et commença à partir, ne prenant ni de veste, si de sac. Il n’en avait ni le besoin ne le temps. Il mit son portable dans sa poche. La voix de son frère retentit à travers son ordinateur :
_Hé ! Tu vas où ? Il y a un problème ?
Le jeune homme avait complètement oublié le reste du monde, même son propre frère. Il se tourna vers son objet électronique, le regard sévère et sérieux, il revint hâtivement sur ses pas. Il se pencha au dessus de son ordinateur, laissant Tobias voir deux pupilles bicolores d’un sérieux presque colérique orner le visage de son cadet. Léandre parla d’une voix ferme et grave, le genre de voix qu’il prenait rarement envers son frère dont le ton voulait tout dire :
_Désolé Tobias, je te rappel demain, promis.
_Non, att-
Mais Léandre raccrocha rapidement et ferma son ordinateur portable avant de sortir d’un pas hâtif, claquant sa porte derrière lui, ne prenant même pas la peine de la fermer à clé. Il savait où trouvait Edelweiss, bien qu’il ne savait rien d’autre. Il ne savait pas ce qu’elle avait, si elle était en danger, si elle avait eut un accident, si elle était témoin d’un accident. Il ne pensait à aucun moment que ce message était écrit par hasard, la demoiselle était le genre de personnalité qui n’aimait pas déranger ou sentir qu’elle dérangeait les autres, elle n’aurait jamais envoyé ce message parce qu’elle s’ennuyait dans un coin de la pièce. Quelque chose n’allait pas.
Se trouvant presque lent, Léandre se mit à courir lorsqu’il quitta le bâtiment. Il savait où se trouvait le bal et donc où se trouvait sa partenaire. Il aurait du prendre sa guitare s’il devait utiliser ses pouvoirs … Bon sang ! Pas le temps de faire demi-tour !
Arrivé dans le manoir où la fête battait son plein (enfin … le Dj du moins), Léandre reprit contenance et commença à s’engouffrer en marchant, mais marchant toujours avec vigueur. Sa tenue d’aujourd’hui collait presque avec le thème et il se fit discret entre les princesses-guerrière et les elfes-barde. Ses pas le conduisirent à la grande salle principale où il y avait foule. Dieu qu’il n’aimait pas ça. Les seuls moments où Léandre tolérait voir autant de personnes, c’était lorsqu’il était sur scène et que les lumières étaient éteintes sur le public, il devinait le monde fou mais ne le voyait pas. Là, il les voyait tous. Tous avec leur voix incessantes, leurs pas grouillant de partout tel des petites fourmis travailleuses, leur yeux qui le dévisageaient parfois, et ce bruit, ce bruit insupportable de chahut, de talon contre le sol, et cette musique sifflante qui sortait des haut parleurs comme si on écoutait un classique avec un vieux casque à moitié décédé. C’était une horreur. Mais le jeune homme dut se reprendre et commença à s’initier doucement dans la pièce, cherchant rapidement Edelweiss des yeux. Avec tous ces costumes, il aurait peut-être de la peine à la retrouver … Le jeune homme continua à avancer en prenant son téléphone dans la main, prêt à envoyer un message à la demoiselle pour savoir où elle se trouvait, mais au même moment, ses yeux s’arrêtèrent sur un pétale vert pastel qui semblait presque se ternir à coté des lumières. Pourquoi avait-elle l'air si triste ?
Léandre s’avança doucement vers Edelweiss, reconnaissable entre mille avec son oiseau sur son épaule et parce qu’elle était elle. Arrivé à sa hauteur, il attendit qu’elle lève les yeux vers les siens. Ses yeux semblables à une douce pluie qui annonçait un arc-en-ciel semblaient plutôt annoncer un déluge à cet instant. Pourquoi était-elle si triste ?
Le visage du jeune homme était sans émotion, comme toujours, mais c’est ce qui lui servait de barrière quand quelque chose n’allait pas. Il se rendait bien compte qu’il s’inquiétait pour la demoiselle et qu’elle n’allait pas bien. Sans la toucher ni détourner les yeux, il resta a sa place, immobile, et lui affirma de son ton habituellement détaché, mais utilisa le français pour lui signifier son entière présence :
La petite fleur des neiges avait le regard vitreux. Le vide dans ces pupilles qu’une lueur commençait doucement à se dessiner alors qu’elle le regardait. Comme si elle se réveillait d’un étrange rêve. Oui, il était là. Mais quoi d’autre ? Que pouvait-il faire pour qu’elle perde l’eau nocturne logé dans ses iris ?
Edelweiss baissa la tête avec lenteur, comme si une force s’abattait sur sa personne. Elle murmura quelque chose que le jeune homme n’avait pas bien distingué à cause du bruit environnant. Voilà pourquoi il n’aimait pas la foule, on ne pouvait même pas s’entendre parler ! Léandre eut un soupire discret en échangeant un regard avec l’oiseau posé sur l’épaule de la demoiselle. Il lui esquissa un sourire, lui faisant comprendre qu’il ne partirait pas tant que sa maitresse n’irait pas mieux car il était là. Il état là pour elle, avec elle, il était venu sans se poser de questions, sans lui poser de question. Il était là, présent, prêt à l’écouter, prêt à lui parler, prêt à être son ami. Il était là et il le resterait.
Léandre s’accroupit pour pouvoir voir le visage de la demoiselle, mais même ainsi il avait du mal à distinguer ses pupilles couleurs de pluie. Il ne comprenait pas pourquoi elle l’avait appelé, mais il y avait bien un souci. Elle était là, assise sur cette chaise, seule, triste. Elle ne voulait certainement pas le regarder si elle avait baissé la tête, mais lui en avait égoïstement besoin. Il avait besoin de desceller son trouble, le comprendre de lui-même pour qu’elle n’ait pas besoin de parler. Mais également lui montrer qu’elle n’avait pas besoin de sa cacher avec lui. Si elle voulait pleurer, crier, se défouler, elle le pouvait. Il ne la jugerait pas, il ne la regarderait pas autrement. Il était là pour elle. Délicatement, il porta sa main au menton de la petite fleur et la souleva avec toute la douceur dont il pouvait faire preuve pour qu’elle le regarde. Il prendrait le temps qu’il faudra, la patiente qu’il faudra, la délicatesse qu’il faudra, mais il finirait par faire retrouver le sourire à sa partenaire.
Un sourire rassurant se dessina doucement sur les lèvres du finlandais, puis, il porta la main qu’il avait utilisé pour relever le menton d’Edelweiss à une des mains de la demoiselle, enlaçant sa paume dans la sienne avec bienveillance. La main de l’allemande semblait si petite dans la sienne malgré ses fins doigts. Bien que Léandre avait déjà prit sa main auparavant, il n’avait jamais remarqué à quel point elle était petite et douce. Une fois qu’il eut l’attention de sa partenaire, il lui répéta, le ton doux et le visage bienveillant :
_Je suis là …
Doucement, il prit de sa main libre le verre de la demoiselle et le posa sur un élément en hauteur le plus près d’eux. Il n’était pas la meilleure personne pour rassurer ou réconforter, mais c’était lui qu’elle avait appelé et non ses amies. Il ne savait pas pourquoi et ne comptait pas le lui demander. Cependant, il était certain d’une chose, si elle voulait parler, pleurer ou simplement se taire, il était mieux de le faire dans un lieu calme, loin des retards interrogateurs des personnes présentes, surtout que la sensation de festivités, alors qu’on avait juste envie de s’enterrer, enfonçait les émotions négatif qui nous submergent, c’était ce que le jeune homme pensait du moins. Léandre se redressa, prenant les deux mains de la demoiselle dans les siennes et la tira doucement vers le haut pour qu’elle se relève à son tour.
Son sourire se dissipa peu à peu alors que ses yeux firent rapidement le tour de la silhouette de la demoiselle. Léandre ne saurait dire pourquoi, mais il trouvait que la robe de la jeune fille faisait ressortir une beauté qui était pourtant déjà bien visible. Fidèle à elle-même, sa robe était claire, d’un léger vert pastel qui tirait vers le blanc à certain plis du tissu. Des dentelles étaient délicatement posées sur le buste du vêtement alors qu’un fin et délicat châle était accroché à sa poitrine par une émeraude rappelant le pelage magnifique de son oiseau. Ses frêles épaules étaient nues où seulement les discrètes bretelles de sa robe avaient leur place. Une ceinture de la même couleur que son bijou marquait sa taille avec finesse alors que des perles y étaient nouées laissant un rappelle à son collier fait de ruban et de perles. Ce collier par ailleurs descendait harmonieusement sur ses clavicules tout en laissant son grain de beauté en évidence de manière galante et charmante. Elle portait de ravissants escarpins bleutés quasiment argentés comme de la glace face au soleil qui la grandissait plus qu’à l’accoutumé. Ses cheveux étaient coiffés d’une tresse haute, laissant la moitié de sa chevelure libre sur son fin dos. Ses mèches détachées étaient délicatement ondulées tel le mouvement des rubans aux grés du vent, comme s’ils avaient toujours été ainsi. Son visage était ainsi plus dégagé, Léandre pu voir d’avantage la subtilité de ses traits. Il n’avait jamais remarqué l’ovale de son visage toujours caché par ses mèches châtains qui les encadraient constamment, ni même son fin nez que sa frange venait chatouiller presque jalousement. Il n’avait pas non plus remarqué la petitesse de ses oreilles dont des bijoux avaient prit place. Son cou, fin, délicat, qu’il avait trouvait trop orgueilleux par le passé par son port de tête, invitait presque à la tendresse de délicats baisers.
Les secondes avaient défilé alors que le regard de Léandre avait parcourus le visage de sa partenaire. Un trouble étrange traversa tout son être pendant une fraction de seconde, une fraction de seconde où il avait trouvé Edelweiss plus belle que la lune elle-même. Mais cela était prétentieux et infondé, de quel droit pouvait-il penser cela ? Pourquoi avait-il pensé cela ?
Silencieusement, il adressa un regard à Juwelen. Il n’arrivait pas à voir les expressions faciales de l’oiseau mais se doutait qu’il ne devait pas être mieux que sa maitresse. Le finlandais caressa doucement le cou de l’oiseau pendant quelques instants, gardant une main de l’allemande dans la sienne. Puis, son regard revint sur la demoiselle et il la regarda un instant, se questionnant sur son trouble.
Sans un mot, Léandre la tira doucement vers lui en faisait des pas en arrière, puis, lorsqu’il sentit qu’elle pourrait avancer, il se tourna vers la grande salle, regardant les adolescents profiter de la fête. Il marcha d’un pas lent vers la sortit, faisant attention que personne ne vienne les approcher de trop pour ne pas les bousculer. Sa prise bienveillante sur la main d’Edelweiss était en contradiction avec son visage froid, presque sévère, ignorant les personnes qui pouvaient s'interroger sur leur possible départ.
Une fois hors de la salle infernale, le jeune homme continua d’entrainer la demoiselle à travers les couloirs, cherchant un endroit tranquille, mais même les couloirs semblaient être indéniablement occupés par des groupes. Allons, il y avait bien un endroit où ils pourraient être au calme ?
Finalement, les pas du jeune homme s’arrêtèrent sur une pièce entrouverte et sombre. Il poussa doucement la porte qui grinça légèrement, fit un pas pour entrer et regarder si elle était vide. La pénombre l’empêchait de voir parfaitement mais assez pour constater qu’il n’y avait personne. Doucement, il fit entrer sa partenaire et la fit asseoir sur une sorte de banc en satin rouge collé au mur avant d’aller refermer la porte, laissant tout de même une légère ouverture pour ne pas être complètement coupé du monde, ne pas être privé de lumière artificiel et entendre la musique de la grande salle.
La pièce était en longueur, plus petite que la grande salle, mais assez spacieuse, comme une salle de réception ou un grand salon dans les vieux manoirs. D'immenses fenêtres à tonalités dorées longeaient le mur donnant sur l’extérieur. Les lustres dorés aux lampes de cristaux étaient complètements éteints, laissant pour seuls sources de lumières les rayons de lune. Ces derniers frappaient les carreaux immaculés qui formaient l'ombres des cadrant des fenêtres se reflétant sur le sol froid mais presque magique par ces couleurs bleutés, calmes et apaisantes. Des fins filets clairs pouvaient s’apercevoir dans la pièce par la réfraction de la lumières sur les cristaux des lustres. Bien que la pièce était plongée dans le noir, elle n’était aucunement inquiétante, elle semblait même chaleureuse et accueillante telle les bras d’une mère. Seuls, leurs pas raisonnent dans la pièce comme un souffle intime. Maintenant, la demoiselle pouvait se confier, ou pleurer. Léandre serait le prêtre qui bénirait ses larmes, effacerait sa souffrance comme effacer ses pêcher dans ce confessionnal improvisé mais d'un charme mystérieux. Il vint s’asseoir à ses cotés, le dos droit, les mains sur ses cuisses, regardant la lune à travers les vitres limpides de la pièce.
Léandre continua de fixer la lune en dehors, mais écouta contentieusement sa partenaire. Il était là pour ça. Mais il ne savait pas quoi dire, pas quoi faire. Il n’était pas le genre de personne sur qui on venait pleurer et il n’en avait pas vraiment eut l’occasion depuis le départ de Jade dans sa vie. Serah a toujours été vaillante, elle n’avait pas besoin qu’on la protège, qu’on s’inquiète pour elle, elle ne pleurait pas, elle souriait à la vie, toujours. Tobias aussi. Son grand frère a toujours été fort. Il n’avait peur de rien et encore moins de se faire mal. Les sensations fortes, le grain de folie, la vitesse, c’était ce qui animait sa vie. Il gravissait les montagnes, il explorait les mers, il chevauchait le ciel. Il n’a jamais eut besoin du soutient de son cadet. Léandre n’était pas certain que sa seule présence suffirait à apaiser Edelweiss, mais il essaierait. Il ferait tout ce qu’il pouvait pour elle.
_Je ... Je ne sais pas comment me comporter avec Melody après avoir refusé ses sentiments... Et je ne veux pas me disputer avec Naomi pour avoir fait de la peine à sa sœur.
… Quoi ? Léandre se mit à cligner des yeux. Il aurait dû se douter qu’il n’y avait que les sentiments en rapport avec les relations humaines pour tant perturber une personne. Mais il ne s’attendait pas vraiment à entendre cela. Edelweiss a eut une déclaration d’une de ses amies, proche apparemment, et une autre personne qu’elle apprécie est mise en cause. Le jeune homme se mit à analyser la situation, essayant de comprendre cela comme si c’était une équation mathématique, mais il savait bien dans le fond que les sentiments n’étaient pas une équation. C’était un mystère. Un peu comme de la magie. Magie qu’il savait manipuler et pourtant, une magie dont il ne comprenait rien. Il sait pourtant qu’il en a, des sentiments, mais ne les écoutait pas, ne les exprimait pas et ne les comprenait pas. Qu’est-ce que ça faisait … d’avoir peur de faire de la peine aux autres ?
_Je ne veux blesser personne ... Je ...
Qu’est-ce qu’on ressentait comme chagrin ? Qu’est-ce que ressentait Edelweiss ? devait-il avoir ressentit cela pour comprendre ? Etrangement, même si l’allemande avait ce petit coté « je veux être parfaite », ne se disputer avec personne, montrer une imagine irréprochable de sa personne, elle était beaucoup plus sentimentale qu’elle ne le montrait. Il l’avait deviné depuis un moment que tout n’était pas façade. Edelweiss avait de grande qualité qui pouvait la rendre irréprochable et il n’était pas étonnant qu’on puisse l’aimer.
Edelweiss avait la voix embrumée et s’était tût. Mais elle n’avait sans doute pas terminé de parler. Léandre lui laissait le temps qu’il lui fallait pour s’exprimer. Elle avait su être patiente avec lui depuis leur arrivée ici, supporter sa froideur, le fait qu’il puisse être aimable avant de redevenir un bloc de pierre, le fait qu’il ne parlait jamais de lui, de ce qu’il pensait, ressentait. Il ne savait pas encore pourquoi elle l’avait appelé, lui, puisse qu’il savait qu’elle avait des amis. Mais c’était lui alors il serait là.
_Dis ? Est-ce que tu te souviens de la fontaine? Ce jour là je me sentais perdue aussi ... Mais grâce à toi, je me suis sentie mieux …
Le souvenir de ce moment lui revint en mémoire automatique et le jeune homme exprima un léger frisson. Mais ce n’était pas un frisson désagréable, au contraire, il avait l’impression que le soleil de cet après midi venait de chatouiller sa peau à travers ses vêtements. C’est vrai que l’allemande était triste à ce moment là également. Perdue. Se disant qu’elle allait sans doute ne pas revenir l’année prochaine. Ce jour là, il avait réagit sans réfléchir, pour consoler sa partenaire, cependant, il était rapidement redevenu le garçon qu’elle avait toujours connu. C’était pour cela qu’elle l’avait appelé, lui, maintenant ? Au moins, serait-il capable de cesser de se tourmenter avec sa peur irrationnelle de l’abandon, laisser son masque et parler avec son cœur comme il le faisait avec les gens qu’il aimait ? Edelweiss n’en faisait-elle pas parti à présent ? Même si elle n’avait pas les deux pieds dans le territoire de son cœur, elle avait franchis un trop long chemin pour que les portes lui restent fermées. Plus la jeune fille parlait, plus Léandre avait du mal à rester focalisé sur son analyse, comme si sa voix l’amenait doucement vers elle. _Je ... Toutes ces histoires de magie ... Je suis fatiguée ...
Le regard de Léandre quitta finalement la fenêtre pour se poser sur sa camarade. Sa jolie voix devenait de plus en plus tremblotante et faisait un triste écho dans la pièce, donnant la douce impression que même les murs qui les entouraient partageaient sa peine et la couvaient pour essuyer ses larmes. Même la pièce semblait davantage la comprendre que le jeune homme à ses cotés. Pourtant, il essayait, et la voir ainsi lui serrait la poitrine comme si on appuyait fermement sur sa cage thoracique. Ce pincement devenait de plus en plus fort lorsqu’il se tourna vers l’allemande. Une étrange sensation s’immisça en lui ; voir son visage empli de tristesse semblait l’attrister également. Etait-ce … de la compassion ?
_En Avril j'ai cru ... J'ai cru ne jamais trouver de répit ... Les monstres apparaissaient partout ... Il fallait toujours les combattre ... Chaque jour était ... douloureux ...
Avril … Les monstres, l’absorption de leur pouvoir contre d’autres. Ils ont tous faillis mourir, plusieurs fois, Serah a été mise en danger et tout Londres également. Léandre aurait pus en garder de très mauvais souvenir, mais il se rappelait également de sa petite mascotte qui s’est en est allé en même temps que les autres. Il lui manquait.
Edelweiss se crispa sur elle-même, enrôlant ses doigts sur sa robe alors qu’un fin voile vint recouvrir ses yeux, un voile salé et translucide qui ne demandait qu’à fuir de cette âme tourmentée. Léandre la regardait sans un mot, sans une expression, même si quelque chose au niveau de sa poitrine se compressait et, il commençait à sentir des vibrations dans tout son corps, partant de son cœur et s’étendant jusqu’aux extrémités de ses membres. Ça faisait mal …
_Nia sur un lit d'hôpital ... Et je ne pouvais rien faire pour l'aider... Alors je... Je voulais tellement mettre un terme à cette histoire ... Mais j'ai eu peur ... Et j'ai égoïstement entraîné Naomi et Melody ce soir là ...
Nia … Naomi … Mélody … Ces noms ne lui étaient pas étranger et certainement leur visage non plus puisse qu’il était avec eux ce jour là. Le prénom de Naomi lui rappelait d’avantage une personne plus que les deux autres filles. Il voyait souvent la demoiselle avec les mêmes filles, surtout une en particulier. Elle, peut-être ? Léandre essayait avec insistance de remettre correctement le puzzle dans son esprit, s’attachant à des mots, des noms, pour tenter de passer outre les larmes qui s’échapperait des yeux si triste de sa partenaire. Il vivait chaque larme comme des va et vient de poignards à scies dans son cœur. C’était douloureux, au point qu’il pourrait lui-même pleurer. Ce sentiment si étrange et si peu familier le déboussolait autant qu’il l’empêchait d’hôter son masque de glace.
_Et j'ai cru ... J'ai cru que tout allait s'arrêter ... Que personne ne reviendrait ... Et même si nous sommes encore là ... D'autres événements similaires pourraient survenir.
Les peurs d’Edelweiss n’étaient pas infondées. Qui sait ce qui les attendait à l’avenir ? Qui sait s’il allait tous en sortir vivant et indemne ? Mais pouvaient-ils vraiment vivre de « si » et « ça » ? Tout ce que disait l’allemande avait du sens, tant et si bien que Léandre désespérait peu à peu de trouver quoi répondre à tout cela.
_ Je ne veux pas ... J'ai peur ... ! J'ai cru que j'allais perdre mes amis ... ! Et si je les perdais ... qu'est-ce que je pourrai faire seule? Non ... Je ne veux pas être toute seule ... !
La peur d’être seul … d’être abandonné … Alors comme ça … Edelweiss aussi l’avait ? Enfin … tout le monde l’avait. Personne ne voulait être seul dans le fond, et beaucoup dirait que c’est irrationnelle, ce genre de peur. Mais Léandre comprenait parfaitement cela. Il était ainsi à cause de cette même peur qui lui a laissé des séquelles, encore maintenant.
Edelweiss se pencha doucement en avant, sa frange venant cacher une partie de son visage, aidé par la pénombre de la pièce. Léandre lui, n’avait pas dit un mot, ses traits n’exprimaient rien mais ses yeux cherchaient désespérément ceux de sa partenaire. Pouvait-il faire un miracle ? Il avait les même peurs, les même raison de partir, les même envies d’avoir une vie normale, une vie qu’il aurait choisie. Il ne pourrait pas la consoler, non …
_ Je ... Je ... J'ai peur de voir mes amis mourir en restant ici ... J'ai peur de mourir en restant ici ... Mais j'ai peur de partir ... Je ne veux pas être loin d'eux ... Qu'il leur arrive quelque chose si je ne suis pas là ... Je ... J'ai ... peur ...
Edelweiss finit par se recroqueviller complètement sur elle-même, sanglotant. Léandre manqua un battement de cœur, comme si on venait de l’agripper et le presser violemment plus de temps qu’il ne pouvait le supporter. Le finlandais ne comprenait pas pourquoi il avait si mal en voyant Edelweiss ainsi. Etait-ce leur lien qui le rendait empathique ? Ou alors était-ce vraiment lui, ses propres sentiments ? Que pouvait-il faire ? …
_Je voulais juste ... une vie normale ...
Dans la sombre pièce, qui semblait si magique tantôt, avait prit une teinte de tristesse en même temps que la demoiselle. On n’entendait que les sanglots d’une âme en peine et la musique infime qui se dégageait d’une pièce au loin dans la demeure. Léandre détourna les yeux de sa camarade pour regarder de nouveau la lune. Une lune si belle et pourtant si compatissante en voyant cette enfant pleurer. Le monde semblait plus noir lorsqu’Edelweiss ne souriait pas …
Mais pourtant …
Pourtant …
_Je te comprend, vraiment …
La voix habituellement ferme et froide du jeune homme avait une teinte de clarté, comme la dernière goûte de rosé s’échouant sur une flaque d’eau. Calme, douce, sincère. Ce n’était pas grave si Léandre ne savait pas quoi lui dire, s’il s’exprimait avec sincérité, avec l’affection qu’il lui portait. Peut-être que ça ne suffirait pas, peut-être que ça empirerait les choses, mais il ne pouvait pas lui mentir et il ne pouvait pas être un autre. Il serait lui. Elle l’avait appelé pour qu’elle puisse se confier à la personne qu’il était, aussi maladroit soit-il.
Léandre se tourna vers la demoiselle, puis, doucement, il posa sa main sur son épaule pour qu’elle se redresse, l’obligeant également à retirer ses mains de son visage humide. Ses yeux étaient rouges, son fin maquillage disparaissait avec ses larmes et sa peau était crispée par la tristesse. Mais il s’en moquait bien de cela. Il ne regardait pas cette eau quitter son corps mais plutôt ses pupilles, les portes de son âme, les portes de la source de ce chagrin. Il voulait atteindre cette lueur presque éteinte et la rallumer.
Le jeune homme laissa les mains de la demoiselle retomber le long de son buste et ouvrit ses bras pour les refermer sur la petite fleur, la tirant doucement contre lui. Une main sur son dos l’attira tout contre son torse et il posa l’autre main sur sa chevelure tressée, mettant son menton sur le sommet du crane d’Edelweiss.
Ils restèrent cinq secondes ainsi, dans le silence. Léandre avait toujours du mal à offrir des étreintes, il ne comprenait pas souvent leur utilité, cependant, il savait que cela était nécessaire à cet instant, et il en avait lui-même terriblement envie.
Après ces secondes figées, ses longs doigts de pianiste vinrent caresser doucement les cheveux de sa partenaire, partant de la racine de ses cheveux en longeant sa tresse, effleurant son oreille avec toute la tendresse qu’elle lui suscitait. Il ne pensait à rien, laissant la demoiselle écouter les battements de son cœur. C’était une musique apaisante qui montrait qu’il était en vie, qu’elle n’avait pas à s’inquiéter. Ils restèrent un moment ainsi, Léandre caressant les cheveux de miel d’Edelweiss dans un silence presque apaisant. Il l’entendait renifler par moment et sentait que cela se détendait au fur et à mesure mais continua son geste jusqu’à ce que sa partenaire soit calmé.
_Tu as le droit de pleurer.
Doucement, Léandre se détacha de la demoiselle et utilisa une main pour essuyer doucement les dernières larmes d’Edelweiss avec pouce, plongeant son regard bicolore dans celui encore brumeux de la jeune fleur des neiges.
_C’est vrai, nous n’avons plus une vie « normale ». Nous ne sommes plus humains et nous avons des pouvoirs. Mais …
Léandre baissa un instant les yeux. Ses mots pourraient-ils vraiment l’atteindre ? Etait-il réellement la personne dont Edelweiss avait besoin cet instant ? Peut-être que oui, peut-être que non, mais il était là et il ferait ce qu’il pensait être juste.
_Mais tu as sauvé la vie d'un professeur, tu as sauvé Londres de monstres, tu as réussis à affronter tes peurs, à t'affronter toi.
C’était certainement « cliché » mais c’était la vérité et il le pensait réellement. Léandre se redressa et respira profondément avant que ses pupilles ne remontent vers sa partenaire. Sincère et doux.
_Ta vie n'es peut être pas celle que tu espérais, mais tu es bien plus humaine que beaucoup d'humain sur Terre. L'humanité n'est pas une race, c'est une morale, une nature. Tu es autant psyché qu’humaine. C'est normal d'avoir peur pour ceux que tu aimes, mais cette peur sera ta force, celle qui te poussera à devenir encore plus forte pour les protéger. Et ta vie n'est pas « normale », elle est extraordinaire … Tu es extraordinaire.
Léandre pensait chaque mot qu'il disait bien qu'il ne savait pas vraiment ce qu'il exprimait. Ça venait de lui, de son coeur, coeur qu'il avait du mal à comprendre et n'écoutait jamais, coeur qu'il fermait aux autres mais qu'il laissait finalement ouvert pour la petite fleur. Serah aimait bien lorsqu'il s’exprimait ainsi, lorsque son véritable lui s'exprimait, lorsqu'il montrait qui il était, ce qu'il pensait et ce qu'il ressentait derrière son mur froid et méprisant. Peut être qu’Edelweiss aimerait aussi ? Peut être que ces mots, peut être trop optimiste, toucherait néanmoins son coeur ? C’était ce qu’il voulait, qu’elle lui sourit et que ses larmes disparaissent.
Que pouvait-il faire pour elle ? Qu’est ce qu’il avait fait près de cette fontaine qui avait tant remonté le moral de sa précieuse partenaire ?
Léandre esquissa un fin sourire en repensant à cette pièce qu’il lui avait donné, à ce vœu secret qu’elle avait fait et au sourire tendre et lumineux qu’elle lui avait offert ce jour là. Il n’avait peut-être pas que des mots à lui offrir finalement … il lui restait une dernière chose à lui transmettre …
_Lorsque j’étais enfant, ma grand-mère m’a donné une bénédiction.
Léandre leva une tendre main vers le visage de la demoiselle et lui souleva sa frange avec une délicatesse insoupçonnée. Il contempla un instant son visage entièrement dégagé, lui esquissant un soupire avant de se pencher doucement vers l’allemande pour déposer ses lèvres sur son front nu.
Ce n’était pas une pièce, ce n’était certainement pas magique mais c’était sincère et c’était un cadeau. Un cadeau rien que pour elle, immatérielle et pourtant bien réelle. Il lui offrait un souhait qu’il avait en lui, pour elle. Rien que pour elle.
Le jeune homme se détacha finalement de la demoiselle, lâchant sa frange il la regardant dans les yeux alors que son sourire se fit de plus en plus large sur son visage.
Léandre souriait et Edelweiss commençait à en faire de même. Le sourire lui allait tellement mieux que les larmes. Elle avait porté une main à son front, comme si l’empreinte des lèvres du jeune homme était encore bien présente sur sa peau délicate. Il pouvait bien comprendre ce geste. Si elle n’était pas aussi triste il ne l’aurait sans doute jamais prise dans ses bras, il ne lui aurait jamais offert ce baiser sur le front. Elle découvrait certainement une facette de lui qu’il ne montrait à personne, hormis les personnes qu’il aimait réellement. Car il en était certain à présent, Edelweiss était dans son cœur. La voir pleurer lui avait fait mal, il avait partagé sa peine comme si c’était la sienne. L’avoir prit dans ses bras sans réfléchir voulait réellement dire qu’elle avait pu pénétrer à l’intérieur de sa carapace. Allait-elle apprécier ce qu’elle allait trouver à l’intérieur de cette forteresse ? Il ne le savait pas et ne voulait pas le savoir. Pas maintenant du moins. Ce soir, c’était la soirée de la jolie fleur. Ce soir il était là pour elle.
_Merci Léandre. Vraiment, merci.
Le visage de la demoiselle se tourna vers la fenêtre pour qu’elle contemple la lune. Il regarda son profil un instant, ses yeux de pluie brillaient d’argent face aux rayons de lune. Elle était belle …
_Je crois que je me sens mieux …
Léandre se tourna à son tour vers la fenêtre et ce ciel magnifique. Vraiment magnifique. Il contempla en silence cette beauté céleste, presque familière depuis qu’il était devenu une muse. Ce qui n’était pas étonnant puisse que une des Muses avait pour attribut l’astrologie, il était donc naturellement attiré par les étoiles même s’il n’en comprenait pas la signification et serait incapable de reconnaitre les constellations. Mais comme toute personne il savait reconnaitre une beauté lorsqu’il en voyait une et cette nuit était particulièrement belle.
_C'est une belle nuit.
Trop belle pour être triste. Et puis, si Edelweiss était venue ici c'était pour s'amuser et profiter de la fête, n’est ce pas ? Il n'était certainement pas le bon ami pour s'amuser comme un adolescent de leur âge, mais au moins il pouvait faire une chose pour elle.
Léandre esquissa un sourire avant de se lever et se mettre devant la demoiselle. Il sortit son téléphone et mit une musique avant de poser son bien à la place où s’était assis. Une composition de Serah. Le jeune home en avait énormément dans son téléphone, il était son plus grand fan. Il avait envoyé la version où il ne chantait pas, voulant simplement une mélodie pure et innocente pour accompagner une valse.
Doucement, le finlandais se pencha en avant, une main dans le dos alors que l’autre agrippa avec une douceur qui ne lui ressemblait pas, la main de la petite fleur aux pétales délicats. Son catalyseur en argent tinta de droite à gauche et émit des éclats au contact des rayons lunaires, faisant luire les yeux bicolores de la muse et briller le liquide rougeâtre en son sein. Délicatement, Léandre effleura le dos de la main de sa partenaire avec ses lèvres, déposant son souffle chaud sur la peau d’Edelweiss en guise de baise main, quelques mèches de ses cheveux vinrent chatouiller le poigné nue de l’allemande. Il releva ensuite la tête vers sa partenaire, ancrant son regard bicolore dans celui de pluie de la jeune fille.
Ils étaient à un bal, et même s'il ne s'était pas apprêté pour, Edelweiss était magnifique comme une voie lactée et méritait bien de valser au cœur de la nuit sous cette musique calme, presque charmante. Un fin sourire se dessina sur les joues de la muse.
_M’accorderez vous cette danse, mademoiselle Wintenberger?
_M’accorderez vous cette danse, mademoiselle Wintenberger?
Edelweiss se mit à sourire. Le jeune homme ne dis rien mais préférait de loin ce sourire aux larmes qu’ils avaient pu voir jusque là. Les fleurs étaient plus belles lorsqu’elles s’ouvraient que lorsqu’elles se fanaient.
_Comment pourrai-je refuser?
Edelweiss se leva et Juwelen quitta son épaule pour laisser les deux adolescents danser ensemble. Ils se mirent à peu près au centre de la pièce. Léandre posa sa main libre sur le creux du dos de la demoiselle, ni trop haut, ni trop bas, juste à la place qu’il fallait pour danser avec une jeune fille. Edelweiss quant à elle posa sa main sur son épaule et après quelques instants, Léandre donna le départ en mouvant son corps en arrière d’un pas. La demoiselle suivait les enchainements qu’il créait. Ce n’était pas des pas improvisés mais Léandre n’était pas certain que sa partenaire sache danser, elle lui prouvait le contraire. Alors, il put pleinement la faire valser. Ses yeux étaient concentrés sur le visage de la demoiselle mais ses oreilles n’écoutaient que la musique qui sortait de son téléphone. Cette musique, il l’avait écouté tellement de fois, il avait fait tellement de modification dessus. Il la connaissait par cœur. Il ne savait pas si c’était sa race de Muse ou bien son amour pour le chant, mais le finlandais n’avait qu’une envie en écoutant cette symphonie : chanter.
La chanson avait des paroles finlandaises mais Léandre avait assez d'expérience pour la traduire en français sur le tas tout en mettant des synonymes pour faire rimer les phrases et les rendre plus harmonieuse. Alors, après que le premier refrain soit passé, il ferma doucement les yeux et se mit à chanter sur le rythme de la musique, continuant d’enchainer la valse où il a entrainé la demoiselle.
Léandre n’avait jamais été doué pour les chansons d’amours alors c’était Serah qui trouvaient les paroles pour ce genre de chansons, parce qu’il n’était jamais tombé amoureux et n’avait jamais eut le désir de l’être. Mais le jeune homme savait tout de même y mettre les formes, l’émotion et la volonté pour émouvoir les personnes qui avaient eu le plaisir de l’écouter. Aujourd’hui encore, malgré son passé, malgré son présent, il arrivait à transformer les paroles d’une chanson en histoire, en rêve, en souvenir. Par moment, le jeune homme ouvrait les yeux pour regarder sa partenaire et lui offrait de radieux sourire. Des sourires sincère et heureux. Etre là, avec elle, dans ce beau cadre, avec la musique de sa meilleure amie, chantant, le remplissait sincèrement de joie.
Lorsque les deux adolescents passaient près des carreaux éclairant la pièce, les perles de l’allemande se mettaient à briller par les lueurs de lune, faisant apparaitre des centaines de reflets dans la pièce et sur la tenue des danseurs. Créant des éclats de diamants dans ses yeux de pluie et le doré de son catalyseur lui donnait une teinte de crépuscule. Puis leurs pas les ramenaient dans l’ombre des murs, puis à la lumière des fenêtres pour une nouvelle explosion d’éclats de lumière. Edelweiss ressemblait à une étoile qui venait illuminer le ciel.
La chanson eut sa fin et la valse des adolescents également. Léandre continua de sourire malgré l’absence de musique et retira ses mains de la demoiselle. Contre toute attente, elle semblait ailleurs. Elle n’avait l’air ni triste ni heureuse. Avait-il fait quelque chose de mal ? Voulait-elle encore danser ? Avaient-ils trop dansé au contraire ?
Sans un mot, Edelweiss porta ses mains aux joues de la Muse. Une de ses mains, celle qu’il avait eu dans la sienne, était chaude, tendit que l’autre était légèrement plus froide que les joues du jeune homme. Elle s’approcha de lui. Encore. Et posa ses lèvres contre les siennes.
Léandre se laissa faire, surpris. Pour ainsi dire, il resta même figé. Il sentait le souffle chaud d’Edelweiss contre le lui, son parfum le prenait à plein poumon alors que ses lèvres étaient pressées contre les siennes. Son cœur se mit à battre à une vitesse folle, n’arrivant même plus à respirer. Il n’osait ni la repousser ni lui rendre son baiser. Perdu. Confus. Est-ce qu’il lui avait laissé croire des choses ? Il avait fait une chose aussi cruelle ? Est-ce qu’elle le faisait en guise de « merci » pour l’écoute ? Tout de même pas …
Léandre laissa la demoiselle se détacher de lui pour s’écarter d’un demi pas en arrière, posant une main sur sa bouche. Il avait encore le gout de sa partenaire sur ses lèvres et sa peau d’un hâle pourtant si blanc se mit à rosir. Un sentiment inconnu envahis son cœur. C’était chaud, c’était doux. Un sentiment qui lui sortait de sa poitrine pour se répandre dans tout son corps. C’était à la fois agréable et étrange, serrant son cœur non de douleur mais d’une autre émotion qu’il n’avait jamais ressenti auparavant … Il ne comprenait pas. Il ne comprenait ni ce baiser ni ce que cela avait provoqué chez lui.
Puis un gout étrange dans sa bouche et Léandre fronça les sourcils.
C’était … de l’alcool ? Oui il en était certain. Cet arrière gout amer et fort ne pouvait pas être une quelconque boisson. Ce qui n’était pas étonnant pour une fête de lycéens qu’une personne ait arrosé la soirée, discrètement ou pas.
Léandre reprit contenance, perdant ses rougeurs et les vibrations incessante dans son coeur. Il s’était fait des idées, Edelweiss l’avait embrassé parce qu’elle n’était pas totalement lucide. Cette idée le rassurait et lui donnait un pincement au cœur comme … de la … déception ? Non, il ne pouvait pas être déçu, il ne voulait pas de cela avec Edelweiss. L’amour, il ne connaissait pas. Il ne l’avait jamais ressenti et ce n’était pas pour lui.
_Combien de verre as-tu prit ?
Le jeune homme s’approcha de sa camarade et posa le dos de sa main sur la joue de celle-ci, puis son front. Elle était chaude. Et cela n’était pas du à la pièce puisse que celle-ci était froide. Ni même à leur valse puisse qu’elle était calme. Edelweiss ne devait peut-être pas bien tenir l’alcool et c’était pour cela qu’elle avait craqué quelque instant plutôt. Egalement, il savait que certaine personne se mettait à embrasser n’importe qui sous les effets de ces boissons. Il manquerait plus qu’elle se mette à dormir sur le sol !
Comme si rien ne s’était passé plus tôt, comme si le baiser n’avait jamais existé, Léandre expliqua à sa partenaire, le visage inexpressif, évitant tout de même de la regarder dans les yeux :
_Tu devrais aller te reposer, tu as eu beaucoup d’émotions pour ce soir. Je vais te raccompagner à ta chambre.
_Tu devrais aller te reposer, tu as eu beaucoup d’émotions pour ce soir. Je vais te raccompagner à ta chambre.
_Je vais bien Léandre... Et je suis parfaitement lucide. J'ai seulement bu du jus de fruit…
La demoiselle ne termina pas sa phrase et posa une main à son front. Léandre eut un mouvement vers l’avant au cas où Edelweiss vacillerait mais ce n’était pas si grave que ça. Un léger tournis apparemment. Tant bien même ce n’était pas les effets de l’alcool mais une chose était sur : elle devait se reposer. La fête était terminée pour elle.
Eh bien, un petit malin avait du mettre quelque chose dans le jus de fruit alors. Léandre avait déjà participé à ce genre de soirée lorsqu’il était en Finlande. Une fête de fin d’année réservée à la dernière classe de primaire (16 ans) avait été organisée. Evidemment, les élèves de l’année en dessous, se sentant comme des grands, étaient venus se joindre à la fête ainsi que d’élèves d’autres écoles. Les enseignants, un peu trop laxiste à ce moment là, avaient laissés les jeunes faire mais n’avaient pas vu que certains ont renversé de la vodka dans le saladier de jus de fruit. Léandre, au première loge du crime, n’avait rien dit et n’avait rien bu, laissant ces adolescents s’amuser à leur guise. Ce n’était pas la première fois que ça arrivait dans cette école et ce ne serait pas la dernière fois, le tout était de ne pas se faire prendre, que les professeurs ne goutent pas à cela et que les élèves se taisent sur cette bêtise. Un bon accord général.
Léandre récupéra son téléphone et ouvrit la marche, invitant la demoiselle à la suivre. Il se tenait près d’elle au cas où elle commencerait à avoir du mal à avancer en ligne droite.
Lorsque les adolescents arrivèrent finalement devant la chambre de l’allemande, Léandre lui intima, le visage inexpressif comme à son habitude :
_Met toi dans ton lit, je reviens rapidement.
Léandre tourna les talons et fit deux trois pas avant de s’arrêter. Une pensée lui traversa l’esprit et il se retourna pour revenir vers sa partenaire. Il posa affectueusement sa main sur son épaule et la regarda dans les yeux, souriant :
_Je te promet que je vais vite revenir.
Léandre ne savait que ce que ressentait son amie à cet instant, mais elle avait évacué beaucoup de stresse et de mal-être tout à l’heure. Alors la rassurer et lui dire qu’elle ne serait pas seule ce soir lui permettrait peut-être de ne pas angoisser malgré la situation. Les yeux vairons du jeune homme dérivèrent vers les lèvres de sa partenaire et une teinte rosée commença à l’envahir.
Cette fois il s’en retourna à grand enjambé sans se retourner, posant une main sur sa bouche, sentant encore la douceur des lèvres d’Edelweiss sur les siennes. Il ne savait pas vraiment si elle l’avait fait sous le coup de l’alcool ou bien était-ce ses vrais sentiments ?
Non. Pas possible.
Elle ne pouvait pas l’aimer. Pourtant cette idée le rendait triste sans qu’il ne sache vraiment pourquoi. Etait-ce de la peur et non de la tristesse ? Est-ce qu’il avait peur de s’être trop attaché à la demoiselle au point de … au point de quoi d’ailleurs ? Qu’est-ce qu’il ressentait ? Pourquoi est-ce qu’il avait si chaud ? Pourquoi est-ce que son cœur était si violent dans sa poitrine ? Il ne comprenait pas …
Léandre alla au distributeur de la cafétéria et prit une bouteille d’eau. Il resta un moment devant la machine avant d’appuyer sa tête dessus en soupirant longuement et fermant les yeux.
Pourquoi est-ce que ça le tracassait tant ? … ce n’était qu’un baiser … ce n’était que deux lèvres l’une contre l’autres, pourtant …
Le jeune homme portant ses doigts à ses lèvres encore une fois.
Ça lui avait fait quelque chose. Il ne savait pas quoi mais ça avait éveillé en lui une sorte d’étincelle. Une étincelle chaleureuse qu’il voulait préserver …
Léandre prit la bouteille, avant de monter jusqu’au quatrième étage pour prendre son paquet de gâteaux finnois, dont il avait le souvenir que la demoiselle avait bien apprécié, et une tasse. Une jolie tasse toute blanche avec des partitions de musique dessus dont le manche était une note de musique également. C’était sa tasse fétiche offert par sa meilleure amie à ses 14 ans et il se voyait mal la laisser prendre poussière dans le placard de ses parents en Finlande. Ça sera parfait pour la demoiselle à deux étages plus bas.
Léandre redescendit les escaliers, content que ses colocataires soient en vadrouilles pour faire autant de bruit qu’il le souhaite. Il retourna au deuxième étage et frappa à la porte de la chambre de la jeune fille. Il voulait s’assurer que tout se passait bien pour la demoiselle. Ce n’était pas deux verres qui allaient la rendre malade mais le jeune homme n’était pas non plus un expert de la beuverie, il ne savait pas si une personne pouvait mal vivre le fait de prendre deux verres d’alcool. Mais il avait un grand frère militaire et les militaires, quelque soient la patrie, étaient eux de grands consommateur de cet élixir. De ce fait, en bon grand frère, Tobias avait expliqué les choses à faire en cas de grandes fiesta trop arrosé (ça et les filles, mais on va oublier ce passage dans la vie de Léandre)
Le cœur du jeune homme se mit à battre, comme s’il appréhendait ce qui allait se passer. Il voulait être près d’Edelweiss mais pouvait-il réellement faire comme si elle ne l’avait jamais embrassé ? Comme si ces yeux clairs ne l’avaient jamais regardé ainsi ? … Comme si … Comme si ça ne lui avait rien fait ? Comme si ça ne lui faisait rien ?
_Je t'en prie, entre...
Léandre posa sa main sur la poignée et prit une profonde inspiration avant d’ouvrir. Sa partenaire était assise sur un lit. Il n’était jamais entré dans sa chambre. Aucune autre chambre que la sienne d’ailleurs. Ça lui faisait étrange. Sans faire attention à la décoration ou l’organisation de la pièce, le finlandais referma derrière lui et alla retrouver la demoiselle. Elle n’avait pas allumé la lumière mais il ne le ferait pas non plus, comptant sur l’obscurité pour qu’elle s’endorme plus rapidement après sa visite.
Léandre fit balancer la tasse sous le nez de sa partenaire pour lui montrer ce qu’il avait ramené, posa le paquet de sucrerie sur le lit afin d’avoir ses doigts libre pour ouvrir la petite bouteille d’eau fraiche qu’il venait d’acheter.
_J’aimerais que tu boives au moins une tasse d’eau avant de dormir et ne pas hésiter à en boire davantage si tu sens le besoin. Et j’ai pris ça aussi, dit-il en désignant le paquet de gâteaux finlandais d’un geste du menton.
Le jeune homme rempli la tasse avant de la glisser dans les mains de la demoiselle et poser la bouteille au pied de sa table de chevet. Puis, tranquillement, il vint s’asseoir à coté d’elle où il prit le paquet de gâteaux et en prit un pour le donner à Juwelen. Léandre offrit des regards furtifs à sa partenaire mais ne savait pas vraiment où se mettre. Il ne voulait pas parler de sa chambre comme une banalité mais ne voulait pas non plus parler de ce baiser qu’il jugeait fait sous le coup de l’alcool, du mal être et le fait qu’il était là au bon endroit au bon moment.
Le finlandais se pencha pour s’appuyer sur ses coudes, fixant ses mains jointent qui se tortillaient d’eux même. Il se mettait souvent dans cette position pour réfléchir. Mais en cet instant il était bien trop perdu pour méditer. Pouvait-il vraiment parler de ce baiser, là, maintenant ? Alors qu’il n’était pas certain des sentiments de la demoiselle ? Elle ne le connaissait pas vraiment, comment pouvait-elle l’aimer ? C’était impossible. Bien évidemment, elle l’avait connu froid, méprisant, distant dans leur début. Puis, elle avait pu voir sa colère et sa peur lorsqu’ils étaient des magicals. Et finalement elle a pu voir sa bienveillance et sa gentillesse lorsque ça n’allait pas. Cependant, pouvait-on aimer une personne en voyant ses facettes sans connaitre toutefois pourquoi elle en avait ? Léandre ne comprenait pas. Etait-ce possible ou non ? Devait-on connaitre tout d’une personne pour l’aimer réellement ou cela suffisait ? Est-ce qu’Edelweiss l’aimait-elle vraiment ou aimait-elle une image qu’elle avait de lui ?
Il devait le savoir …
_Je …
Léandre tourna la tête vers la demoiselle. Il se mit à rougir et détourna le visage vers le sol.
_Je pense que tu devrais parler avec tes amies.
Bon sang Léandre, tu n’es qu’un trouillard !
_Si elles sont réellement tes amies alors tout s’arrangera. Et je suis certain que tout s’arrangera.
Léandre se redressa. De toute façon il ne pouvait pas le lui demander ce soir si elle était vraiment sous les effets de l’alcool. Et il n’était pas certain d’aimer la réponse. L’une lui était incompréhensible et l’autre lui serrait le cœur sans explication. Toute les réponses ne lui plaisait pas puisse qu’il n’en comprenait aucune. Alors il ne lui demanderait pas. Ni ce soir ni jamais. Rester dans l’ignorance ne le dérangeait pas, puisse qu’il avait la conviction que tout ça allait briser ce lien si durement construit entre eux.
Mais quel lien ? … Edelweiss était différente des autres personnes qu’il l’appréciait. Pas différente dans son caractère, mais différente à ses yeux. A cause de leur lien magique ou … ou quoi ? Léandre savait que son inconscience essayait de lui dire des choses depuis qu’il l’a « perdu » et revu dans leur combat contre le duo aquatique, mais ne savait pas quoi. La demoiselle éveillait en lui des sentiments qu’il n’avait jamais eut auparavant, qu’il ne comprenait pas et ne cherchait pas comprendre. Jusqu’à ce soir …
Le jeune homme tourna la tête vers Edelweiss et sourit légèrement.
_Mais en attendant il faut te reposer.
Avec hésitation, mais toutefois sans rien laisser paraitre de son trouble qu’une légère coloration sur ses joues qui commençaient déjà à s’estompé, Léandre posa une main bienveillante sur le dos de la demoiselle et dessina des cercles avec lenteur.