[PNJ] Entretiens avec le personnel [E, T & H]

Au moins, la réponse était claire et concise. Elle faisait toujours attention... C'est vrai qu'elle ne pouvait pas connaître tous les élèves de l'école, mais si elle vérifiait à chaque fois... Eh bien au moins, elle était consciencieuse.

- Bien.

Il n'avait rien de plus à dire à ce sujet. Cette question n'appelait pas à débat, de toute manière. C'était un trait éliminatoire, puisqu'il enfreignait la loi même du pays et de beaucoup d'autres. Il passa à la suite sans plus s'en préoccuper.

- Avez-vous déjà rencontré des problèmes avec certains élèves en particulier ? Ou avec des collègues ?

Connaître les relations dans le personnel était important pour essayer de réfléchir à une dynamique d'équipe un peu plus tard. Éviter de forcer deux personnes qui ne s'entendaient pas à collaborer. Mais en vérité, cette question était aussi une manière d'enquêter un peu sur le comportement des autres employés et professeurs de l'école, ainsi que des élèves, pour savoir à quoi s'en tenir sans avoir à poser de questions précises.

- Quelle est votre opinion d'eux ?

Élèves comme collègues. Parce que ne pas avoir eu de problèmes ne voulait pas dire qu'elle n'avait rien à dire sur certaines choses, ou que rien ne la dérangeait sans avoir explosé, ou au contraire qu'il n'y avait pas quelqu'un avec qui elle s'entendait particulièrement bien ou dont elle appréciait les méthodes et le travail.

Garance Lesker... encore elle. Décidément, entre son entretien avec elle et l'avis de certains de ses collègues, il commençait sérieusement à douter de la nécessité de sa place dans cet établissement. Visiblement, n'importe qui semblait faire l'affaire pour ce job, si on en croyait sa tendance à le refiler à ses collègues. Peut-être qu'il devrait prendre ça comme un message ? Quant à cette histoire de dragon... il faudrait qu'il se renseigne là-dessus. S'Indarë semblait avoir une propension aux catastrophes de grande envergure, en ce moment. Après avoir noté ces dernières informations, il lui offrit un sourire en se levant et en tendant la main pour la saluer.

- Ça sera tout. Merci, Ms Raykin.

Il la laissa sortir de son bureau et réarrangea un peu ses papiers, plaçant les notes qu'il avait prises dans son dossier. Ensuite de quoi, il sortit le suivant, puis il contacta sa secrétaire. Encore une fois, plusieurs noms passèrent, plusieurs entretiens où il entendit encore quelques fois le nom de Garane Lasker - et pas de façon reluisante - puis...

- Vous pouvez faire entrer Mr Stevens, s'il vous plaît ?

Les entretiens touchaient bientôt à leur fin. Il passa sa main derrière sa nuque en s'étirant. Ça commençait à faire une longue journée...

Le sourire du psychologue avait quelque chose d'un peu... perturbant. Mais au moins, lui, contrairement à l'un de ses collègues, il n'avait pas suscité de mauvaise réputation auprès des autres employés de l'école. Collègue qui n'était même pas venu pour son entretien, d'ailleurs, ce qui en disait long. Mais il n'était pas la question du moment. Dorian tendit la main avec un sourire poli.

- Bonjour monsieur Stevens.

Il lui fit ensuite signe de s'asseoir. Son air ravi avait quelque chose de déconcertant et, un instant, Dorian se demanda si quelqu'un n'avait pas remarqué et mentionné aux autres employés la nature de son pouvoir, mais il lisait... autre chose dans son expression. Une sorte d'intérêt.

- Comme vous le savez, cet entretien n'est qu'une petite visite de début d'année pour en savoir plus sur mes futurs employés. Je vais donc vous poser une série de questions génériques. Aucune d'elle n'est liée à une quelconque mention sur votre dossier, ou en tout cas pas volontairement.

Mieux valait préciser, surtout que certaines des questions pouvaient vexer assez facilement si on les prenait personnellement. Il en avait fait l'expérience aujourd'hui.

- Pour commencer, j'aimerais que vous me donniez votre vision de la pédagogie, sur comment s'occuper des élèves.

Toujours commencer par la base.

Effectivement, pédagogie avait un sens plus large dans son esprit que le sens commun d'éducation, mais c'était à force de passer autant de temps qu'il l'avait fait à s'occuper d'enfants à problèmes. Heureusement, Mr Stevens n'avait pas chipoté sur le terme et comprit l'idée générale de sa question, et sa réponse était nettement plus satisfaisante que celle d'un autre de ses collègues psychologue dont il avait entendu parler, et qui n'avait même pas daigné venir. Dorian le remercia donc d'un signe de tête avant de prendre quelques notes.

- J'aimerais votre avis sur une des mesures actuelles de l'établissement. Que pensez-vous du fait de ne pas mentionner aux élèves l'existence des cristaux ? Considérez-vous que c'est préjudiciable ? Positif ?

Il avait réuni assez d'avis pour se faire une idée, mais puisqu'il était parti pour poser les mêmes questions à tout le monde, autant rester équitable. Mine de rien, i lavait eu affaire à pas mal d'avis différent du sien alors qu'il s'attendait presque plus à un consensus contre cette interdiction de répondre aux questions relatives aux cristaux. Plusieurs employés avaient trouvé ça plus susceptible de stresser les élèves s'ils voyaient qu'aucun adulte ne souhaitaient leur répondre, d'autres avaient trouvé ça préférable. Ça lui donnerait matière à réflexion pour plus tard.

Alors il était d'accord avec lui… eh bien, il faisait visiblement partie d'une minorité, mais son explication était logique. Dans son métier plus que dans les autres, l'interdiction d'Andrew devenait très vite problématique.

- Effectivement.

Après tout, si un élève vivait mal la couleur de son cristal, ça revenait à s'accepter, et c'était le rôle d'un psychologue de l'y aider. C'était en grande partie pour ça que les rendez-vous avec eux étaient disponibles pour les élèves de toutes les classifications, et pas uniquement pour les Black Sheep.

- Bien, la suivante est une question de formalité, je rappelle qu'elles ne sont pas personnelles.

Il préférait répéter ça à chaque fois, d'autant plus que l'un des enseignants s'en était offusqué et qu'il ne tenait pas à risquer de froisser encore quelqu'un pour une question qui n'était là que par principe. Pour l'instant, il n'avait eu aucun "oui", et il espérait que ça resterait ainsi. On parlait ici d'un homme dont la race même y était liée, donc mieux valait s'assurer que le côté non-personnel de la question passait bien.

- Avez-vous déjà eu une relation avec un ou une élève, qu'elle soit physique ou sérieuse ?

Devait-il compter les rêves ? Probablement pas, la loi ne couvrait pas ce qui n'était pas réel…

Sa réponse était un peu plus hésitante que celle des autres, mais ça n'avait rien de surprenant. L'essentiel, c'était cette phrase qu'il venait de prononcer. J’ai pour règle principale de ne jamais toucher à mes patients ou aux étudiants, et je m’y tiens. C'était suffisant.

- Je n'en doute pas.

L'avantage de ne pouvoir soutirer que la vérité à ceux qui lui adressaient la parole, c'était qu'ils n'avaient pas spécialement besoin d'en faire des tonnes pour le convaincre, juste à répondre. Dorian hocha doucement la tête à sa remarque suivante.

- Les rêves ne sont pas soumis à la loi anglaise, mais c'est probablement mieux de vous tenir à cela, pour éviter les ambiguïtés. Ou les risques, pour vous comme pour eux.

Si un élève commençait à s'attacher à lui sous prétexte qu'il en avait rêvé, quand bien même il pouvait changer d'apparence, les choses pouvaient vite devenir compliquées, voire dangereuses pour les deux. En tout cas, sa réponse était satisfaisante. Il n'avait rien à en redire, il passa donc à la suivante après avoir pris une note rapide sur son dossier.

- Avez-vous déjà rencontré des problèmes avec certains élèves en particulier ? Ou avec des collègues ? Quelle est votre opinion d'eux ?

Etrangement, il avait presque l'impression de changer brusquement de sujet. Mais au moins, c'était le signe qu'il continuait l'entretien, et donc que sa réponse lui convenait.

Rien d'alarmant, donc. Au moins, la plupart d'entre eux s'accordaient sur le fait que les relations entre les collègues et avec les élèves étaient stables. Quant aux relations entre les élèves… il aurait tout le temps d'y réfléchir plus tard, ou plutôt d'y assister. Il préférait éviter de partir avec des aprioris sur eux, c'était donc mieux qu'il n'en sache pas trop. Et cette histoire de psy…

- Oui, vous n'êtes pas le premier à m'en parler.

Il allait vraiment falloir qu'il se penche là-dessus, histoire de trouver rapidement un remplaçant. Dans une école comme S'Indarë, surtout après les événements d'avril dernier et ceux d'Halloween, avoir un poste vacant dans ce métier pouvait vite s'avérer préjudiciable.

- C'était ma dernière question, dit-il finalement en refermant son dossier.

Il réarrangea les papiers sur son bureau puis se leva en tendant la main pour le saluer.

- Merci, Mr Stevens.

Il était le dernier sur sa liste. Après ça, Dorian pourrait se pencher sur toutes les réponses qu'il avait collectées pour prendre des décisions. Certaines étaient déjà évidentes, d'autres lui demanderaient un peu de réflexion. Mais dans l'ensemble, il devrait réussir à tirer ce dont il avait besoin de ces entretiens.