Le Fou Bouge en Diagonale [ft Kaylee et Lova] (-18)

Je sais que Kaylee n’est pas bien. J’ai vu son regard quand je suis allée la récupérer. Elle me répète qu’elle ne voulait pas, et j’essaie de la soutenir comme je peux. Je sais qu’elle ne voulait pas, qu’elle n’a pas eu le choix, Kaylee n’est pas une meurtrière. Elle ne fait que se défendre… Et ça me brise le cœur qu’elle se retrouve toujours dans ce genre de situation. Elle ne mérite pas ça, elle mérite une vie tranquille au soleil… Et si elle me veut à ses côtés, je serais là. Je l’enlace, trop peu de temps à mon goût, car si on était dans d’autres circonstances, je ne la lâcherais pas, mais on n’a pas le choix, et il faut vite qu’on sorte de là.

On reprend cette épopée sans queue ni tête, pour se retrouver enfermé de nouveau. Je commence vraiment à en avoir assez. Ils se moquent de nous, ils jouent de nous, et ça a le don de me mettre dans une colère noire. Ce n’est pas un jeu !! On est là pour sauver nos amis ! On n’est pas des marionnettes qu’ils peuvent s’amuser à manipuler comme bon leur chante…! La vie des gens n’est pas un jeu… Je déglutis alors que je m’occupe de la blessure de mon amoureuse. L’adrénaline retombe et j’ai presque envie de pleurer en la voyant dans cet état. Elle me sourit et Alex commence à poser des questions. Ça allait bien arriver à un moment donné… Je soupire mais ne répond pas, laissant faire Iris. Il va falloir qu’on leur explique… Ou attendre la brigade pour leur retirer leurs souvenirs, et c’est peut-être la meilleure chose à faire.

Eden demande si Kaylee va bien et elle répond que oui, mais je ne suis pas dupe. Peut-être que physiquement c’est à peu près le cas, mais elle a quand même vu un homme se faire tuer… Elle ne peut pas aller bien. C’est impossible. Je lui souris tout de même et me concentre sur la pose de strips. Je sais que ça fait mal… mais je n’ai pas le choix.
Elle glisse sa main dans ma frange pour l’ébouriffer et je serre les paupières, avant de les rouvrir et de la regarder avec inquiétude. Je ne suis plus en colère… La colère est retombée quand je me suis occupée d’elle. Je sais qu’on est dans un endroit dangereux, qu’on risque d’y laisser notre peau, mais je suis contente d’être avec elle. Je suis contente d’être là pour veiller sur elle.

Quand elle approche son visage du mien pour embrasser mon front, je ferme de nouveau les yeux, prise de frissons à son contact. Et quand elle se relève, je panique un peu.

- Attends ! Il faut protéger les strips ! On n’a surement pas fini de se battre, il ne faudrait pas qu’ils partent !

Je l’incite à se rassoir et m’active pour bander son bras, essayant de me remémorer la manière de faire. J’ai pas mal observé Dr.GP ! Je devrais pouvoir le faire. Je finis de bander sa blessure puis la laisse se redresser alors que je range toutes mes affaires, vérifiant que j’ai tout. Qu’est-ce qu’ils ont prévu sérieusement… Je ne suis pas rassurée. Ils sont sans pitié. On est pourtant des ados ! On est encore des enfants aux yeux de la loi… et eux, ils n’ont aucun remords à essayer de se débarrasser de nous… De véritables monstres.

Kaylee nous dit qu’il va falloir attendre et je soupire. Elle a raison, mais on ne doit pas baisser notre garde, on ne sait pas ce qu’il nous attend derrière ces murs. Et ce n’est pas vraiment rassurant quand on pense à tout ce qu’on a vu jusqu’à maintenant… Le temps passe et je finis par m’assoir par terre en attendant et en profite pour m’occuper de la brûlure du taser sur ma jambe. Je la badigeonne de pommade contre les brûlures, le visage déformé par la douleur, et me concentre sur ma respiration. Ça pique… c’est super désagréable… Mais au moins… ça commencera à cicatriser un peu. Je lève les yeux vers Kaylee avec un petit sourire contrit quand elle s’assoit à côté de moi. Ça me fait plaisir qu’elle s’inquiète pour moi. Quand je vois Iris fouiller dans ses affaires pour trouver quelque chose pour Eden, je lui propose de prendre ma trousse à pharmacie et elle me remercie. Elle commence à soigner son petit ami et je me réinstalle avant de sourire à Kaylee et de lui murmurer que la trousse a été validée par notre médecin préférée. Trousse à pharmacie de qualité, comme on dit ! J’en suis assez fière~

Quand, enfin, un passage se libère, je me redresse rapidement. Alex s’y engouffre sans vraiment réfléchir et je soupire. Ah ces mecs… Je finis par les suivre, parce que c’est ce que fait Kaylee et qu’on n’a effectivement pas vraiment le choix, tout en restant sur mes gardes. Ça sent le piège à plein nez… On continue de marcher et je reste non loin de mon amoureuse. Je ne veux pas m’éloigner d’elle. On arrive dans une intersection et quand je la vois s’approcher d’une porte et l’ouvrir à la volée, je sursaute et mon cœur accélère par peur qu’elle se fasse attaquer. Mais je me détends rapidement en voyant que rien ne se passe. Je me détends et souris. Elle entre dans la petite pièce et je passe ma tête par curiosité. Quand elle ressort avec…une lance. J’écarquille les yeux et recule. Mais…. Pourquoi ?!

- Ça me fatigue… Bon j’ai trouvé une… arme.

Je soupire longuement. Pourquoi ils ont ça eux… ? On n’est pas au Moyen-Âge, bon sang ! Sérieusement… Ils me fatiguent… J’hausse un sourcil avec une expression très peu amusée et secoue la tête, dépitée. Ce n’est pas possible… Faut savoir manier ce genre de chose en plus… Comment on va faire ?… On continue notre chemin et finissons par faire demi-tour pour une raison qui m’échappe un peu. Je me contente de les suivre sans vraiment poser de question, je leur fais confiance après tout, on est tous dans le même bateau. J’écoute les instructions qu’on me donne et m’exécute sans vraiment réfléchir. Je m’accroupie et avance silencieusement pour ne pas me faire remarquer, concentrée.

Une fois la porte ouverte passer, on accélère discrètement, pour finalement se faire remarquer malgré nous. Mon cœur manque un battement et j’accélère comme je peux ma course, ma jambe me faisant souffrir. Je me concentre sur ma respiration, essayant d’ignorer la douleur. Il faut que tu sortes de là, Lova. Tu peux le faire ! La douleur, ce n’est que dans la tête ! Tu n’as pas mal ! Je continue d’accélérer et les garçons défoncent une porte en face de nous, me faisant grimacer. Aoutch ! Ça a dû faire mal… Je continue de courir pour me réfugier avec eux, et ne vois pas tout de suite qu’ils se sont gamellé, alors je m’élance derrière la porte et m’écroule pour les accompagner dans la chute. Ma jambe me fait mal, mais Kaylee a amortie le choc. Oups…

Je me redresse un peu difficilement et on vérifie si tout le monde va bien, ça a l’air d’être le cas. Je vois juste Kaylee se masser le poignet et je fronce les sourcils. C’est à surveiller ça… On se réorganise, mon amoureuse donnant la lance à Eden et quand on se focalise sur l’endroit où on a littéralement atterri, je vois cet homme avec un masque. Cet homme qui me rappelle l’écran, et l’homme masqué qui m’a rendu mon doigt d’honneur. Et rapidement, comme une éruption volcanique, la colère refait surface et je me précipite sur lui.

- TOI !!

Kaylee m’arrête en m’attrapant et je déglutis, frustrée. Je sais. Je comprends. Il faut que je me calme. Mais là, tout de suite, c’est sa tête que je veux.

Si je pouvais lui arracher le visage de mes ongles, je pense que ce ne serait pas suffisant considérant tout ce qu’il nous a fait subir. Sérieusement, je suis dans une telle colère qu’il me faut vraiment prendre sur moi quand Kaylee m’arrête. Je sais qu’elle est blessée et je n’ai pas envie d’aggraver ses blessures avec mes sautes d’humeur. Je ne voudrais pas qu’un imbécile comme lui en profite pour me le renvoyer à la figure. Mais ce qui a le don de m’énerver d’encore un cran. C’est ce, putain, de surnom qu’il me donne.

Ragnar-la-planche ? Sérieusement ? Je vais lui en foutre du viking Norvégien !!! Je suis suédoise bordel !! Au moins, le seul bon point à ce surnom, c’est que c’est un type plutôt badass. Si seulement il n’avait pas une nouille molle entre les jambes. Je lui fais un nouveau doigt, après tout, je ne peux pas aller lui casser la figure puisque Kaylee me maintient fermement contre elle… Et la réponse du connard masqué est digne de ce qu’il nous a montré jusqu’à maintenant. Je souffle de colère alors qu’une statue débile sort du sol en tournant pour me rendre mon doigt d’honneur. S’il croit que ça m’impressionne… Je prends juste ça pour un complexe à cacher.

- P’tite bite.
- Bien, je sais pas comment vous êtes arrivés là mais je vais vous laisser toi et le chihuahua mexicain. Arridiverchiao !

Quoi ?! Il compte s’en tirer aussi facilement ?! C’est hors de question !! Je vais pour le rattraper mais Kaylee me devance. J’essaie de l’arrêter mais elle est trop rapide pour moi. Elle saute du balcon et une pointe d’inquiétude emplie ma poitrine. Je sais qu’elle est forte. Mais elle est blessée bon sang ! Je m’élance derrière elle, m’arrêtant à la rambarde pour l’observer. Elle appelle Khéops pour l’aider à sauter correctement et mon cœur accélère de peur qu’elle ne se blesse encore. Qu’elle se retrouve encore au seuil de la mort. Alors je me tiens prête. Prête à l’aider en cas de besoin. Quand l’autre connard atterri, un cri de douleur transperce mes tympans et je me tourne vers Alex qui a l’air de se plaindre de ses jambes. Mais qu’est-ce qu’il a foutu sérieux ? Ils ont joué avec la lance ? Ce n’est vraiment pas le moment ! Ce qu’ils peuvent être cons ces mecs !

Kaylee se réceptionne sur le connard et Alex gémit encore de douleur. Je tourne encore la tête vers lui et fronce les sourcils. C’est… C’est bizarre. Pourquoi il a mal ? Il s’est fait quoi sérieux ? Oh et puis tant pis pour lui !! Il y a plus important ! Iris, Lloyd et Eden peuvent s’occuper de lui ! Moi je surveille Kaylee ! J’observe le combat, inquiète et en même temps désireuse que mon amoureuse lui montre ce qu’elle a dans le ventre. Je veux qu’elle lui casse la gueule ! Qu’elle le fasse regretter de nous avoir fait subir tout ça !
Kaylee lève la tête et je suis son regard, me voyant dans un écran géant qui donne sur la grande salle. En voyant ça, je comprends et deviens cramoisi, me cachant vivement. Ragnar…la planche… Ma poitrine !! Je bouillonne de rage et d’embarras. Ils ont tout vu ?! Je vais le défoncer ! Si ce n’est pas Kaylee qui le fait, ce sera moi !! Je vois ma solaris, l’entend s’énerver, et j’hésite à descendre. Je veux l’aider. Mais j’ai peur de la gêner. Je me mords la lèvre, frustrée, et ne sachant que faire.

Kaylee lui balance tout ce qu’elle trouve au visage, des bouteilles, des morceaux de verres. Il se prend quelques trucs mais ça n’a pas l’air de le déranger. Elle lui lance une table et il a plutôt l’air de s’amuser ça que me fait bouillonner de rage et de frustration.

- Mais putaiiiiiiin !

Je sers mes mains sur la rambarde en ferraille, frustrée. Quel est son point faible putain ?! Je l’observe, essayant d’étudier des mouvements, ses gestes, ses attitudes, mais ce qui me fruste le plus c’est qu’il encaisse tout, et juste en grimaçant. Pourquoi ?! Kaylee l’attrape pour l’attirer à elle, et je comprends qu’elle va lui…

Je me fige alors que je perds mon air, m’arcboutant sous une douleur lancinante dans mon ventre. Je… Je comprends… pas… Je m’accroche au balcon pour ne pas m’écrouler alors que j’essaye de reprendre ma respiration. C’est… Comment c’est possible… ? Elle… Je me mets à tousser alors qu’une de mes mains vient protéger mon estomac.
Je ne vois pas la suite du combat, mais une nouvelle douleur encore plus forte que la précédente me prend dans les côtes après un craquement horrifiant dans mon abdomen, me faisant m’écrouler sur place sous le choc. Je n’arrive pas à crier. J’ai mal. Je me recroqueville sur moi-même, essayant de me protéger de ces attaques fantômes… C’est… les coups de Kaylee ? C’est… comment c’est possible ?

J’ai juste le temps de voir Iris venir à mes côtés, inquiète. Je croise son regard, et je sais qu’elle a compris. Elle est intelligente. Je peux compter sur elle. J’essaye de me concentrer sur ma respiration mais inspirer me fait souffrir le martyre. Je dois avoir des côtes cassées… Oui… c’était sûrement ça le crac…merde… elle est si puissante… Iris se redresse vivement et hurle à l’intention de celle que j’aime.

- Kaylee!!! Arrête de le frapper, arrête !!! Tout se répercute sur Lova et Alex !! Il doit avoir un pouvoir d’emprise ! Kaylee écoute moi je t’en supplie !!

Alors Alex aussi… Depuis le début c’était en marche… Merde… le salopard… Les coups se sont arrêtés. Je n’ai pas de nouvelles douleurs. Kaylee s’est arrêtée alors… J’essaye de respirer mais je ne peux pas le faire à fond. Alors j’essaye de me détendre, mais la douleur de mes côtes me maintient tendue malgré tout. Je n’y arrive pas… J’ai envie de dormir… Je sens Iris se pencher sur moi et m’appeler et je gémis doucement.

- Lova ? Tu m’entends ? Tu as mal où ? Quelles attaques tu as subi ?

Faiblement, je me découvre pour lui montrer mon ventre puis mes côtes, et je l’entends soupirer. J’ai mal… La douleur ne part pas, elle ne s’apaise pas. Du côté de mon ventre ça s’est calmé mais le reste… ça me lance terriblement. Soudain, j’entends du bruit contre la rambarde en fer, et je sais qu’elle est là. Je sens sa présence. Je l’entends grogner de douleur pour se hisser et je lève la tête vers elle. Kaylee… Quand je vois l’expression de son visage… J’ai envie de la serrer dans mes bras. Iris l’aide à monter et quand elle est à ma portée, je veux la toucher. Mais elle maintient une distance que je ne comprends qu’à moitié. Elle ne me regarde pas dans les yeux, et ça a le don de m’agacer. Regarde-moi…

- J’suis désolée…! Pardon, je suis stupide… Je suis vraiment… vraiment désolée.

Tss. Bien sûr… Elle va culpabiliser pour rien. Ce n’est pas à elle de s’excuser. Ce n’est pas vraiment son fait… Ça l’aurait été si elle avait été au courant de ce phénomène. Mais ce n’est pas le cas. Personne, à part lui, ne savait. J’essaye de me redresser pour m’assoir, grimaçant sous la douleur de mes côtes. Putain… Elle n’y est pas allée de main morte… ça lui ressemble bien. J’inspire profondément, rapidement arrêtée par la douleur qui me fait grimacer.

- Je voulais pas faire ça... Je voulais pas te faire mal..

Je sais. Jamais tu ne me ferais du mal. Et ce n’est pas après ça que je vais en douter. Elle tend sa main vers moi, et mon cœur accélère. Je n’attends que ça. Je veux son contact rassurant… et sentir son odeur… Mais quand je la vois la retirer pour la poser sur ses genoux tout en baissant la tête, je l’attrape doucement, et la serre comme si ma vie en dépendait. Il faut que je lui parle. Il faut qu’elle comprenne. Alors d’une voix très légèrement sifflante, je murmure.

- Je sais. Tu ne me ferais jamais de mal… Et ce n’est pas… toi… qui m’as fait du mal… C’est lui. C’est…sa capacité. Alors…arrête de t’en vouloir… Ce n’est… pas… toi…

J’essaie de me relever, assez difficilement, m’aidant de la rambarde. Mais quand je fais un premier pas, je m’écroule au sol, n’arrivant pas à me rattraper à temps pour empêcher le choc. Et mon visage cogne contre la pierre. Je grimace sous la douleur du coup, mais quand je me relève lentement, je n’ai rien. Rien du tout. Sans comprendre, je regarde Kaylee.

- Je… Je devrais saigner avec une…chute pareille…non ?

Ma chute n’était pas bégnine. Je le sais. Je le sens parce que la douleur m’a vraiment frappé en plein nez. Je devrais avoir le nez cassé, alors…pourquoi n’y-a-t-il pas de sang ? Pourquoi mon nez n’est-il pas tordu ? Kaylee vient doucement caresser la zone de son pouce, mais je n’ai pas mal. Je ne sens plus rien. Comme si c’était éphémère. Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas normal. Il y a forcément quelque chose qui cloche. Je l’interroge du regard quand un hurlement me fait sursauter, m’arrachant une grimace de douleur lancinante dans mes côtes. Putain… de merde… Je n’arrive pas à respirer correctement… j’ai chaud… et la tête qui commence à me tourner… Je crois que je suis plus amochée que je ne le pense… Mais, je ne peux pas l’inquiéter avec ça. Elle ne pourra pas nous faire sortir d’ici si elle reste focalisée sur moi. Je ne veux pas être un poids. Alors je tiendrais bon !

Kaylee se redresse pour regarder par-dessus le balcon, et j’essaie de me concentrer sur ma respiration. Jusqu’où puis-je aller sans que ça me fasse mal ? À chaque inspiration, mon visage se tord et j’expire lentement, frustrée. J’en envie d’inspirer à fond… Mais j’en suis incapable…

- Khéops, Myké !

Je lève la tête vers elle, pâle et suante. Je ne me sens pas bien… Il faut que je tienne bon… Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi fait-elle appel à Myké ? Je la vois marché jusque la statue pour la balancer par-dessus la rambarde et je reste au sol, me battant avec ma respiration laborieuse. Elle marmonne un échec et mat, et je me détends, souriant légèrement. C’est fini ? On peut enfin partir ? Elle a pu l’arrêter ? C’est vraiment la meilleure… Mais les bruits spécifiques aux bagarres continuent. Non. Ce n’est pas finit… Elle hurle le prénom de Thomas, et j’essaye de me redresser pour le voir, en vain. J’ai mal… Et quand je me redresse, ma tête me tourne… Je vais rester là… c’est mieux ainsi. Thomas a réussi à venir alors… Il en a mis du temps… Qu’est-ce qu’il s’est passé de son côté ? J’étais presque…inquiète…étonnamment. Je sais que Kaylee a besoin de lui… Elle appelle Khéops pour lui indiquer d’attaquer puis se met à ma hauteur alors que je me bats contre mes paupières.

- Thomas… il est en train de se faire laminer...!

Elle doit y aller. Je suis hors-jeu… je ne peux plus rien faire. Je n’arrive même pas à me lever et à me tenir debout. Je ne peux plus vraiment l’aider. Et si on veut sortir d’ici, je me doute qu’il faut qu’elle fasse quelque chose, et ça implique qu’elle se jette dans la gueule du loup en aidant le garçon. Je lui fais un petit sourire, à la fois, vide, résigné, mais se voulant rassurant.

- Vas-y… Je suis derrière toi…je te suis…

Elle pousse un long soupir, approchant son visage du mien et mon expression s’attendrie. Elle ne m’embrasse pas, mais je viens doucement caresser sa joue du bout des doigts. Elle ne m’embrasse pas. Mais j’ai besoin d’un minimum de contact. Son contact me motive, il me pose à aller de l’avant. Ça a toujours été ainsi. Alors s’il faut que je me lève, alors j’en ai vraiment besoin. Elle vient coller son front au mien et mon sourire s’élargit pendant que je ferme aussi mes yeux. Quand elle s’éloigne, j’inspire avant de grimacer, la laissant partir à regret. Il faut que je me lève. Elle saute par-dessus le balcon et j’essaie de bouger. Lentement, j’essaye de me relever, m’aidant de la rambarde. Mes jambes sont faibles, ma tête me tourne, et j’ai chaud… Tout en me tenant, j’ouvre la veste en cuir de mon amoureuse. Je meurs de chaud… Je me redresse et quand je suis bien sur mes pieds, je suis soudainement prise qu’une quinte de toux qui me fait souffrir le martyre. Après un grognement de douleur, mes yeux se posent sur sa main et j’écarquille les yeux.

- …Merde….

Je cache rapidement ma main teintée de rouge, jetant un œil à la fille que j’aime, qui se fait éjecter après un coup dans les côtes qui me fait grimacer. Quand on rentre… il faudra vraiment qu’on aille voir Dr.GP… C’est plus possible autrement. J’essaye de marcher, et me rendant bien compte que cette tâche pourtant si simple devient un vrai challenge, je ferme les yeux, me concentrant sur mon dos et visualisant mes ailes. Il y a les amis de Kaylee, je sais… Mais si je ne bouge pas, je me laisserais mourir sur place. Et puis, ils en ont assez vu…

- C'est elle !!! C'est la femme qui nous a enlevé avec sa tenue SM et son fouet !!!

Son fouet ? Alors que mes ailes se déploient dans mon dos pour me soutenir, je baisse les yeux sur le fouet en question qui était près de moi. C’est vrai que je l’avais emmené… Je me demande bien pourquoi… Il m’est inutile maintenant… Je pousse un soupir et la quinte de toux reprend. Je n’ai pas envie de salir la veste de Kaylee… Mais je ne peux pas lui rendre… et avec mon pull blanc… elle comprendrait bien assez vite… J’essaye de cacher mon état. Là, tout de suite, elle n’a pas besoin de savoir, elle n’a pas besoin de se concentrer sur moi. Alors que j’essuie discrètement ma main, je croise le regard d’Iris. Elle est inquiète. Je lui souris tristement et la supplie du regard de ne rien dire. Pas maintenant. Pas tout de suite…

Je me focalise sur ce qu’il se passe en bas, et me soulève doucement dans les airs. Ça soulage… j’ai moins la tête qui tourne… et mes ailes ne me font pas souffrir. J’ai encore quelques soucis à respirer, mais ça va aller… je pense. Quand je vois la meuf au fouet s’enfuir vers l’ascenseur après avoir frappé Kaylee, je fronce les sourcils, et me concentre pour diriger mes ultrasons vers elle. Tu ne partiras pas aussi facilement. Tu nous as amener ici… On va te le faire regretter ! Je me contente de rester loin, d’observer et d’aider Kaylee si besoin. Je ne peux pas faire plus… pas dans mon état. Je sens que mes ultrasons me puisent de l’énergie… et que finalement… cette énergie m’aide à rester présente. Il faut que je m’économise. Mes côtes me font encore souffrir et mes respirations incomplètes ne m’aident absolument pas… Mais au moins, j’ai moins la tête qui tourne en étant dans les airs, et j’arrive à viser correctement.

Je regarde Kaylee se battre et quand elle appelle ses petites boules de lumière et d’amour, je comprends ce qu’elle compte faire… Je comprends… mais est-ce vraiment nécessaire ? Une boule d’inquiétude se forme dans mon ventre alors que des flashbacks de notre sortie souterraine me reviennent. Il n’y a pas de soleil… elle ne devrait pas… Elle va… Elle effectue sa fusion malgré tout, et je suis de toute façon incapable de l’arrêter… Elle appelle Thomas, et celui-ci s’exécute, envoyant tellement de lumière que j’en suis d’abord éblouit. Kaylee l’aspire et j’arrive à me détendre. Je souris faiblement, heureuse de la voir au meilleur de sa forme, heureuse de la voir étinceler alors qu’elle fait tout pour nous protéger. Je l’aime tellement. Elle est si forte… Si… J’ai mal… je n’arrive plus à respirer… Je crache une nouvelle fois du sang, ne pouvant plus faire attention à ne pas me salir. Et alors que je devine Kaylee se battre, ma vision se trouble, des tâches noires envahissent mon champ de vision alors que je me sens tomber… de haut.

Ah… Je connais cet endroit… C’est le parc où on allait quand j’étais petite… Je m’avance, légèrement hésitante, entre dans le parc et m’approche d’une petite famille. Une bouffée de nostalgie emplie mon cœur et je souris. On est tous les trois, là, assis dans l’herbe sur une grande nappe bleue. Ma mère a préparé un pique-nique et je suis en train de jouer avec mon père. Il s’amuse à me faire voler et mon rire aigu éclate, m’obligeant à sourire à mon tour, attendrie. Mais rapidement, mon sourire se perd. Pourquoi je vois ça ? Je ne comprends pas… Est-ce que c’est… Oh…
Ils me manquent… J’ai envie de les revoir… Mon père se met à courir en riant et je le poursuis. Trop petite pour le rattraper, mon père continue de courir, ne regarde pas devant lui et trébuche. Surprise par une telle chute, je sursaute et apporte ma main à ma bouche en même temps que ma mini moi qui se précipite vers lui. Je l’observe et de sa poche, elle sort un petit pansement pour le tendre à son papa. Ah. Je me souviens de ça ! Je me mets doucement à rire. C’est une anecdote qui est restée dans la famille.

Le paysage change subitement et je me retrouve dans mon ancienne école primaire, dans la cour de récré. Je fronce les sourcils, ne comprenant pas trop ce que je fais là. Je m’avance pour finalement me voir, entourée de garçons. Un frisson de dégout parcoure mon échine et je me retiens de m’interposer. C’est un souvenir… Et je pense que je ne voulais pas m’en rappeler… Ils sont là, autour de moi, ils m’embêtent. Je leur lance des regards de haine et l’un d’eux me frappe. Je sursaute alors que la colère bouillonne en moi. Pourquoi personne ne m’aide ? Pourquoi personne ne bouge ?! On voit bien que j’ai besoin d’aide !
Je suis plus jeune qu’eux, et ils ont l’air de s’amuser du fait que je sois plus faible. Je ne comprends pas ce qu’il se passe dans leurs têtes, je ne connais pas leurs raisons et honnêtement, je m’en tape, le résultat est le même. Je me retrouve à terre quand quelqu’un s’interpose enfin. J’écarquille les yeux, surprise. Evy. C’est Evy ! J’avais oublié notre rencontre ! C’est vrai qu’elle m’avait aidée, et c’est à partir de là que je suis tombée amoureuse d’elle… sans jamais lui dire.

Le souvenir disparait à son tour pour laisser place à mon collège. Le jour de la fête de la musique. Ah !! Ce jour-là ! Un grand sourire sur le visage, je me balade dans les allées du festival organisé par mon école. Je sais exactement où je dois aller. Le son m’attire. J’arrive au niveau de la scène pour me voir avec mon groupe et Evy. Je suis à la guitare et chante. J’ai l’air heureuse. Il y a beaucoup de monde qui nous regarde et j’ai vraiment l’air à ma place. Je m’amuse avec Evy, à fond dans ma chanson, complices. C’est vrai… C’était bien… J’ai un peu perdu la musique de vue… J’étais trop concentrée sur… sur quoi déjà ?

La scène se transforme en studio photo et je serre les dents… Ça…
Mon expression s’affaisse face à la plus grosse erreur de ma vie. Je n’aurais jamais dû accepter… Et maintenant… je suis dans cet état… Je me regarde poser, élégante dans les vêtements que je dois mettre en valeur, et ce qui me saute aux yeux, c’est mon corps… Je n’étais pas comme ça. J’étais plus en chair et pourtant… ça ne me gênait pas avant… Alors…Pourquoi ça me gêne maintenant ? À cause d’eux ? Je me tourne vers les photographes et mon manager. Mais… pourquoi je suis allée jusque-là pour eux au juste ? Qu’est-ce qu’il se passait dans ma tête pour que je me mette à penser que c’était légitime ? Que c’était ce qu’il fallait que je fasse ? Ils m’ont lavé le cerveau… J’ai définitivement changé.

Le décor change encore, et je suis sur un plateau télé. Je me vois jouer, avec mon partenaire. On n’y arrive pas. Je n’arrive pas à l’embrasser. Je suis gênée… je n’ai jamais embrassé personne. J’ai des réserves. Mon manager m’encourage mais je ne suis pas convaincue. Alors le réalisateur décide de nous laisser seuls pour qu’on puisse discuter, se préparer, et se détendre pour ensuite reprendre.
Mon partenaire m’accompagne dans ma loge et j’ai un frisson d’horreur qui me parcourt. Non… Non je ne veux pas me souvenir ! Son visage me revient. Son souffle répugnant dans mon cou. Ses mains chaudes et râpeuses qui se glissent sous mon haut. Je veux détourner le regard. Je ne veux pas voir ça. Je l’avais oublié. Mon cerveau voulait me protéger de ce souvenir. On me demandait pourquoi je déteste les garçons, et je n’arrivais pas à l’expliquer… mais c’est lui. C’est lui la raison ! J’ai envie de réagir. Je m’approche, essaye de l’éloigner mais il ne se passe rien. Je m’observe, me priant de bouger, de faire quelque chose d’un regard paniqué. Mais je ne bouge pas, je suis tétanisée. Je ne comprends pas. Je ne comprends rien. J’observe avec horreur cette main sur ma poitrine alors que je me vois serrer les paupières, incapable de réagir pendant que l’autre… glisse plus bas. NON !
La porte s’ouvre brutalement et il s’éloigne vivement, perturbé, me laissant silencieusement sanglotante. Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine alors que ce sentiment de haine y grandi. Je…ne voulais pas…me souvenir…

Les larmes roulent silencieusement sur mes joues, l’environnement change encore et j’ai peur de ce qu’ils vont me montrer. Je me retrouve à l’école. S’indarë. Mon cœur se met à battre à tout rompre alors que j’observe la scène qui se déroule devant mes yeux.

Kaylee…

Elle est là… c’est notre rencontre… Mon dieu qu’on a mal démarré… Un sourire triste apparait sur mon visage alors qu’un petit rire sort de mes lèvres. Je la regarde, essuyant mes précédentes larmes, et je ne peux pas m’empêcher d’approcher d’elle. J’ai envie de la toucher… Je tends la main vers son visage mais je ne sens rien, bien sûr. Une énorme boule se forme dans ma gorge et je déglutis, puis recule. Kaylee… Je me souviens d’absolument tout te concernant. Nos débuts difficiles, ton match de foot et ce sourire qui m’a littéralement faire fondre pour toi… Tu étais tellement cool… Tellement éblouissante sans le savoir… Toi, trop impulsive mais qui fais tellement attention aux gens qui t’entourent… Personne ne se rend compte de tes véritables qualités… Il n’y a que moi. Tu ne me connaissais pas et pourtant tu m’as protégée… Tu étais censée me détester et pourtant… tu n’as jamais failli à cette mission que tu t’es donnée. Et je te serais à jamais reconnaissante… Tu as tellement fait pour moi… comment j’aurais pu ne pas tomber sous ton charme… ? Ma Kaylee…

D’autres souvenirs me reviennent, le baiser pendant la soirée qui m’a éveillée. C’est un souvenir donc je ne suis pas fière et pourtant… je le chéris chaque jour. Sans ça, on n’en serait pas là… Sans ça, je n’aurais jamais eu l’occasion de sentir tes lèvres sur ma peau… de voir ton sourire régulièrement… D’avoir tous ces moments intimes qui me font me languir de toi… Non… je ne regrette rien. Absolument rien.

Les souvenirs s’effacent doucement, laissant place à une obscurité angoissante. Ça y est ? Je suis en train de partir ? Alors qu’on n’a encore rien fait ? Alors qu’on vient enfin de se rabibocher ? Et qu’on commençait à s’installer dans une relation stable ? C’est du gâchis… Je ferme les yeux, et soupire. Quelle façon conne de mourir…

Tu vas me manquer…Tu vas tellement me manquer…

Je me détends, souriant tristement et mon esprit se focalise sur elle. Il n’y a que les pensées d’elle qui me détendent… Je me remémore sa chaleur, son sourire, le contact de sa peau. Ses cheveux qui chatouillent mon visage. Son souffle contre moi. Son odeur de soleil. Mon soleil…
Puis ses trois bestioles arrivent dans mon champ de visions et je souris. Ah oui… il y a vous aussi. La douceur de Myké… la fourberie de Khéops… la paresse de Khéphren… Je sens mon cœur se déchirer alors que je me rends compte que je ne les reverrais plus tous les quatre… Que je pars en les laissant derrière moi… Les larmes débordent de nouveau et je me roule en boule dans l’obscurité.

Je ne veux pas partir… Pas tout de suite. Je ne veux pas les laisser… je veux les revoir une dernière fois… Elle était ma sauveuse… je pensais qu’elle me sauverait… pas que je mourrais avant d’avoir profité de la vie avec elle… C’est injuste…

Alors que l’obscurité m’alourdit de plus en plus, une douce chaleur, encore discrète, me fait lever les yeux. La lourdeur que je sentais dans mon corps s’allège petit à petit, et ma respiration redevient régulière. Qu’est-ce qu’il se passe ? L’obscurité se lève pour laisser une lueur s’installer autour de moi. Ça y est ? Je m’en vais ? Je récupère doucement les sensations de mon corps et je comprends. Non… je reste. Je reste avec elle ! Alors que l’espoir empli mon cœur, mon corps se détend, la douleur s’évanouit et j’arrive à prendre une grande respiration. Ça fait du bien… Mes côtes ne me font plus mal… je me sens légère mais encore un peu étrange, un peu faible… Mes sens reviennent peu à peu, et son odeur atteint mes narines. Ah… Elle est là… Sa chaleur… Ses cheveux sur mon visage… Je commence à sentir ses bras autour de moi… elle me serre… Qu’est-ce que… Doucement, faiblement… je rouvre les yeux, pour les refermer brusquement, éblouie par la lumière de la réalite. Je les ouvre doucement, et la première chose que je vois ce sont des expressions rassurées. Iris… Lloyd…Eden… et même Alex… Ils sont tous là… Où je suis déjà ? Où est Kaylee ? Je me concentre sur les bras autour de moi et tourne la tête vers la personne qui me serre si fort qu’elle pourrait presque m’étouffer. Kaylee…

Elle est là…

Un léger sourire apparait sur mon visage et ma main vient faiblement caresser ses cheveux. Elle… Elle pleure ? Comment… L’inquiétude prend place dans mon cœur et je cherche ses yeux. Tendrement, j’attrape son visage pour le relever et glisser mon regard dans le sien. Je suis encore faible…je sais que je n’arriverais pas à la serrer contre moi, alors je me contente de sourire et de lui caresser délicatement la joue. Ma Kaylee… Je ne te laisse pas… Ne pleure pas… Tu ne te débarrasseras pas de moi… je te le promets.
Ma vision se focalise sur elle, et je n’entends plus rien. Il n’y a qu’elle et moi, nous sommes dans notre bulle. Je sais que j’allais mourir… je sais que c’était juste. J’en ai conscience. Mais je sais aussi… qu’il n’y a qu’elle pour me soigner de la sorte. Cette chaleur dans mon inconscient. C’était sa chaleur à elle. Je la reconnaitrais toujours. Elle est semblable à celle du soleil mais plus douce… plus tendre… bienveillante. J’inspire une nouvelle fois, me délectant de l’absence de douleur et me laisse porter par celle que j’aime, je me laisse aller, profitant de ses bras autour de moi, de son odeur enivrante et de sa chaleur rassurante. J’ai envie de dormir… Je suis épuisée… Mais je sais qu’il faut qu’on sorte de là. Je dormirais à la maison. Alors faiblement… je tente une phrase, ou plutôt un murmure.

- K-Kaylee… Il faut…qu’on s’en aille…